Philippe Kouhon, journaliste, consultant en communication
Faut-il craindre un « Rwanda » en Côte d’Ivoire au moment où les ivoiriens s’apprêtent à sortir de la crise, après dix années de ni paix ni guerre, comme avait prévenu le Ministre Sidiki Konaté, n02 des Forces Nouvelles, qui continuent de contrôler la moitié du territoire ivoirien ?
Certainement pas. Car la Côte d’Ivoire n’est pas le Rwanda où la guerre génocidaire s’est cristallisée entre deux grands groupes ethniques (Tutsi et Hutu). En Côte d’Ivoire, cohabitent près de soixante ethnies.
En outre, si l’on doit y craindre une fin de crise non sans violence, la coloration cartographique du 1er tour de l’élection présidentielle du 31 octobre dernier attire bien d’attention. Aussi même si d’aucuns estiment que ce scrutin qui se serait déroulé sans heurt, avec un taux de participation de plus de 80% (record d’Afrique), aurait respecté les normes de la sociologie électoraliste en Afrique, généralement basée sur le vote ethnique ou clanique, au regard des répartitions des voix des principaux candidats, selon leurs soi-disant bastions, l’écart type entre les deux candidats victorieux du 1er tour dans leurs fiefs respectifs appelle à réflexion. Alors que la partie nord du pays où la population est majoritairement de l’ethnie dioula a voté à près de 90% le candidat du RDR, le reste du pays reparti entre les soixante ethnies faisait un vote plus ou moins raisonnable selon les 14 candidats. « Cela peut révolter le reste des ethnies contre leurs compatriotes Dioula qui ont fait bloque autour d’un seul candidat, alors que ces derniers ne cessent de dénoncer le tribalisme et la xénophobie en Côte d’Ivoire », prévient un observateur bien introduit dans les arcanes de la politique en Côte d’Ivoire. Et d’ajouter « certains compatriotes du Nord constatent actuellement qu’ils ont été instrumentalisés et craignent des représailles »
« Je rendrai ce pays ingouvernable si on m’empêche d’être président » : fin de citation.
Si pour ADO, l’appétit de présider aux destinés du peuple ivoirien date de 1993 à la mort du Président Félix Houphouët-Boigny, cela faisait plus de 20 ans que le frontiste Gbagbo, lui lorgnait ce même pouvoir. Au point où le premier, longtemps empêché d’être candidat aux présidentielles en Côte d’Ivoire pour cause de nationalité douteuse, lança un OPA sur ce pays. « On m’empêche d’être président parce que je suis musulman…Si c’est le cas, je rendrai ce pays ingouvernable ».
Comme un oiseau de mauvais augure, la Côte d’Ivoire connaîtra dès lors une instabilité sans précédent. Qui n’a pas entendu le chef de guerre, Koné Zacharia dire publiquement au début de la rébellion du 19 septembre 2002 que si lui et ses amis ont pris les armes, ce n’était pas à cause de quelqu’un d’autre « c’est à cause d’Alassane Dramane Ouattara ». La coalition du G7 composée de l’ensemble des partis de l’opposition dont le RDR et les Forces Nouvelles nous révélera bien de sous entendus.
Le Plan de Dieu
Vendredi 5 novembre 2010. Aéroport de Paris Orly. Il est 20h lorsque nous embarquions pour Abidjan via Casablanca (Maroc). Dans le hall, une femme d’un certain âge est collée à son téléphone portable, visiblement très en colère. Dame T. expliquera par la suite, qu’elle était l’invitée d’un groupe de résidents en France pour une Affaire judiciaire. Elle est magistrate. Finalement elle aura passé plus de temps que prévu sans rencontrer ses « clients ». Il est 23h lorsque le comandant de bord nous annonce que notre avions ne peut atterrir à Casa pour faute de brouillard. Nous ferons un atterrissage forcé à Marrakech. Après une nuit dorée, nous reprendrons un autre vol pour Casa puis un autre pour Abidjan. Mais à l’aéroport de Marrakech, ce samedi 6 novembre 2010, l’attente fut longue. Assise près d’un voyageur, dame T déclare : « Je n’ai pas voté au 1er tour et je ne voterai pas au 2e tour, car je crois que le plan de dieu est en train de s’accomplir en Côte d’Ivoire. Ces deux là sont enfin face à face et face aux ivoiriens», faisant allusion à Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara. Et de poursuivre : « En 1992, avant sa mort, Houphouët a consulté des médiums à propos de Laurent Gbagbo. Il en est sorti que les médiums ne voyaient guère Gbagbo. Ils ont dit à Houphouët que le jeune homme était invisible. Ils voient du flou. Pis, le jeune homme a des caractéristiques d’un monstre. Il a une partie en forme de serpent et l’autre en forme de fauve. Il dévore sa proie lentement et lorsqu’il n’y arrive pas, son côté fauve prend le dessus. C’est pourquoi avant de se rendre en France pour ses soins Houphouët a demandé à plusieurs dignitaires et officiers de l’armées dont le général Guei Robert, de surveiller Gbagbo de près »… « Quant à Alassane, il ne sera jamais président en Côte d’Ivoire. Il se cache derrière un masque. Il sera démasqué. Il