Fin du scrutin en Côte d’Ivoire, premières accusations


(Reuters/Luc Gnago)
Photo Dans un bureau de vote de Gagnoa, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.

Par Reuters
Le dépouillement des suffrages a débuté dimanche soir en Côte d’Ivoire, à l’issue d’une élection présidentielle censée mettre fin à une crise politique de plus de dix ans mais où l’opposition a dénoncé des manoeuvres d’intimidation de la part du parti au pouvoir.

Les électeurs devaient départager le président sortant Laurent Gbagbo et son challenger, l’ancien Premier ministre « nordiste » Alassane Ouattara, dans un climat « plombé » ces derniers jours par des violences ayant fait au moins sept morts.

Le couvre-feu nocturne instauré la veille et les mesures de sécurité prises pour assurer le déroulement dans le calme du second tour de dimanche ont entraîné des retards.

Les bureaux de vote d’Abidjan où se sont rendus des journalistes de Reuters étaient moins actifs qu’au premier tour organisé le mois dernier, qui avait donné lieu à une participation de plus de 80% des inscrits.

Deux observateurs ont dit avoir constaté la même tendance. Certains bureaux ont fermé comme prévu à 17h00 (17h00 GMT) et ont commencé le dépouillement, mais d’autres sont restés ouverts, a rapporté un journaliste de Reuters.
L’opposition a imputé des manoeuvres d’intimidation à des partisans du parti de Gbagbo dans plusieurs bureaux de vote.

BLOCAGES

« Depuis le début du scrutin, nous avons observé des blocages systématiques », a dit aux journalistes Marcel Tanon, directeur de campagne d’Ouattara, ajoutant que des représentants du parti avaient été empêchés d’aller voter dans certains bureaux et chassés de divers autres.

Des barrages ont été mis en place par de jeunes partisans de Gbagbo qui contrôlaient les cartes d’électeur en repoussant les personnes susceptibles de voter pour l’opposition, a-t-il dit.

« (Nous) voulons (…) attirer l’attention sur le risque que cela éclipse la crédibilité du scrutin », a ajouté Tanon.
Selon la commission électorale, des résultats préliminaires émergeront à partir de dimanche soir mais aucune tendance claire ne se dessinera sans doute avant plusieurs jours.

Au fil de la journée, de longues files d’attente s’étaient formées devant les bureaux de vote d’Abidjan, où les mesures de sécurité étaient renforcées. Le couvre-feu avait été réclamé par Gbagbo pour prévenir les violences. Sept personnes au moins ont été tuées lors d’accrochages entre factions rivales et forces de sécurité dans la semaine qui a précédé le scrutin.

Le couvre-feu a été levé une heure à peine avant le début du scrutin, et des électeurs impatients ont parfois dû faire le pied de grue durant des heures.

Le climat dans lequel a eu lieu ce second tour contrastait avec celui, plutôt bon enfant, du premier. « Le premier tour a été pacifique, mais maintenant nous craignons que cela chauffe », confiait l’avocat Anderson N’Guessan en attendant de voter.

COUVRE-FEU MAINTENU, DIT GBAGBO

Au premier tour, le 31 octobre, le président sortant a recueilli 38% des suffrages et Ouattara, ex-directeur adjoint du FMI, 32%. Ouattara a obtenu le soutien de l’ex-président Henri Konan Bédié (25% au premier tour), mais on ignore dans quelle mesure les partisans du successeur de Félix Houphouët-Boigny, « sudistes » en majorité, auront suivi sa consigne de vote.
« Je pense qu’il n’y a aucune possibilité que je perde (…) Nous devons (…) amener un véritable changement pour sortir le pays de la crise », a dit Ouattara après avoir voté.

Ouattara a déclaré que le couvre-feu décrété pour cinq jours était levé, mais Gbagbo a dit ensuite qu’il restait en vigueur.
« Il n’y a qu’une personne qui puisse annoncer un couvre-feu ou le lever, c’est le président (…) moi », a dit Gbagbo après avoir voté dans le quartier abidjanais de Cocody. « Le couvre-feu reste en place. »

La présidentielle, repoussée depuis cinq ans, vise à mettre fin à une décennie de violences ou de tensions dans l’ex-colonie française productrice de cacao, où une rébellion nordiste contre Gbagbo a provoqué depuis 2002 une partition de fait.
Le duel du second tour a ravivé le clivage Nord-Sud, au coeur du conflit des dernières années, et la crainte d’une nouvelle flambée de violences au cas où les partisans du perdant du second tour crieraient à la fraude.

« Les enjeux sont énormes. Le premier tour s’est très bien passé. Mais nous avons assisté depuis à une radicalisation », note Gilles Yabi, analyste politique indépendant.

A Bouaké, ville du centre qui a servi de capitale à la rébellion nordiste et porte encore les stigmates des combats de 2002-03, la population a carrément ignoré le couvre-feu et, du coup, les bureaux de vote ont ouvert à l’heure.
Avec Alain Amontchi et Ange Aboa, Marc Delteil et Philippe Bas-Rabérin pour le service français

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