Ça y est, ça recommence ! Le même contexte les (élections), les mêmes palabres (le refus d’accepter la victoire de l’adversaire), le même scénario : le président sortant et sorti usant de toutes les méthodes pour conserver frauduleusement le pouvoir. Voilà campé le climat sociopolitique de ce deuxième tour de la présidentielle ivoirienne. Un deuxième tour aux senteurs des scénarios zimbabwéen et kenyan. C’est que le roitelet de Cocody a bien assimilé les cours des maîtres d’Harare et de Nairobi.
Comme je m’y attendais, les résultats de ce second tour seront occasion de déchirures : Gbagbo Laurent ne prospère que dans le flou, le désordre et la menace de chaos. Et pourtant, tout semblait bien parti, après un premier tour de tous les dangers, mais finalement (et heureusement) sans grands heurts. L’optimisme fut même permis, après ce face-à-face télévisé entre les deux candidats qui nous avaient offert une prestation pleine d’élégance et de courtoisie. » Trop d’élégance et de courtoisie « , n’ont pas hésité à faire remarquer quelques esprits trop critiques. Une ombre chargée de menaces toutefois lors de cette émission : l’annonce d’un couvre-feu faite par le candidat président sortant, Gbagbo Laurent.
Un couvre-feu surprenant (rien ne le justifiait car il n’y avait, jusque-là, aucun acte notable de vandalisme dans la zone sous contrôle gouvernemental) ; un couvre-feu curieux, inopportun, voire louche : pourquoi empêcher les Ivoiriens de sortir de chez eux après le vote ? Ce vote, libre, démocratique et transparent qu’ils auront attendu pendant 10 ans ? N’y avait pas plutôt là, occasion pour ce peuple de faire la fête afin de décompresser un peu, après toutes ces épreuves de nerfs qu’il a subies pendant si longtemps ? Oui, assurément oui. Mais M. Gbagbo, nombriliste à souhait, gros dans son ego de roi nègre, en a décidé autrement : »Tout le monde au lit, et cela, dès 22 heures ! » Une manière certainement de sévir, de punir ce peuple qui l’aura contraint à aller à l’élection présidentielle, cette élection qui signe inévitablement la fin de son règne fait de jouissances impudiques et scandaleuses.
Nous interdire de sortir, précisément cette nuit du dépouillement ! Pourquoi ? Pourquoi cet inconfortable couvre-feu qui, assurément, allait créer une inutile psychose, à ces moments précis du scrutin ? Autant d’interrogations qui avaient alerté Ouattara, le candidat des »houphouétistes » ; des questions qui nous avaient alertés, nous aussi. La suite des faits lui donnera raison : dès le lendemain de cette annonce, l’on nous signalait des troubles à Abobo, immense quartier populaire et bastion du parti d’Alassane Ouattara. Ces troubles, selon nos informateurs, ont été provoqués par la Fesci, l’autre mamelle du pouvoir Fpi. Bien évidemment, la police a chargé : coups de crosse, lacrymogène, bastonnades, des arrestations arbitraires, de nombreux blessés ; on dit même qu’il y a eu des morts.
Non, nous n’avons pas été dupes, et nous ne le sommes pas. Ces récentes échauffourées d’Abobo étaient le fait du pouvoir. Leur but était de justifier à présent l’injustifiable couvre-feu annoncé par Gbagbo 24 heures plus tôt. Ce n’était, là, que le premier tableau de la tragi-comédie politique qu’avait écrite ce régime rompu à l’art du faux.
Scrutin, attente des résultats, manipulations
Quatre jours à présent que les Ivoiriens sont dans l’attente des résultats de ce scrutin. Quatre jours d’interrogations, d’incertitudes, d’angoisses. Quatre jours de demi-silence sur ces résultats (qu’en réalité tout officiel d’ici et d’ailleurs sait) dont M. Laurent Gbagbo interdit la diffusion, pour des raisons évidentes : il a été battu par Alassane Ouattara qui devient, de ce fait, le nouveau président de la République de Côte d’Ivoire. Et ce résultat, su de la Céi depuis cette nuit du dimanche, est, conséquemment, su de toutes les chancelleries présentes dans notre pays. Oui, candidat de La minorité présidentielle (Lmp), Gbagbo Laurent a été battu à l’élection tant attendue par le peuple ivoirien.
C’était une défaite attendue. En effet, malgré le tripatouillage des résultats du premier tour en sa faveur (il fallait éviter d’humilier le président sortant afin qu’il accepte de partir dans l’honneur et la dignité), l’homme n’a recueilli que 38% des suffrages, contre près de 62% obtenu par l’opposition. En termes clairs, cela signifie que 62% de l’électorat ne veut pas de Gbagbo à la tête de l’Etat. Un tel pourcentage de refus est énorme ; mais il est surtout révélateur de la dose de déception que le président sortant (qui refuse à présent de sortir) a procurée à son peuple ; un peuple fatigué des manquements et insuccès de son chef.
