La photographie du pays fournie par les résultats d’il y a un mois laissait clairement apparaître trois blocs. Dans l’Ouest dont il est issu et dans une bonne partie du Sud, le sortant Laurent Gbagbo (38 % au niveau national) raflait la mise, tandis que le Nordiste Alassane Ouattara (32 %), ancien Premier ministre, régnait parmi les populations de sa zone, et que M. Bédié restait l’homme fort du centre.
Pour ce dernier, la situation est la plus éloquente : c’est le grand groupe ethnique akan et en particulier l’ethnie baoulé qui, comme un seul homme, a voté pour l’un des siens, transformé dans l’entre-deux-tours en « faiseur de roi ».
Les deux finalistes ne s’y sont pas trompés : M. Ouattara a confirmé son alliance avec son ancien ennemi, et lui comme M. Gbagbo ont lancé d’impressionnantes opérations de séduction en direction des baoulé.
« Au premier tour, les candidats avaient fait une campagne nationale. À partir du moment où les voix à récupérer au second tour sont celles d’un PDCI réduit à sa région d’origine, le centre, les rivaux n’avaient pas d’autre choix que de faire un effort vers l’électorat baoulé », souligne un bon connaisseur de la société ivoirienne.
Alors que la partition militaire du pays née du putsch raté de 2002 recoupe le clivage entre Sud chrétien et animiste et Nord musulman, « la fracture existe » toujours dans une Côte d’Ivoire où M. Gbagbo est très fort au Sud et dans l’Ouest et son concurrent impérial au Nord, estime de son côté Christian Bouquet, professeur de géographie à l’université de Bordeaux (France). En une décennie, « les lignes n’ont pas tellement bougé », note ce spécialiste pour qui « la démocratie n’est pas encore « digérée » » en Côte d’Ivoire car le multipartisme y recouvre fondamentalement un « multiethnisme ».
Cependant, le président-candidat, issu de l’ethnie bété, moins nombreuse que les akan du centre et les dioula du Nord, a largement dépassé sa base ethnico-régionale de l’Ouest.
M. Gbagbo, qui se pose en seul candidat à l’électorat « national », est ainsi arrivé en tête à Abidjan (un tiers des 5,7 millions d’inscrits). M. Ouattara aussi a réussi des scores solides au-delà de son fief nordiste, notamment dans la capitale économique. De l’avis général, Abidjan est le laboratoire du futur : le brassage ethnique y est important, et son électorat jeune et plus instruit est beaucoup moins tributaire des appartenances communautaires.
Mais pour Patrick N’Gouan, responsable de la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI), le « repli identitaire » reste une réalité sur fond de précarité économique. La « prédominance des considérations irrationnelles, régionales, ethniques et religieuses » est selon lui une source d’inquiétude pour l’après-second tour.
Alors que le scrutin a fait monter la tension, en particulier dans le centre-ouest où cohabitent des communautés rurales diverses et où un militant pro-Gbagbo est mort jeudi lors de heurts avec des militants d’opposition, le nouveau pouvoir devra, insiste M. N’Gouan, travailler à réparer la « cohésion nationale
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