Thabo Mbeki a effectué une courte visite en Côte d’Ivoire le 5 décembre, où il a rencontré successivement les deux rivaux Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. L’ex-président sud-africain, mandaté par l’Union africaine pour trouver une solution pacifique à la crise ivoirienne, juge la situation « grave, très grave ». Aujourd’hui le pays a deux présidents, mais aussi deux Premiers ministres. Alassane Ouattara a reconduit dans ses fonctions Guillaume Soro, et Laurent Gbagbo a nommé l’économiste Gilbert Marie N’gbo Aké.
Par RFI
Selon nos informations, c’est le message de l’UA que Thabo Mbeki a transmis le 5 décembre au président sortant, Laurent Gbagbo. L’Union africaine appelle au respect des résultats proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI) – des résultats qui désignent Alassane Ouattara comme vainqueur du scrutin du 28 novembre.
A son arrivée à Abidjan, l’ex-président sud-africain a d’abord rencontré le représentant spécial de l’Onu, Youn-jin Choi, qui lui a expliqué pourquoi il avait certifié la victoire d’Alassane Ouattara. « Je n’ai pas seulement certifié les calculs de la CEI. J’ai certifié les chiffres de mes propres services », a confié le chef de l’Onuci.
Puis Thabo Mbeki s’est rendu à la résidence de Laurent Gbagbo. Il s’est longuement entretenu avec lui – pendant une heure et demie environ. Enfin, il est allé à l’hôtel du golf, où il a rencontré pendant une demi-heure Alassane Ouattara, qui a déclaré à la sortie : « Je demande à Monsieur Laurent Gbagbo de ne pas s’accrocher au pouvoir ».
Dimanche matin, avant son arrivée à Abidjan, beaucoup se demandaient si Thabo Mbeki n’allait pas proposer aux deux finalistes de la présidentielle ivoirienne une solution à la kenyane ou à la zimbabwéenne : Gbagbo Président, Ouattara Premier ministre. Mais de Washington à Paris, en passant par New York et Addis-Abeba, Alassane Ouattara bénéficie d’un soutien international beaucoup plus large que Raila Odinga ou Morgan Tsvangirai. Visiblement, Thabo Mbeki en a tenu compte.
Le Premier ministre de Gbagbo issu de la société civile
Après la nomination de Guillaume Soro par Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo a nommé à son tour un Premier ministre en la personne de Gilbert Marie N’gbo Aké. La nomination de cet universitaire a créé la surprise.
Gilbert Marie N’gbo Aké à la Primature, c’est un signal que Laurent Gbagbo entend livrer aux Ivoiriens comme à la communauté internationale. Président de l’université d’Abidjan Cocody, cet économiste est issu de la société civile. Alors que beaucoup, ici, s’attendaient à la nomination d’un politique pour diriger le premier gouvernement constitué par Laurent Gbagbo après les élections, c’est donc un intellectuel qui a été désigné.
Et le contraste avec le Premier ministre d’Alassane Ouattara est saisissant. Tout le monde connaît Guillaume Soro. Gilbert Marie N’gbo Aké est méconnu du grand public. Le premier est un pur politique, passé du syndicalisme étudiant à la rébellion des Forces nouvelles dont il deviendra le chef. Le second est un pur économiste assez atypique ayant fait sa carrière dans les milieux universitaires.
Par cette nomination, « la tentative de Laurent Gbagbo de dédramatiser ainsi le débat est manifeste », estimait, hier soir, un fin connaisseur de la vie politique ivoirienne. La composition du gouvernement N’gbo Aké devrait-être annoncée très rapidement. Le rythme de la course-poursuite institutionnelle que se livrent Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara est à la mesure du blocage de la situation politique en Côte d’Ivoire.
Le dilemme de Ouattara
Alassane Ouattara a certes avoir le soutien de l’ONU, du FMI et de l’Union africaine, mais pour sortir de l’impasse, il doit agir, car le temps ne joue pas pour lui, A Abidjan, de l’avis général, chaque jour qui passe joue en faveur de Laurent Gbagbo. Le président sortant, réélu sur une décision judiciaire, contrôle toujours l’appareil de l’Etat. Il a nommé un nouveau Premier ministre et a désormais tout intérêt à jouer sur un semblant de retour à la normalité. La réouverture ce lundi 6 décembre des frontières annoncée dimanche soir en est l’exemple le plus patent.
Dans ces conditions, Alassane Ouattara, élu démocratiquement selon la CEI et les Nations Unies, est confronté à un dilemme. S’il reste retranché avec son nouveau gouvernement dans un 4 étoiles de la Riviera, il ne pourra, de fait, bientôt prétendre qu’au titre de président du nord de la Côte d’Ivoire et de l’enclave de l’hôtel du golf.
S’il en appelle à la rue, il prend le risque d’envoyer ses partisans vers une répression massive. Reste maintenant une dernière option lancer un ultimatum à Laurent Gbagbo sinon les soldats des Forces nouvelles passeront à l’action. Mais là le danger d’une confrontation militaire dans les rues d’Abidjan serait immense et le coût humain pourrait être catastrophique pour un dirigeant politique qui ne veut surtout pas s’installer au pouvoir dans un bain de sang.
Cette ultime option soulève également une question : que dira la communauté internationale ? Détournera-t-elle les yeux ou condamnera-t-elle le passage en force d’un homme, qu’elle a publiquement adoubé ?
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