Dès lors, sur quoi pouvait bien reposer l’espoir de gagner au deuxième tour ? Sur rien ou plutôt, sur des estimations fragiles : que l’électorat potentiel (l’immense bataillon des militants houphouétistes) dont Ouattara devenait le porte-parole, ne donne pas ses voix au concerné ! Ridicule, absolument ridicule et insensé comme calcul car Ouattara partait à ce deuxième tour avec un acquis réel de 62% des voix contre 38% pour Gbagbo qui, arithmétiquement, avait fait le plein de ses voix. La victoire du premier et, conséquemment, la défaite du second, relevaient donc d’une logique et d’une évidence arithmétiques que seuls des sorciers urbains et des politiquement analphabètes pouvaient ignorer…
Ce refus de la part de Gbagbo de reconnaître la défaite ne surprend pas grand monde. Tout Ivoirien sait que l’homme, désormais obsédé par le pouvoir, a du mal à s’imaginer ex-président. Comme tout bon président nègre, le pouvoir est devenu sa chose, son bien. Pour rien au monde, il ne le cèderait à qui que ce soit. Il est venu au pouvoir pour y rester, en jouir comme il l’entend, y mourir comme il l’entend. Le palais présidentiel est devenu sa résidence principale. Le pouvoir ! Ah ce pouvoir ! Sirènes d’enfer, cortèges, motards, tapis rouge, avion, fonds de souveraineté, etc. Les plaisirs, tous les plaisirs ! Comment et pourquoi s’en priver ?
Le pouvoir, ce pouvoir ! Le pouvoir qui transforme tant de destins, faisant d’un professeur d’histoire hier encore fauché avant le 10 du mois, un dieu de Palais, riche et plus prospère qu’un argentier suisse ! Le pouvoir, ce pouvoir ! Celui de décider du destin des autres, de les soumettre, de les humilier même au besoin. Et, par-dessus tout, l’argent, l’argent, encore l’argent… qui rend fou l’insensé qui succombe à ses charmes maléfiques ! L’argent du pétrole, l’argent du gaz, les lingots d’or, cet or que le pays commence à produire et dont Gbagbo a reçu récemment le premier spécimen. Soyons honnêtes : admettons qu’il y a vraiment là de quoi rendre fou un amateur d’histoires à nous attirer des histoires désagréables !
Médias de la haine
Il est donc clair que Gbagbo Laurent ne se soumettra pas au verdict des urnes. Mais comment procéder pour faire admettre cela au peuple ? La réponse et les moyens sont tout trouvés : intoxiquer le peuple, le désinformer en se servant des médias d’Etat (la Télévision la Radio nationale, Fraternité Matin) à la tête desquels ont été placés des militants peu talentueux dans le métier, mais excellents dans la propagande. Alors, on désinforme tous azimuts, dans une opération intolérable de matraquage des esprits comme le Fpi et les régimes populistes savent si bien le faire.
Comme ils l’ont fait à chaque occasion de crise vécue dans ce pays, Gbagbo et son régime monopolisent aujourd’hui la télévision nationale pour faire la propagande, armer les simples d’esprits (et ils sont nombreux) contre l’adversaire qu’on transmue volontiers en ennemi N°1 de la nation. Depuis l’entame de ce deuxième tour, les médias d’Etats sont ainsi devenus des instruments de la haine, gérés et animés par d’irresponsables responsables administratifs et des journalistes militants aux plumes haineuses, trempées dans les marécages de la xénophobie et du nationalisme chauvin et hystérique. Le chef de l’Etat, candidat sortant, est lui-même aux avant-postes de ce combat rétrograde et mesquin, alerte à remuer les instincts sauvages et inciviques du peuple, un peuple savamment abêti par un régime dangereux.
Danger. Oui, Gbagbo Laurent est un chef dangereux pour un peuple comme le nôtre qui fut forgé et éduqué aux valeurs de la paix, du dialogue, de l’ordre, de la discipline et de la galanterie. Gbagbo Laurent a fait entrer la Côte d’Ivoire dans l’âge sauvage et primitif de la gestion farouche du pouvoir ; le pouvoir en tant que force sauvage personnalisée et offensive, qui PEUT TOUT ; le pouvoir qui contraint, le pouvoir qui n’a d’autre objet que lui-même, c’est-à-dire éprouver l’effectivité de sa propre nature : transgressive et coercitive. Car, » le POUVOIR, c’est ce qui PEUT » (Ganin Bertin, professeur de philosophie). Telle est, à travers l’Histoire politique, la problématique du pouvoir quand il tombe entre les mains des populistes, des fascistes et des extrémistes : c’est un art dangereux de la falsification et de la contrefaçon, l’art de transformer le mensonge en vérité, et la vérité en illusions !…
La Télévision, Fraternité Matin, la Radio nationale, sont les instruments du régime de Gbagbo. Et tous, en complicité avec ce régime, mentent gaiement comme des larrons imbibés d’alcool. Oui, ce régime ment. Il ment comme mentent les mauvais perdants sans honneur ni dignité. Il ment comme mentent les fourbes et les veules. C’est un régime aux abois ; et toutes ces »Journées de la haine » (inspirées du célèbre roman » 1984 » de George Orwell) qu’il nous sert sur la 1ère chaîne de la Rti ne sont que les râles d’un serpent venimeux atteint à son point vulnérable.
