par Vincent Duhem –
Alors que l’imbroglio se poursuit au sommet l’Etat ivoirien, une bataille économique fait rage. Soutenu par les institutions financières mondiales, Alassane Ouattara cherche maintenant à contrôler les finances publiques, pour mieux resserrer l’étau autour de Laurent Gbagbo.
En Côte d’Ivoire, l’économie pourrait être l’arbitre du bras de fer qui oppose Alassane Ouattara à Laurent Gbagbo. Et permettre ainsi d’éviter le bain de sang tant redouté.
Après avoir obtenu le soutien des institutions financières mondiales, Alassane Ouattara cherche maintenant à contrôler les finances publiques. « C’est nous qui avons le pouvoir, il s’agit de le rendre effectif », résume son Premier ministre Guillaume Soro. Avec son aide, Ouattara espère prendre le contrôle des régies financières, trésor, douanes ou impôts. Il a nommé dans son gouvernement Charles Koffi Diby ministre de l’Economie, qui occupait cette fonction dans le gouvernement Soro en place de 2007 à 2010. Une nomination qui sonne comme un signe fort à l’encontre de Laurent Gbagbo.
Pour rendre son pouvoir « effectif », Alassane Ouattara a notamment demandé au gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) qu’il « soumette à l’approbation préalable de Guillaume Soro tout mouvement interne de fonds aussi bien dans les comptes publics ouverts au nom de l’Etat ivoirien à la Bceao que dans les comptes du Trésor public ou ceux des entreprises à participation financières publiques ». Requête que la Bceao aurait accepté selon certains journaux ivoiriens, lui permettant ainsi de prendre le contrôle des comptes de la Côte d’Ivoire dans cette institution. Une information que la banque n’a pour l’instant pas confirmée. Le candidat donné vainqueur par la Commission électorale indépendante (Cei) a aussi écrit à l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire afin que les mêmes dispositions soient prises à leur niveau.
Les institutions financières internationales jouent la carte Ouattara
Alassane Ouattara, titulaire d’un doctorat de sciences économiques de l’Université de Pennsylvanie, entré en 1968 au Fonds monétaire international (FMI) et vice-gouverneur de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest, est depuis le début de la campagne électorale dans les petits papiers des investisseurs et bailleurs de fonds internationaux. Sans avoir toutes prises position, les institutions financières ont néanmoins exprimé leurs inquiétudes et mis en garde la Côte d’Ivoire.
Dominique Strauss-Kahn, le patron du FMI, a rappelé samedi que son institution excluait de travailler avec un gouvernement non reconnu par l’ONU, et l’UE a brandi un temps la menace de « sanctions ». La Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont indiqué dès dimanche dans un communiqué commun qu’elles s’interrogeaient sur l’opportunité de continuer à aider la Côte d’Ivoire. « Nous souhaitons poursuivre le travail avec les Ivoiriens en matière de lutte contre la pauvreté, mais il est difficile de le faire avec efficacité dans un contexte d’incertitude et de tension prolongées », ont-elles déclaré.
L’enjeu est de taille pour la Côte d’Ivoire. La Banque mondiale a ainsi engagé 155 millions d’euros dans divers projets de soutien à l’économie ivoirienne pour 2010, après des financements de 156 millions d’euros en 2009 et un montant record de 239,5 millions d’euros en 2008. L’institution financière internationale avait lié l’effacement de trois milliards de dollars de dette extérieure du pays (évaluée au total à 12,5 milliards de dollars) à la tenue de ces élections présidentielles, qui étaient reportées depuis des années.
Les menaces et sanctions économiques, qui pénalisent le pays et ses habitants, font indéniablement le jeu d’Alassane Ouattara. Conscient de cette équation, le candidat du RHDP a dit regretter la suspension mardi soir de la Côte d’Ivoire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), tout en incriminant Laurent Gbagbo. Il espère sans soute rendre tout exercice du pouvoir impossible pour ce dernier.
Laurent Gbagbo dispose d’une force politique indéniable dans le pays, et l’armée semble jusqu’à ce jour lui être restée fidèle. Cependant, ostracisé par la communauté internationale, sa marge de manœuvre sur le plan économique s’est considérablement réduite. Et au palais présidentiel, la réflexion doit déjà être à la stratégie capable de contrer celle de l’adversaire. Recettes des douanes, des impôts, payement des salaires de la fonction publique et de l’armée, fonctionnement des ports, c’est toute l’activité économique de la Côte d’Ivoire qui est plongée dans l’incertitude.
afrikeco.com
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