J’accuse par Christian Félix TAPE
En vérité, les observateurs et analystes attentifs et ne sont pas du tout surpris du scénario grotesque que la Côte –d’Ivoire illustre à la face du monde entier. Si personne n’avait en réalité imaginé qu’on s’en sortirait avec deux investitures, donc deux Présidents, ce n’est nullement un secret, le spectacle désolant en cours est la concrétisation d’une ferme résolution vieille de longue date. L’on se rappellera que juste après son élection en 2001, le Pdt Gbagbo affirmait avec détermination qu’il ne toucherait la constitution de la République d’un iota. Parce que l’article 35 qui règle l’éligibilité concerne entre autre Ouattara. C’est pourquoi, à la conclusion du forum de réconciliation, dans son discours de clôture, le Pdt Gbagbo avait tout remis entre les mains de la justice. Alors qu’il avait recouru à l’article 48 pour valider la candidature de Ouattara, il n’a point arrêté de marteler que ce dernier ne serait jamais Président. Comment peut-on accepter sa candidature et empêcher l’élection d’un candidat du calibre de Ouattara ? C’est simple, ON GAGNE OU ON GAGNE ! Même si les procès verbaux des préfets et sous-préfets démontrent qu’il n’y a pas eu tricheries ou/et obstructions en faveur de Ouattara dans les zones CNO, on gagne tout de même.
Est-ce à dire que, quand bien même Ouattara aurait un programme plus convaincant, l’électorat le rejetterait ? Là aussi c’est tout simple et il suffit de trouver des arguments qui aillent au-delà des programmes. C’est ainsi que, pris à son propre piège, désormais convaincu de ne pouvoir facilement battre Ouattara par les urnes, le Pdt Gbagbo se lance dans le même type de campagne hitlérienne dont la meilleure illustration est faite dans « Mein Kampf». Du coup, l’enjeu de l’élection devient une question « d’occupation de la terre nos pères » dont il parlera en campagne à Bonoua et ailleurs. Il l’appellera « notre FA SO » que nous avons le devoir civique et moral de protéger contre l’envahisseur Ouattara. Maintenant, si Ouattara ne doit jamais être élu, pourquoi avoir reçu sa candidature ? N’est-il pas un ayant droit ?
En acceptant la candidature d’Ouattara, fait-on de lui un citoyen à tous les effets ? On répondrait indubitablement par l’affirmative puisque Gbagbo lui-même le reconnait dans les postulats qu’il expose comme implications préliminaires des principes démocratiques, laïcs et républicains, lors de son investiture le 4 décembre 2010. A cette occasion, deux constats sont à retenir parmi ceux que Gbagbo vient de découvrir non plus comme intellectuel mais comme politique : la désobéissance civile, et la souveraineté nationale.
Laurent Gbagbo déplore que les gens ne respectent pas les lois en vigueur ?
Après avoir reconnu que la république est laïque, pourquoi s’étonne –t-il que des citoyens n’adhèrent pas aux lois d’une république qui a choisi d’exclure une partie de ses propres fils ? Être électeur de Ouattara est devenu, par les déclarations du Chef de l’Etat lui-même et par sa propagande, synonyme de traite de la patrie, de complice des coupeurs des têtes des ivoiriens. Devant une situation de ce genre, le peuple n’a que des reflexes conditionnés rarement différents de ceux des « chiens de Pavlov ». Dans les zones et circonstances hors de contrôle, la psychose impose aux gens de se regarder en chien de faïence. Tout le monde est sur son qui vive, prêt non seulement à se sauvegarder, mais aussi à tout pour ne point laisser échapper son acquis, ou l’héritage de ses pères. Il n’existe pas d’incident, mais il faut mettre l’autre hors d’état de nuire.
A la fin de ces années de crise et de processus de paix, le peuple ivoirien avait un défi, celui de pardonner ce qui s’est passé. Or, depuis le fameux forum de réconciliation, on a cultivé le malin plaisir de faire croire qu’on peut pardonner sans oublier. C’est faux ! Si le péché est humain, le pardon est divin. Le Seigneur dit je suis l’éternel ton Dieu qui oublie tes transgressions et je ne m’en souviens plus. Pour libérer le comportement électoral, il est n’était point opportun de choisir ce type de campagne.
En conclusion, c’est l’esprit de cohésion et l’adhésion spontanée et volontaire des gens à cet esprit qui font la force d’une république et d’un État. Et les serviteurs de l’État doivent en être les principaux promoteurs. Si c’est le Chef de l’État lui-même qui sème la division pour conserver le pouvoir, c’est lui, donc c’est l’État, qui contraint une partie de ses fils à la désobéissance civile d’abord et à la rébellion ensuite, si la volonté politique de reconstruction n’est pas sincère. La propagande très efficace a mobilisé sans pour autant maîtriser l’instrumentalisation populaire qui en est faite et c’est cela que la Côte-d’Ivoire paiera. Si on a exacerbé les esprits, on devra maintenant soignerles plaies.
La souveraineté nationale est l’un des arguments de prédilection des ultras nationalistes de toute l’histoire et de tous les pays du monde entier. Ce qui est écœurant et qui est la marque de leur carence démocratique chez nous, c’est que la propagande de LMP de Gbagbo Laurent pense que c’est un souci purement ivoirien et donc qui ne pensent pas comme eux est un vendu. C’est archi faux. Ce débat a été déjà affronté dans un face à face entre Laurent Gbagbo et le Prof. Bourgi en 1982 à la faculté de droit de l’université d’Abidjan.
Il n’existe pas de souveraineté absolue. Aujourd’hui, comme et plus que hier, il est question d’accorder les intérêts des peuples et Etats condamnés à la coexistence et à l’interdépendance, sur tous les plans. Le monde ne retourne pas en arrière. Voilà pourquoi, après avoir parlé de refondation, les refondateurs se trouvent enfin réduits à restaurer, mieux à faire comme tous les autres. Et en la matière, ils ne sont pas plus excellents que les autres, c’est pourquoi ils recourent à « ON GAGNE OU ON GAGNE ».
Alors on peut se demander pourquoi ils sont si convaincus d’incarner la providence.
Christian Félix TAPE
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