Danger. Oui, j’affirme que ce régime est dangereux, car il veut associer à sa fin, celle de nombreux fils de ce pays en déclenchant des hostilités meurtrières à nous rappeler la tragédie du Rwanda. Gbagbo Laurent va donc conduire la Côte d’Ivoire dans d’effroyables affrontements si on le laisse continuer cette mascarade, car pour nous autres de la » Résistance intérieure et intellectuelle » à la dictature de cet homme et de son régime infect et impopulaire, son règne est fini ; et il n’est pas question pour nous d’abandonner le jardin de la victoire pour la steppe navrante de la négociation avec le mauvais perdant sans parole d’honneur qu’il est…
Appel à la sagesse
Oui, Gbagbo Laurent, fils de Mama. C’est moi qui te parle avec l’acier de mes mots d’homme juste : qu’est devenu l’engagement que tu avais pris, jeudi dernier, de respecter le verdict des urnes ? Comment ! N’as-tu pas même le sens de l’honneur ? La parole est sacrée, Laurent, car elle est au commencement de toutes choses, bonnes ou mauvaises. La parole est or, eau, feu et flammes, Laurent : le Maître, notre maître à tous les deux, nous l’a appris. Prends donc garde à ne pas violer la parole donnée, de peur de susciter en ton encontre la colère des dieux, las de tes inconduites. Ce siège présidentiel qui déchaîne en toi mille et une passions orageuses et enragées ne t’appartient pas. Le temps est venu pour toi de le céder à un successeur, comme il sied qu’on le fasse, en démocratie.
Ecoute-moi donc, Laurent, fils de la tourmente qui terrifie mais jamais ne construit ! Ecoute pour une dernière fois cet appel désespéré que je te lance du fond de mes nuits troublées ; ces nuits sans fin où nul Ivoirien ne peut plus trouver repos et paix sous ton règne agité, inélégant, brouillon et violent. Ecoute-moi, et à travers ma voix, entends celle de tous les grands maîtres de la gauche ivoirienne : d’abord Mémel Fôté le patriarche, Désiré Tanoé le sage, Adam Camille à la parole juste, Ngo Blaise le pur aujourd’hui perclus dans une misère inacceptable, Doudou Salif (qu’es-tu devenu ?), Barthélemy Kotchy-la-droiture, Bernard Zadi au cœur si généreux et à la parole belle comme fleur des monts… et tous ces autres que ma mémoire fatiguée ne peut citer pour le moment. En leur nom, je te demande de te retirer dans l’honneur et la grandeur. N’écoute pas les exaltés de ton parti qui te poussent au suicide. Le Monde entier a enregistré ta défaite ; et même si, par extraordinaire forfaiture, tu arrivais à conserver le pouvoir au prix (sache-le toutefois) de mille et une tueries immondes, tu dois comprendre que ces crimes te conduiront encore plus certainement qu’hier à la potence du Tribunal pénal international…
Entends aussi mon appel, Simone de Mossou, fille terrible des respectables Ehivet. Il y a un temps pour régner, un temps pour partir ; un temps pour les princes, un temps pour les peuples. Un temps pour le mensonge, un temps pour la vérité ; et nul ne peut cacher le soleil de la paume de la main, aussi grande que soit cette main. Il y a toujours un temps pour le Juste, Simone, ô toi, plus obsédée par le pouvoir que Salomé et Herodiade-l’impudique-tentatrice.
Ivoiriennes, Ivoiriens, je vous le redis : la machine à tuer de Gbagbo est en place ; les images que l’on vous montre à la télé sont des doses de nicotine et de hallucinogène destinées à vous faire basculer dans la démence meurtrière contre un ennemi virtuel savamment préparé pour assouvir votre haine. Cet ennemi, c’est l’étranger. Avant-hier, on nous a présenté à la télé, des raflés parmi lesquels, des Maliens, des Burkinabè, etc. Il nous faut dénoncer ces dérives ; les dénoncer avec l’énergie des mots-exorcistes ; les dénoncer avec l’espoir et la foi pure des croyants des premiers âges ; les dénoncer enfin avec l’énergie de l’espérance. Et c’est ici qu’il me faut adresser la dernière partie de ma communication à tous ces pseudos experts africains en matière de scrutins électoraux qui ne cessent de nous »gaver de pestilences » (Césaire) sur notre télé nationale.
