La situation pourrit de plus en plus aux bords de la lagune Ebrié. Le pire est à craindre, M’Beki et l’Union africaine (UA) ayant trouvé à Abidjan une situation difficilement gérable : le président élu et le « président autoproclamé » étaient alors sur des positions irréconciliables. Suite à l’échec de la mission de l’ancien président sud-africain qu’on dit pourtant proche de Gbagbo, un dialogue est-il encore possible en terre ivoirienne ? Les chefs d’Etat de la CEDEAO, reunis hier à Abuja, ont en tout cas brandi le bâton des sanctions, dont la première est la suspension de la Côte d’Ivoire des instances de la communauté.
Depuis plusieurs jours, ADO et Gbagbo se sont retranchés dans des positions figées et haussent continuellement le ton comme pour convaincre l’opinion qu’ils sont décidés à aller jusqu’au bout. Guillaume Soro, qui a repris du service, mais comme Premier ministre des Houphouëtistes, semble même piaffer d’impatience. Il n’écarte pas l’idée de déloger son ancien patron Gbagbo de son repaire. De vieux comptes à régler, outre le lourd contentieux électoral ? En cette fin d’année qu’on espérait moins triste, il apparaît que le scénario du pire est bien celui que Gbagbo et ses compères avaient réservé à tous. Un vrai gâchis.
Le navire chavire et le pourrissement de la situation est tel que les rats se sont décidés à le quitter. Les Nations unies ont ainsi décidé de mettre le personnel administratif non indispensable à l’abri, dans les pays voisins. Si nul ne connaît le plan du « président autoproclamé » de Côte d’Ivoire, personne n’ose nier cependant l’évidence : ça risque fort de pétarader dans les jours à venir, à moins qu’un miracle se produise. Maintenant qu’il se sera suffisamment fait prier par la planète entière, peut-être, le messie d’Abidjan daignera-t-il enfin renoncer à son trône ? Reste à savoir si avec l’évolution de la situation, Alassane Dramane Ouattara, le président élu, ne sera pas conduit à revoir sa copie.
Sa première proposition tendant à amnistier le clan Gbagbo tiendra-t-elle encore la route, vu le temps qui passe, et les nerfs qui sont de plus en plus à fleur de peau chez les Houphouëtistes ? Les affrontements de rue qui se multiplient, de jour en jour, sont un signe que les partisans de ADO risquent fort de ne pas accepter de voir partir comme un saint, celui qui aura tenté de leur « voler » la victoire.
En Afrique et ailleurs dans le monde entier, l’unanimité se fait de plus en plus autour de l’idée que « Gbagbo doit partir ». Du président Obama des Etats-Unis, qui lui a adressé une lettre dans ce sens en proférant même des menaces (sanctions), au chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, et depuis hier, les dirigeants de la CEDEAO, il ne se passe désormais de jour où l’infortuné dirigeant ivoirien n’est stigmatisé pour sa forfaiture. Chaque acteur politique trouve l’occasion de placer son mot. Jusqu’à ses propres amis du Parti socialiste français qui l’ont poliment mais fermement invité à respecter les règles du jeu démocratique. Pour l’heure, Gbagbo peut se féliciter de devoir laisser à ses anciens pairs, de quoi méditer.
En effet, ses excès et son aventurisme pourront faire réfléchir nombre de chefs d’Etat africains qui ne tirent jamais suffisamment leçon de certaines expériences. Selon toute vraisemblance, les dirigeants africains ne pourront plus continuellement et impunément se jouer du citoyen électeur. Si certains n’ont aucune compassion pour leurs populations qui croupissent dans la misère, en dépit de l’immensité des ressources de ce continent, il s’en trouvera toujours des défenseurs ailleurs, pour se substituer aux acteurs politiques défaillants et sans scrupules.
Hier candidat battu, aujourd’hui « président autoproclamé », Laurent Gbagbo donne en ce moment de son pays, une image que personne ne lui a jamais souhaitée. Le fait d’envoyer des émissaires dans la sous-région (Ghana, Togo, Nigeria, etc.) n’y changera rien. Le mur d’hostilité qu’il a lui-même construit tout au long de son règne, et consolidé au lendemain de sa défaite électorale, ne sera pas facile à lézarder. Tôt ou tard, il devra se résoudre à remettre le pouvoir au véritable vainqueur, ainsi que vient de le demander la CEDEAO. Peut-être, ne sera-t-on même pas obligé de passer par le « gban gban » pour y arriver !
« Le Pays »
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