Alassane Ouattara, dont l’élection à la présidence ivoirienne a reçu l’aval de la communauté internationale, a fait un geste envers son rival Laurent Gbagbo, lundi, en proposant d’intégrer des ministres de ce dernier dans son futur gouvernement s’il démissionnait.
Cette initiative s’inscrit dans un climat de crise politique depuis l’élection présidentielle qui a produit deux vainqueurs – Ouattara avec un appui international et Gbagbo avec le soutien du Conseil constitutionnel et de l’armée.
Le scrutin du 28 novembre était censé réunifier le pays après des années de division consécutive à la guerre civile de 2002-2003, mais les analystes soulignent que le conflit intérieur peut reprendre et compromettre la stabilité à travers l’Afrique de l’Ouest. « Si Laurent Gbagbo accepte tranquillement de partir du pouvoir, les ministres de son parti seront les bienvenus dans ce gouvernement que nous entendons diriger », a déclaré Guillaume Soro, Premier ministre sortant et ancien chef des rebelles, à la radio française Europe 1.
Impact financier
La Commission électorale indépendante (CEI) a proclamé Alassane Ouattara vainqueur du second tour de la présidentielle avec 54,1 % des suffrages, mais le Conseil constitutionnel a ensuite annoncé la victoire de Laurent Gbagbo avec 51 % des voix après avoir invalidé des centaines de milliers de votes dans le nord, bastion de Ouattara, en invoquant des manoeuvres d’intimidation et des fraudes imputables aux ex-rebelles.
Le président américain Barack Obama a pris fait et cause pour Ouattara, à l’instar des Nations unies, de l’Union européenne, de la France, de l’Union africaine et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui ont tous exhorté Gbagbo à accepter le verdict de la CEI.
Les dirigeants de la Cedeao doivent consacrer mardi une réunion extraordinaire à la Côte d’Ivoire. Nicolas Sarkozy a de nouveau appelé lundi Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir par respect pour « la volonté du peuple ivoirien ». Le président français, en visite en Inde, a ajouté que Paris était « très vigilant sur la sécurité » des Français résidant en Côte d’Ivoire.
Laurent Gbagbo a rejeté les appels extérieurs à son retrait comme un affront à la souveraineté ivoirienne et a menacé d’expulser le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire pour ingérence dans ses affaires intérieures. Dénonçant un « effondrement de la gouvernance » en Côte d’Ivoire, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (Bad) ont annoncé leur intention de réévaluer leurs programmes de prêts à ce pays.
Alassane Ouattara a déjà nommé dans son gouvernement Charles Koffi Dibby, ancien ministre des Finances de Gbagbo qui s’est illustré par sa gestion de l’économie. Mais Dibby n’a pu être contacté pour confirmer sa défection. La Banque mondiale a lié l’effacement de trois milliards de dollars de dette extérieure de la Côte d’Ivoire (évaluée au total à 12,5 milliards de dollars) au bon déroulement d’une élection présidentielle. Mais l’emprise de Gbagbo sur l’économie est renforcée par les revenus du cacao et du pétrole, notamment.
Réouverture des frontières
Malgré l’épreuve de force en cours, la Côte d’Ivoire a rouvert lundi ses frontières terrestres, aériennes et maritimes qui avaient été fermées jeudi soir. À Abidjan, la situation est quasiment revenue à la normale dans le quartier des affaires. « La communauté internationale doit jouer franc jeu, sans quoi ce sera la pagaille dans ce pays. Ouattara qui forme son gouvernement, Gbagbo qui forme le sien – où cela finira-t-il ? », a commenté un fonctionnaire, Maurice Fallet.
Le chef d’état-major de l’armée a prêté allégeance à Gbagbo et l’armée semble de son côté jusqu’ici. Ouattara, lui, a le soutien des rebelles des Forces nouvelles (FN) qui contrôlent le nord. « Nous avons placé nos troupes en état d’alerte », a déclaré Seydou Ouattara, porte-parole des FN. « Si nous sommes attaqués, nous défendrons nos zones et prendrons le reste du territoire ivoirien », a-t-il dit à Reuters, en exprimant l’espoir que le pays évite un bain de sang. La médiation entreprise par l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki entre les deux rivaux ne semble pas avoir produit de percée dimanche. On ignore si d’autres pourparlers sont prévus.
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