Experts nègres :
la parole purulente
C’est sur l’insistance d’une haute et respectable personnalité de ce pays et qui m’est chère que, avant-hier, j’ai regardé la Rti, la télévision de l’abrutissement parfait que je me suis gardé, depuis quelques années, de regarder. Et ce que j’ai vu sur cette chaîne n’est pas que scandaleux et pitoyable. Il est misérable et médiocre du point de vue professionnel, car il ne donne à voir et entendre qu’une seule partie, un seul parti, les propos d’un seul camp : le camp présidentiel, le camp de Gbagbo : l’inévitable Blé Goudé, à la recherche forcenée d’une levée de sanction internationale ; Damanan Pickass et autres porte-parole hystériques de M. Gbagbo ! Bientôt vont surgir Bro Grébé-l’excitée et à la parole enceinte de haine, William Attébi, le député hystérique à la langue offensante et offensive, Dadié Bernard le révolutionnaire attardé, et toutes ces autres figures à la fois inquiétantes et comiques de la »galaxie patriotique ». Et puis quoi encore ? Gbagbo Laurent et ses alliés sont-ils les seuls engagés dans ce scrutin ? Pourquoi ne donne-t-on pas aussi la parole au camp adverse accusé ? Que signifie ce journalisme partisan, malsain, inféodé, suiviste, robotisé ? Allons messieurs de la Rti, à quelle école de presse avez-vous été formés ? Où avez-vous appris le métier ? Le métier, Brou Amessan ! Le métier, Amessan-la-honte-du-journalisme ivoirien !!!
Ce que j’ai vu sur la 1ère chaîne de la Rti (ces témoignages de pseudo blessés par des militants du Rhdp – où sont les films en direct de ces agressions ?) est un acte de friponnerie médiatique et politique comme le régime de Gbagbo sait si bien en faire montre. Quel message veut-on ici lancer au peuple ivoirien, ce peuple meurtri par une décennie d’inutiles déchirures fratricides ? Le message de la guerre ? Tout Ivoirien sait ce qui se passe dans les zones forestières de l’ouest où sévissent, bavant de crachats guerriers, les fanatiques de Gbagbo qui spolient les paysans baoulé, les tuent même parfois pour les déposséder de leurs plantations. Récemment, le magazine international »Afrique Magazine » a publié une enquête où il fait état de centaines de planteurs spoliés de leurs plantations. Il est étrange que la Rti n’en ait jamais parlé et qu’elle n’en parle pas. Dans le contexte de ce deuxième tour du scrutin, on a relevé au moins trois personnes tuées dans la zone gouvernementale par la soldatesque de M. Gbagbo. Il est tout aussi étrange que la Rti ne fasse jamais cas de ces atrocités qui en ajoutent à la liste, effroyablement longue, des crimes signés par ce régime aux mains sales et ensanglantées.
En tout état de cause, je peux prétendre connaître aujourd’hui et suffisamment ce régime pour débusquer ses forfaitures et dire aux Ivoiriens qu’une fois de plus, Gbagbo et ses partisans mentent et désinforment. Qui ne se souvient, en novembre 2004 (ce qu’il a été convenu d’appeler »la crise des sukkhoïs ») de ce message lancé sur la 1ère chaîne de la Rti où l’on nous avait dit qu’Alassane Ouattara se trouvait dans le ventre d’un char en partance pour le palais présidentiel où les Français avaient pris le parti de l’installer, violant ainsi la souveraineté du peuple ivoirien ? On nous avait dit aussi, sur cette même télé, que l’armée française avait bombardé et détruit le palais présidentiel de Yamoussoukro. On a découvert, mais plus tard, le mensonge. Mensonge et mensonges. Le régime de Gbagbo sait-il servir autre chose que cela aux Ivoiriens ?
Ivoiriennes et Ivoiriens, chers compatriotes, ce régime (que je connais pour l’avoir pratiqué) ment. Il a souvent menti. Il a même toujours menti. Aujourd’hui, comme hier, il ment. Sans scrupules. Ivoiriennes, Ivoiriens, ne croyez rien de tout ce que vous propose la Rti de Gbagbo. C’est la télé du pouvoir ; c’est la télé du mauvais journalisme dont aucun public sérieux ne voudrait. Citoyens de mon pays, n’écoutez pas ces prétendus experts. Ce sont des bouffons, des personnages de cirque et de théâtre. Leurs déclarations ne sont que parlotes d’hommes intéressés. Ils font le pitre pour des broutilles !
Tiburce Koffi, écrivain.
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