Boribana
« Boribana ». C’est le titre d’un tableau dont je ne me souviens plus de l’auteur, que feu Diégou Bailly avait présenté à la « une » de son journal, le lendemain de la chute de M. Bédié en décembre 1999. « Boribana » veut dire la fin de la course. M. Gbagbo, si vous êtes honnête, je crois que vous reconnaitrez que pour vous aussi, la course est finie. Et j’ajouterai à « Boribana » ces quelques lignes tirées d’un texte d’Hemingway : « ask not for whom the bell tolls. It tolls for thee. » C’est du vieil anglais qui se traduit par « ne demande pas pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi. » M. Gbagbo, chaque fois que vous entendrez des cloches sonner dans une église ou dans un temple, ou n’importe où, sachez qu’elles sonnent le glas de votre pouvoir. Depuis le second tour de l’élection présidentielle, vous avez instauré un couvre-feu, que vous avez prolongé jusqu’au dimanche prochain. Depuis le second tour de l’élection présidentielle, vous avez monopolisé la télévision pour faire croire aux Ivoiriens que vos militants ont été molestés dans le nord, en occultant tout ce que les partisans de M. Ouattara ont subi ailleurs dans le pays, et particulièrement dans votre région. Qui est encore dupe dans ce pays ? Notre télévision, que vous avez prise en otage, a voulu nous faire croire que ce sont les militants du RDR de Yopougon qui ont tiré sur les forces de l’ordre dans la nuit de mercredi à jeudi. Vous croyez vraiment qu’il existe encore des Ivoiriens suffisamment naïfs pour croire en cela ? Yao N’dré, le président de la Cour Constitutionnelle, a dit qu’il ne reconnaît pas la proclamation des résultats faite par le président de la CEI. Et alors, Gbagbo ? Et alors ?? Qui, dans ce pays et dans le reste du monde, ne sait pas que le vrai gagnant de cette élection est M. Alassane Ouattara ? Qui écoutera encore Yao N’dré ? Et pour enfoncer le clou, vous avez cru intelligent de fermer toutes les radios et télévisions étrangères. Pour quel résultat ? C’est étonnant que l’historien que vous êtes ne sache pas analyser l’histoire de notre pays. Vous vous souvenez de 2000 ? C’est de ainsi que Robert Guéï est parti. Et visiblement vous voulez emprunter la même voie. Libre à vous.
Gbagbo ! Gbagbo ! Quelle triste histoire que la vôtre ! L’Histoire, celle qui s’écrit avec un grand « H » vous a donné en 2000 l’occasion unique d’être le plus grand homme de ce pays. Il vous suffisait de réconcilier les Ivoiriens qui venaient de vivre les conséquences de l’ivoirité et d’un coup d’Etat. C’était tout ce que l’on vous demandait. Et ce n’était pas si difficile à faire. Mais vous avez trouvé le moyen de diviser encore plus les Ivoiriens, au point de susciter une rébellion. Vous aviez l’occasion unique de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent, avec l’exploitation du pétrole et des nouvelles ressources minières, en plus de ce que nous avions déjà comme atouts. Vous en avez fait une république bananière, où des tricheurs et des bandits de grand chemin sont devenus des héros, où les ressources des paysans et du pétrole étaient systématiquement pillées, un pays où à peine un tiers de la population peut s’offrir un repas par jour. Gbagbo ! Gbagbo ! Que vous est-il arrivé ? Même le malheureux carrefour de l’Indénié que l’on vous avait donné à réparer, vous l’avez raté. Et tout ce que vous avez trouvé à nous dire, c’est que « Mel voulait faire de l’esthétique. » Etait-ce de cela que les usagers de ce carrefour avaient besoin ? En clair, vous n’aviez rien compris à la gestion d’un Etat. Je ne m’étalerai pas sur toutes vos turpitudes et les évidences de vos incompétences.
Vous vous étiez présenté devant le peuple ivoirien comme un démocrate. La loi de la démocratie vient de choisir Alassane Ouattara pour diriger la Côte d’Ivoire. Vous refusez de partir. Gbagbo ! Où donc croyez-vous pouvoir aller ? C’est fini, M. Gbagbo. Boribana ! La course est finie. Les escadrons de la mort qui viennent de se réveiller ne feront qu’aggraver votre cas. Vous avez entendu la Cour Pénale Internationale qui a dit qu’elle surveillait la Côte d’Ivoire ? Elle n’a pas oublié les actions précédentes des escadrons de la mort de fin 2002. Ni ce qui ce qui s’est passé en mars 2004, et tout le reste. Souvenez-vous en bien, M. Gbagbo. Charles Taylor, Omar El Béchir et Jean-Pierre Bemba avaient probablement cru que les menaces de la CPI étaient une bonne blague. Vous savez où ils sont en ce moment. El Béchir n’est pas encore arrivé à la Haye, mais vous savez bien qu’il y arrivera un jour. Que les militaires, gendarmes, policiers et miliciens qui accomplissent les basses besognes sachent qu’il y a aussi de la place à la CPI pour eux. Qu’ils sachent qu’il ne leur sert à rien d’hypothéquer le reste de leur vie pour faire plaisir à un pouvoir assassin qui est déjà condamné à partir. Quelle autre voie reste-t-il à Gbagbo ? Il avait encore l’occasion de sortir par la grande porte. Mais visiblement il a choisi de l’ignorer. Quel piètre historien ! Il n’avait qu’à reconnaitre sa défaite, en grand seigneur, ce qui l’aurait absout de tous ses péchés, et de se préparer pour revenir dans cinq ans, avec tout l’argent qu’il a mis de côté, au moment où l’on aurait oublié tout ce qu’il a fait. Comme Kérékou. Il a choisi de s’accrocher. En faisant couler le sang. Il ignore probablement que plus il fera couler de sang, plus il alourdira son dossier déjà très épais devant la justice internationale. Qui veut l’accompagner ? Quel militaire, gendarme, policier, milicien veut accompagner Laurent Gbagbo à la prison de la Haye. Boribana !
Que les partisans de M. Gbagbo sachent ceci : le président de la république Alassane Ouattara n’a aucunement l’intention de diriger une Côte d’Ivoire contre une autre. Il veut diriger la Côte d’Ivoire avec tous les Ivoiriens, y compris avec les partisans les plus compétents de M. Gbagbo. Il l’a dit à plusieurs reprises. Et c’est parce que j’en ai été convaincu que je l’ai suivi. La tâche qui nous attend est trop immense pour que nous nous amusions de jeux d’arrière garde. Les rodomontades de Yao N’dré et les actions des escadrons de la mort n’y changeront rien. Gbagbo s’en ira. C’est juste une question d’heures, de jours peut-être. Mais le pays, lui, il nous attend. Il attend que nous le relevions. En taisant nos rancœurs, en nous mettant ensemble, en pensant aux générations futures. Et surtout en nous mettant au travail. Les frères, les sœurs, on a du boulot à faire. Rien n’est acquis d’avance, mais toutes les espérances sont permises. La course est terminée pour Laurent Gbagbo. Pas pour tous les Ivoiriens qui ont peut-être sincèrement cru en lui et qui ont vu où il les a conduits. Nous les attendons pour reconstruire le pays.
Venance Konan
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