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Interview
Le second tour du scrutin présidentiel, organisé pour les 11.000 ressortissants ivoiriens en région parisienne, a été invalidé. Pour cause, la majorité des bureaux de vote n’ont même pas été ouverts. Youssouf Soumahoro, président du Mouvement citoyen « Sauvons la Côte d’Ivoire », dénonce au JDD.fr une « supercherie »: » Il y a des manières de tricher mais là, ils n’ont même pas pris la peine de se cacher. »
Pourquoi le scrutin présidentiel organisé pour les ressortissants ivoiriens en région parisienne a été invalidé?
Les dix bureaux de vote franciliens, à l’exception d’un seul situé à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), ont dû fermer pour erreur de procédure. Certains, comme celui de l’espace Esperet de Courbevoie (Hauts-de-Seine), n’ont même pas été ouverts. Aucun message n’en expliquait la raison. Résultat, des centaines d’électeurs, qui voulaient voter, ont dû attendre dans le froid, parfois depuis six heures du matin. C’est seulement à 12h30 qu’a été annoncée aux plus courageux la fermeture définitive du bureau. A Aubervilliers, un représentant de la mairie nous a expliqué qu’il n’avait jamais reçu les bulletins de vote du second tour. Dans un autre lieu, les organisateurs ont même repris les affichettes qui avaient servi pour le premier tour! Des urnes pleines ont ainsi été invalidées. Tout cela n’a été qu’une supercherie!
Quelles ont été les réactions des Ivoiriens franciliens?
Beaucoup de gens ont d’abord été découragés par le froid. Humiliées par cette comédie, de nombreuses personnes, les plus âgées notamment, sont vite rentrées chez elle. Mais la seule fermeture des bureaux de vote ne justifient pas leur colère. Tout d’abord, nous avons dû nous battre pour obtenir des papiers. En effet, sur 11.000 votants franciliens (*) , près de 4.500 n’ont jamais reçu leur Carte nationale d’identité (CNI) (**) .
Votre mouvement a-t-il entrepris une action légale entre les deux tours, afin de garantir l’égalité de tous dans les urnes?
«Nous déposerons plainte après l’annonce des résultats, mercredi prochain.»
Le jeudi 18 novembre, nous avons organisé un meeting devant l’ambassade de Côte d’Ivoire [située boulevard Suchet, dans le 16e arrondissement parisien, Ndlr]. Dans notre requête formulée auprès de l’ambassade, nous avons présenté les difficultés pour les Ivoiriens de France à s’enrôler (**) , du fait qu’il n’existait que deux lieux, pas toujours ouverts. Nous avons ensuite pointé le nombre de personnes qui n’ont jamais reçu leur CNI. Enfin, étaient dénoncées les fermetures de bureaux franciliens lors du premier tour, pendant lequel des bureaux avaient été fermés et des échauffourées avaient eu lieu. Réponse de l’ambassadeur: n’étant pas responsable de l’organisation, cela ne le concerne pas. Nous avons donc dû envoyer un courrier à la CEI [Commission électorale indépendante de Côte d’Ivoire, Ndlr] et faire publier un communiqué dans la presse ivoirienne. Bien sûre, nous n’avons pas été entendus.
Vous évoquez une « supercherie ». Peut-on parler de « manipulation » du pouvoir en place?
C’est ce que nous pensons et ce, pour une raison simple: les personnes qui pourraient potentiellement voter pour Alassane Ouattara [qui se présente contre le président sortant Laurent Gbagbo et dont les militants habitent en majorité dans le Nord de la Côte d’Ivoire, Ndlr] ont été écartées du scrutin. Comme par hasard, la plupart des 4.500 électeurs privés de CNI ont des noms originaires du Nord de la Côte d’Ivoire. Ainsi, aucun Fofana, Cissé ou Coulibaly n’a pu voter. Ils ont tout simplement pris les listes électorales et rayés des noms!
Pourquoi n’avoir pas porté plainte à l’issue du premier tour?
Nous espérions que le second tour se déroule mieux, que les choses pouvaient se régler sans rapport de force. Mais ces élections à Paris ont été bafouées. Il y a des manières de tricher mais là, ils n’ont même pas pris la peine de se cacher. C’est choquant et humiliant pour nous. Pour cette raison, nous allons nous constituer partie civile dès l’annonce des résultats, mercredi, et déposer plainte.
(*) Il y a actuellement 13.600 Ivoiriens en France.
(**) Pour assurer des élections « justes », l’Etat ivoirien a procédé au renouvellement de l’ensemble des cartes d’identité de sa population. Pour obtenir une CNI, nécessaire pour pourvoir voter, il fallait se rendre dans un lieu d’enrôlement, y présenter son extrait d’acte de naissance, apporter une photo ainsi qu’un timbre fiscal de 1000 francs CFA.
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