Côte d’Ivoire: les trois erreurs de Laurent Gbagbo

Par Allain Jules AgoravoX

Tel un bleu qui rentre en politique, le président ivoirien actuel (encore pour combien de temps ?), Laurent Gbagbo, a péché par manque de vrais conseillers. Tel un amateur, il s’est frotté, tout seul, à deux dinosaures de la politique ivoirienne, Henri Konan Bédié, ancien président, et Alassane Dramane Ouattara, ancien premier ministre. Aujourd’hui, la Côted’Ivoire se retrouve dans une situation inextricable que lui-même a créée. Comment ? « Sans progrès, il n’y a pas de paix possible. « Sans paix, il n’y a pas de progrès possible » disait Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU. Ambiance.

Forces nouvelles au lieu du PDCI.

Quand on dîne avec le diable, il faut se munir d’une longue cuillère, dit l’adage chinois. Or, Laurent Gbagbo a voulu œuvrer pour la paix, ce qui est tout à son honneur, en s’aliénant hélas, le PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) et Henri Konan Bédié, pour s’allier avec les forces nouvelles qui occupaient le Nord de la Côte d’Ivoire. En nommant Guillaume Soro premier ministre, c’était un aveu de faiblesse et le début de ses déboires. Ledit Soro vient de lui rappeler l’adage chinois en refusant catégoriquement sa victoire imposée par la Cour constitutionnelle. Une belle façon de le remercier. Et pourtant, Alassane Ouattara a réussi l’impensable, en s’alliant avec celui-là même qui, par son expérimentation de l’ « ivoirité », était à l’origine de son exclusion à l’élection présidentielle de 2000 sous le prétexte d’une « nationalité douteuse. »

Laurent Gbagbo a fait preuve d’amateurisme durant les dix années où il a eu -c’est vrai difficilement, la charge de la Côte d’Ivoire-, en manquant de perspectives réelles et en surjouant sur son supposée panafricanisme qui était, pensait-il, un bouclier qui le rendait intouchable et prêt du peuple. Il a confondu la tentative de putsch dont il avait été victime en 2002, et qui avait vu un élan de solidarité indescriptible où, des centaines de milliers d’abidjanais se relayaient devant son domicile de Cocody, pour faire obstacles aux putschistes…Hélas, l’époque est révolue. Il aurait fallu penser l’avenir de tous ces jeunes qui ont porté leur suffrage sur le « candidat de l’étranger » comme il nomme Alassane Ouattara…Même avec le décompte de la Cour constitutionnelle, les faits sont là, l’ancien premier ministre de Félix Houphouët-Boigny réalise un incroyable 48,55% de suffrages exprimés alors que les votes de 7 départements ont été annulés

Négliger la « communauté internationale »

Selon nos informations, bien sûr, nous ne pouvons actuellement les confirmer ou les infirmer, le clan Gbagbo a été menacé par le président français, de poursuites devant la CPI, sur les dossiers « escadrons de la mort » où Mme Gbagbo serait impliquée, « la vérité sur l’assassinat du Général Guei », et « élucider la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer », dont le clan Gbagbo est accusé d’avoir fait disparaître… etc. Donc, toujours selon notre source, alors que Laurent Gbagbo va prêter serment aujourd’hui, à 11h, il aurait refusé une immunité conséquente. Ca sent le roussi et, on se demande bien comment pourra-t-il résister à la France, les Etats-Unis et tutti quanti ? La Côte d’Ivoire que certains veulent transposer avec le cas zimbabwéen risque de se retrouver dans une situation plus que difficile…

Hier, de Sarkozy à Barack Obama, à part la Russie au Conseil de sécurité des Nations unies qui a émis des réserves, tous les grands du monde et, pire, la communauté des États de l’Afrique de l’ouest, ont demandé à Laurent Gbagbo de respecter les résultats du scrutin et ont même félicité son adversaire, Alassane Ouattara. Du coup, il est plus qu’isolé en son palais. Peut-on gouverner d’un palais ? Il est probable que le sort réservé à l’homme dont l’adage « j’y suis j’y reste » va à merveille vire vers le tragique. Ce n’est nullement ce scénario catastrophe que tous les observateurs désirent pour la Côte d’Ivoire.

Croire aux sondages et sous-estimer ses adversaires

Coup de théâtre : le panafricaniste Laurent Gbagbo s’est coltiné dans l’esbroufe, en acceptant d’être conseillé par l’office de sondages français TNS-Sofres. Quelle ironie en effet ! Cet institut le créditait de 42% d’intentions de vote au premier tour, il eut un peu moins, et la victoire au second tour. Laurent Gbagbo cru alors que rien ne pouvait lui arriver et fit donc le service minimum depuis le mois d’août jusqu’au jour J. Cette organisation très proche de la droite française qui exècre Laurent Gbagbo pourtant, ne l’a-t-il pas endormi ? Comment est-il possible que cette société vienne en Côte d’Ivoire réaliser un sondage, sans connaître les tenants ni les aboutissants de l’électorat sur place ? Une voltige mensongère ou comment se faire de l’argent sur le dos des Africains à moindre frais.

Le président sortant Laurent Gbagbo a enfin fait preuve de condescendance vis-à-vis de ses adversaires politiques, croyant qu’il allait faire d’eux, une bouchée. Les scores de la Commission électorale indépendante (CEI) ou de la Cour constitutionnelle parlent d’eux-mêmes. Comment a-t-il pu en arriver là ? Tous ces écueils n’avaient-ils été constatés ? Maintenant, le « résistant » comme le nomme ses supporters, réussira-t-il a tenir ferme face au rouleau compresseur « communauté internationale » ? C’est moins sûr. Sa prestation de serment risque, probablement, de mettre le feu aux poudres. In fine, que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire .

Agoravox

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