n’est pas musulman. Sinon avec tous les moyens qu’il a, il aurait déjà fait plusieurs pèlerinages à la Mecque. Il boit du Champagne. Il passe son temps dans un petit bureau à envoyer des mails à ses amis pendant que le RDR fait le travail à sa place. Plusieurs militaires sont morts à cause de lui et il n’a rien fait. Il a signé un pacte avec des multinationales dirigées par ses amis Juifs dont il a obligation d’honorer. Sa force est qu’il a réussi en empilant le masque de musulman, à acheter la conscience de quelques chefs religieux du Nord, qui relaient sur le terrain son combat. Le Monde musulman qui au début croyait en sa foi à Allah, a découvert sa supercherie. Voilà pourquoi, les musulmans de l’Arabie saoudite ont voulu le contrer en positionnant Diabi Koweït qui malheureusement est mort en novembre 2008. »
Voilà qui est dit. Le président Laurent Gbagbo lui-même n’a-t-il pas regretté et dit que s’il savait qu’on pouvait acheter quelqu’un avec de l’argent, il n’allait pas investir tant de milliards pour l’achat des armes ? Bref, ce qui se profile devant nous ce 28 novembre 2010 serait-elle une œuvre apocalyptique ? Là où certains généraux proches du pouvoir d’Abidjan n’ont toujours pas digéré leur « défaite » face à une rébellion qui occupe encore une partie du territoire ivoirien mais également où plus de 32% des ivoiriens partagent la vision du candidat du RDR et qui pourrait compter sur la naïveté du sphinx de Daoukro, malheureux candidat du 1er tour (Henri Konan Bédié) pour gratter des voix dans le V baoulé au centre du pays ? Ce qui est certainement sûr actuellement en Côte d’Ivoire, c’est que malgré son score pléthorique dû à un vote basé sur les voix d’un seul groupe ethnique, ils sont de plus en plus nombreux à jurer qu’un Mossi ou encore un étranger ne les gouvernera jamais en Côte d’Ivoire. Et le candidat du RDR en est lui-même conscient, heureusement ! Car comme dirait l’autre, toutes les promesses de portefeuilles ministériels faites au reste du RHDP par Alassane Dramane ne sont que l’expression de son forfait et nombreux sont les cadres du PDCI, du MFA et de l’UDPCI qui pensent que ce ne sont que des promesses électoralistes. « Il va gouverner certes avec nous parce que le RDR seul ne disposant pas de cadres compétents aura du mal à gérer les affaires du pays. Aussi, nous savons que une fois rodé, il va se tourner vers ses amis. Qui ne nous dit pas qu’il ne fera pas comme Houphouêt qui a fait appel à des ministres de la sous région à l’époque » s’inquiète un cadre du RHDP.
Aussi, et c’est là toute l’insuffisance du programme de société du candidat du RDR, qui prend non seulement les ivoiriens et en particulier le PDCI d’Houphouêt, pour des moins que rien , quand il annonce que une fois élu, il gouvernera sous l’autorité de Bédié, un simple président de parti. En outre, si Alassane Dramane se montre sur ses affiches de campagne comme l’homme moderne qui pourrait séduire une certaine classe de jeunes cadres, la masse paysanne n’a jamais eu une place de choix dans les nombreux discours de l’ex Premier Ministre (90-93) qui avec la complicité de ses amis du FMI et de la banque mondiale ont imposé à la Côte d’Ivoire, à Houphouët et aux ivoirien leur fameux programme d’ajustement structurel (PAS), qui a eu pour conséquence : fermeture de plusieurs entreprises en Côte d’Ivoire, entraînant une diminution drastique de la masse salariale et causant de nombreux licenciements. Les travailleurs de l’usine de textile de Gonfreville de Bouaké se souviennent encore. Ils seraient aujourd’hui plus de 1500 à attendre leur droit de licenciement. Et le paradoxe a voulu que le même Alassane Dramane continue de soutenir celui là même qui a endeuillé nombreuses familles à Bouaké, son ami Djibo Sounkalo, ex directeur général de Gonfreville dans les années 90, à qui il vient de promettre un poste de ministre, s’il était président.
Au total et c’est le sentiment de la majorité des ivoiriens à quelques jours du 2e tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire ; La Côte d’Ivoire devrait-elle s’apprêter à replonger encore dans l’horreur ? Alassane Dramane Ouattara réussira-t-il à entacher de sang la réélection du président Laurent Gbagbo ?
Enfin, l’on se demande encore si Laurent Gbagbo bénéficie réellement du plein soutien de son Premier Ministre Guillaume Soro, afin de mettre hors d’état de nuire le candidat dit de l’étranger qui pourrait compter sur une intervention militaire étrangère pour arracher le pouvoir tant convoité ? Nous voudrions faire mentir ces marabouts au mauvais gout. Sinon, les ivoiriens sont avertis avec en première ligne nos forces de défense et de sécurité qui n’hésiteront pas cette fois-ci à prendre leur responsabilité.
Qui vivra verra !
Philippe Kouhon, journaliste, consultant en communication
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