Diallo admet la victoire de Condé à la présidentielle en Guinée

CONAKRY (Reuters) – L’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo a concédé vendredi sa défaite face à l’opposant historique Alpha Condé le 7 novembre au second tour de la première élection présidentielle libre en Guinée depuis son indépendance, il y a plus d’un demi-siècle.

La Cour suprême de l’ancienne colonie française d’Afrique occidentale a rejeté les recours en invalidation des résultats déposés par Diallo, représentant de la principale ethnie du pays, les Peuls, qui était arrivé largement en tête au premier tour avec 44% des suffrages.

« Nos plaintes n’ont pas été prises en compte. Dès lors que la décision de la Cour suprême n’est pas susceptible d’appel, nous n’avons d’autre choix que de nous conformer à la décision prise par l’institution légale supérieure de la République », a déclaré Diallo lors d’une conférence de presse.

Le représentant des Nations unies en Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, s’est félicité de la résignation de Diallo à sa défaite. Il a dit à Reuters espérer que ce « sens des responsabilités » fasse école ailleurs en Afrique, en particulier en Côte d’Ivoire, où les deux candidats du second tour, Alassasine Ouattara et Laurent Gbagbo, se disputent la victoire.

Conakry, la capitale, était calme vendredi après la fin du suspense électoral qui a sacré l’opposant historique Alpha Condé, 73 ans, comme le premier président librement élu de Guinée, avec une majorité de 52,52% des suffrages – un « come-back » remarquable par rapport à son score de 18% du premier tour.

APAISER LES TENSIONS ETHNIQUES

L’élection marque le retour du pays à un régime civil près de deux ans après le coup d’Etat sanglant du capitaine Moussa Dadis Camara à la faveur de la mort de Lansana Conté, le dictateur qui avait succédé entre 1984 et 2008 au premier président de la Guinée indépendante Sékou Touré, l’homme qui avait dit « non » au général de Gaulle.

« Nous avons tous prié Dieu de nous donner un bon leader. Alpha a gagné. Il nous faut le soutenir », résume Abdoualaye Sylla, un trentenaire habitant à Conakry, où les activités normales avaient repris vendredi en milieu de journée après les violences qui auraient fait une dizaine de morts et plus de 20 blessés depuis la proclamation de la victoire de Condé à la mi-novembre.

Ancien maître-assistant à l’université parisienne de la Sorbonne, Condé fait figure d’opposant historique et a connu l’exil, la prison et l’opprobre. Ses partisans le décrivent comme un esprit brillant; ses adversaires le disent impulsif et radical.

Sous la dictature de Sékou Touré (1958-1984), il est condamné à mort par contumace et emprisonné un temps au camp Boiro, un ancien centre d’internement militaire de Conakry transformé par le régime en prison politique de sinistre mémoire.

Sous le régime de Lansana Conté (1984-2008), il est emprisonné de 1998 à 2003 pour complot en vue de s’emparer du pouvoir. A l’élection présidentielle de 1993, il avait semblé sur le point de battre Conté mais le gouvernement avait annulé une série de votes en sa faveur.

TENSIONS ETHNIQUES

Après la mort de Conté, en décembre 2008, Condé soutient d’abord le coup d’Etat de Camara mais change de camp lorsqu’il devient manifeste que celui-ci cherche à se maintenir au pouvoir.

« On peut dire beaucoup de choses de Condé (…) mais il peut vraiment revendiquer la bataille pour le multipartisme et la démocratie en Guinée », dit Kalifa Gassama Diaby, professeur à Toulouse.

Alpha Condé, qui appartient à l’ethnie Malinké – 35% environ de la population guinéenne – va devoir aujourd’hui assumer une lourde tâche: rétablir un gouvernement civil et constitutionnel dans un pays où les tensions ethniques ont été ravivées par le scrutin.

Il a proposé d’intégrer des partisans de Diallo dans un futur gouvernement d’unité nationale afin d’apaiser les tensions ethniques dans un pays dont la principale richesse est la bauxite et où l’établissement d’un régime civil démocratique serait susceptible de rendre confiance aux investisseurs.

Mais sa capacité à gouverner un pays dévasté par des années de gabegie et de corruption sera observée de près par les partenaires de la Guinée, qui détient le tiers des réserves de minerai d’aluminium connues au monde et de considérables gisements de minerai de fer.

Marc Delteil pour le service français, édité par Guy Kerivel et Gilles Trequesser

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