Une prime à l’agitation – Après Guillaume Soro, le Premier ministre d’Alassane Dramane Ouattara, Aké N’Gbo Gilbert Marie, le Premier ministre de Laurent Koudou Gbagbo, a, à son tour, nommé son gouvernement hier en fin de matinée. Jusque-là, on avait deux présidents et deux premiers ministres. A présent, il faut ajouter au tableau deux gouvernements. Ainsi, plus que jamais, la Côte d’Ivoire est divisée.
Après avoir annulé le vote dans le fief de son rival Ouattara, Gbagbo a été déclaré vainqueur par la Cour constitutionnelle ivoirienne. Et malgré les protestations de la communauté internationale, le mari de Simone a, en catastrophe, prêté serment devant quelques dizaines de personnes triées sur le volet.
Comme pour dire que la nature a horreur du vide, il a, dans la foulée, nommé un Premier ministre en la personne du Pr Aké N’Gbo Gilbert Marie. Un illustre inconnu de la faune politique ivoirienne. Et comme pour rattraper son retard sur le camp Ouattara, Gbagbo a rendu public un gouvernement d’une trentaine de membres.
Si on note l’absence des caciques les plus en vue du Front populaire ivoirien (FPI), la nomination de Charles Blé Goudé au poste de ministre de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi est tout de même détonnant. Ce maroquin est franchement une prime à l’agitation pour celui que l’on surnomme « Le général de la rue ».
Cela confirme qu’il s’agit là d’un véritable gouvernement de crise car en temps normal, la Côte d’Ivoire mérite mieux qu’un propagandiste parfois haineux comme Blé Goudé, surtout qu’il s’agit d’un portefeuille stratégique eu égard aux promesses électoralistes du candidat de La majorité présidentielle (LMP). Mais à défaut d’être Premier ministre comme son vieux rival Guillaume Soro, « Le général » aura au moins eu ce qu’il pouvait avoir.
Alors qu’à Abidjan l’enfant de Mama composait son gouvernement, au même moment son sort se jouait à Abuja, au Nigeria où la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) tenait un sommet extraordinaire sur la situation en Côte d’Ivoire.
A ce conclave, les dirigeants de la sous-région ont clairement affiché leur position et appelé Laurent Gbagbo à se soumettre sans délai au verdict des urnes tel que donné par la CEI (Commission électorale indépendante) et qui donne Ouattara vainqueur.
Et comme il fallait s’y attendre, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’institution ont appliqué l’article 45 de la CEDEAO relatif aux sanctions en prononçant la suspension de la Côte d’Ivoire de toutes ses instances.
La présence à ce sommet de Blaise Compaoré, jusque-là médiateur de la crise ivoirienne aura permis, tout compte fait, de clarifier la position du Burkina dans cette nouvelle crise. Cet oukase de la CEDEAO vient ajouter aux pressions diplomatiques venant des quatre coins du monde et qui se font de plus en plus fortes sur Abidjan.
L’Union africaine, Les Etats-Unis, l’Union européenne, la France, l’Allemagne et les institutions de Bretton Woods, pour ne citer que ceux-là, n’ont de cesse de réclamer le départ de Laurent Gbagbo au profit du « véritable vainqueur du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010 ». Maintenant, qu’est-ce que tout cela va produire comme résultats ?
C’est l’éternelle question que l’on se pose depuis que la communauté internationale invite le mari de Simone à « quitter le pouvoir ». On est d’autant plus en droit de se la poser car on a du mal à voir Gbagbo se plier gentiment à ces multiples injonctions, lui qui dit n’avoir d’ordre à recevoir de personne.
La CEDEAO a fait ce qu’elle devait faire. Elle ne pouvait logiquement faire moins que ça. L’institution refuse de négocier et son président Goodluck Jonathan a été on ne peut plus clair : pas question de négociation et pas question non plus d’envisager une solution à la kenyane ou à la zimbabwéenne.
De fait, sur ce dernier point, on voit mal Alassane Dramane Ouattara (ADO) devenir le Premier ministre de Gbagbo. Les contextes sont différents et ADO, ce n’est pas Raila Odinga ou Morgan Tsvagirai. Nous disons cela avec tout le respect qu’on doit à ces deux personnalités. Mais il ne s’agit pas là d’une solution réaliste.
Et tant qu’à faire cela, ce serait mieux de laisser Gbagbo consommer sa forfaiture et boire le calice jusqu’à la lie. Mais depuis le déclenchement de cette crise, comme une antienne, la question qui taraude les esprits est de savoir où toutes ces impressions mèneront et si elles pourront faire plier l’homme fort d’Abidjan.
Gbagbo sait compter sur les divisions de la communauté internationale, à commencer par le conseil de sécurité des Nations unies, et ensuite même de ses pairs africains puisqu’il serait illusoire de penser qu’il n’y a pas certains qui roulent pour lui. La position de principe de la CEDEAO, c’est bien, et on ne peut que s’en féliciter. Reste à savoir si elle sera efficiente !
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga
Commentaires Facebook