par Tim Cocks et David Lewis
ABIDJAN (Reuters) – Le couvre-feu nocturne instauré la veille et les mesures de sécurité prises pour assurer le déroulement dans le calme du second tour de l’élection présidentielle dimanche en Côte d’Ivoire ont entraîné des retards dans les opérations de vote.
De longues files d’attente se sont formées devant les bureaux où les électeurs devaient départager le président sortant Laurent Gbagbo et son challenger, l’ancien Premier ministre « nordiste » Alassane Ouattara, dans un climat « plombé » ces derniers jours par des violences qui ont fait au moins sept morts.
Le couvre-feu, qui sera reconduit ces quatre prochaines nuits, a été levé dimanche matin une heure à peine avant l’ouverture des bureaux de vote et les électeurs impatients de choisir leur champion ont dû parfois faire le pied de grue durant des heures.
Le climat dans lequel se déroule ce second tour contraste fortement avec celui, plutôt bon enfant, du premier. « Le premier tour a été pacifique mais maintenant nous craignons que cela chauffe », confie l’avocat Anderson N’Guessan, en attendant de pouvoir déposer son bulletin dans l’urne.
« L’atmosphère est affreuse. Voyez tous ces militaires autour de nous. C’est comme si nous étions revenu à la guerre », ajoute-t-il en désignant du doigt les patrouilles de la police militaire ivoirienne et les casques bleus de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Minuci).
Cette élection présidentielle, repoussée depuis cinq ans, est censée mettre fin à plus d’une décennie de violences ou de tensions dans l’ancienne colonie française productrice de cacao, dont une rébellion nordiste contre Gbagbo a provoqué depuis 2002 une partition de facto.
Lors du premier tour le 31 octobre, le président sortant a recueilli 38% des suffrages et Ouattara, ancien directeur adjoint du FMI, 32%. Ouattara a obtenu le soutien de l’ex-président Henri Konan Bédié, qui avait recueilli 25% des suffrages au premier tour, mais il reste à voir dans quelle mesure les partisans du successeur du défunt Félix Houphouët-Boigny, « sudistes » en majorité, suivront sa consigne de vote.
« TOUT SE PASSE BIEN »
Le duel indécis du second tour a ravivé le clivage Nord-Sud, au coeur du conflit des dernières années, et donc la crainte d’une nouvelle flambée de violences au cas où les partisans du perdant du second tour crieraient à la fraude.
« Les enjeux sont énormes. Le premier tour s’est très bien passé. Mais nous avons assisté depuis à une radicalisation », explique Gilles Yabi, un analyste politique indépendant, en se référant aux risques de violence post-électorale.
Après s’être chacun entretenus avec le président burkinabé Blaise Campaoré, principale médiateur dans la crise ivoirienne, les deux candidats ont réaffirmé leur volonté de respecter les résultats. Mais leurs partisans pourraient ne pas faire preuve du même fair-play.
« Je crains qu’il faille s’attendre à un certain degré de violence », déclare Yabi. Samedi encore, trois personnes ont été tuées par la police à Abidjan. Le chef d’état-major de l’armée, le général Philippe Mangou, a justifié le maintien du couvre-feu jusqu’à mercredi par le souci d’éviter de nouvelles victimes.
Cette initiative a été contestée par l’opposition, qui dit y voir un stratagème pour manipuler les résultats. La commission électorale a exprimé également sa préoccupation. Compaoré a déclaré qu’un assouplissement de la mesure avait été discuté avec ses interlocuteurs mais il n’est pas rentré dans les détails.
A Bouaké, la ville du centre qui a servi de capitale à la rébellion nordiste et qui porte encore les stigmates des combats de 2002-03, la population a carrément ignoré le couvre-feu et, du coup, les bureaux de vote ont ouvert à l’heure.
A Abidjan, Kady Traoré, président d’un bureau de vote dans le faubourg populeux de Yopougon, a admis un « retard à cause du couvre-feu ». « Mais je pense que ça va aller. Tout se passe bien », a-t-il assuré.
Marc Delteil pour le service français, édité par Guy Kerivel
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