Par Dr SERGE NICOLAS NZI
I- Introduction
On croyait les vieux démons enterrés dans le noir profond des tombes et voilà qu’ils refont surface pour réveiller les vieilles plaies en voie de cicatrisation. L’ivoirité, le patriotisme et ce nationalisme intransigeant que certains voisins de la Côte d’Ivoire qualifiaient hier de xénophobie, fait son retour en force dans la campagne électorale pour le second tour de la présidentielle ivoirienne prévue pour le 28 novembre prochain.
Nous sommes de ceux qui ont dans une vision prospective, situé les responsabilités des uns et des autres sur le patriotisme et sa fusion avec le nationalisme quant-il s’agit d’affirmer l’identité des peuples et la souveraineté des nations. Nous avons toujours pris la précaution de montrer le positif et le néfaste de cette fusion et du danger qui en découle pour nos nations fragiles et fragilisées par l’histoire récente.
Ce couteau à double tranchants porte les germes passionnelles du sang, de la division, de l’affaiblissement du vivre ensemble lorsqu’il se manifeste à l’intérieur d’un pays en quête de la consolidation de son unité. Nous sommes persuadé que dans la période de passion et de chauvinisme actuelle, ils seront très peu à écouter le langage de la modération. Mais se taire en cette période sera pire que le mal qui se pointe déjà à l’horizon.
L’idée, celle de la patrie assiégée et humiliée, mise à l’index par tous les voisins et les puissances extra africaines, jetant de l’huile sur le feu, désireux de cracher leur venin chez les ivoiriens et choisir au nom de leurs petits intérêts sordides et mesquins celui qui doit diriger la Côte d’Ivoire.
Cette idée à fait son chemin et se trouve durablement enraciné dans la conscience collective des ivoiriens. Certains disent que c’est le masque de l’étranger qui se cache derrière l’autre candidat. Nous éviterons pour notre part d’entrer dans un tel débat en raison du chauvinisme ambiant qui empêche tout raisonnement de bon sens.
Nous allons dans ce sens montrer les deux faces de la médaille pour que les ivoiriens se déterminent par rapport à l’avenir commun de la nation ivoirienne en cimentant aujourd’hui le vivre ensemble, car le risque est grand de voir cette joute électorale diviser profondément le pays en affaiblissant durablement l’unité et la cohésion nationale.
II – Où en sommes nous avec le Patriotisme ?
Le patriotisme est l’attachement à la patrie, c’est un sentiment partagé d’appartenance à un même pays, la patrie. Ce sentiment doit renforcer les bases au nom des valeurs communes. Qui poussent chaque ivoirien à ressentir de l’amour et de la fierté pour la patrie. Le patriote est dans ce sens celui qui est prêt à se dévouer ou à se battre pour défendre la patrie menacée.
C’est grâce à la cécité politique et à l’aveuglement du gouvernement français de Jacques Chirac et Dominique Galouzeau de Villepin, que le mot patriote a trouvé une consécration dans la conscience politique des ivoiriens, pendant les massacres sanglants perpétrés par l’armée française contre les ivoiriens, sur l’esplanade de l’hôtel ivoire en novembre 2004, le patriotisme avec l’idée de la nation ivoirienne souveraine et surtout de la sacralité de l’indépendance de la Côte d’Ivoire est devenue à la fois intouchable et un idéal mobilisateur de la nation.
Certains observateurs disent que c’est à partir de là que le patriotisme des ivoiriens a enrichi et consolidé le nationalisme ivoirien qui était en sommeille depuis le début de l’indépendance. Félix Houphouët-Boigny, Le premier président de la Côte d’Ivoire moderne, n’avait-il pas proposé la double nationalité entre les ressortissants de son pays et ceux des pays membres du conseil de l’entente ?
Cette crise militaro-politique en Côte d’Ivoire a provoqueé une méfiance entre ivoiriens. Ainsi les ivoiriens se sont mis à se jauger, à se méfier et à se juger. D’autres reprochent aux ressortissants du nord leur collusion avec la rébellion, d’avoir participé aux pillages des infrastructures de cette partie du pays, d’avoir donné gîte et couvert aux rebelles, d’avoir dépouillé sans vergogne les modestes et innocents fonctionnaires qui servaient l’état ivoirien dans cette région de leur biens au nom de frustrations qui concernent l’exercice du pouvoir politique.
Etait-il nécessaire de prendre les armes, de tuer des innocents pour régler un problème de cohabitation entre ivoiriens ? La Côte d’Ivoire sera-t-elle gouvernable demain si ceux qui prétendent incarner les frustrations du nord accèdent au pouvoir par l’onction des urnes ? Telles sont les vraies questions qui poussent certains ivoiriens à un nationalisme à la fois civique et identitaire.
III – La dignité comme finalité du nationalisme
Le nationalisme est à la fois une doctrine et une idéologie tendant à légitimer l’existence d’une nation pour chaque peuple. Cette idée s’est imposée entre le XIXe et le XXe siècle avec parfois des succès remarquables et des dérives sanglantes en Afrique, en Amérique latine et en Asie.
C’est une grande exaltation de l’idée nationale, c’est aussi une idéologie qui affirme la primauté, sinon la prééminence de l’intérêt national sur toutes autres considérations en particulier sur les intérêts d’un autre pays.
Le discours sans concession de notre frère le président du mouvement national congolais et premier ministre, Patrice Emery Lumumba, le 30 juin 1960 devant le Roi Baudouin à Léopoldville, aujourd’hui Kinshasa était une exigence du sentiment national.
La nationalisation du pétrole iranien le 14 mars 1951, par le Dr Mohamed Mossadegh est un acte nationaliste qui entre dans la droite ligne de l’appropriation des ressources d’un pays en vu d’y bâtir une économie au service de son peuple. La nationalisation du canal de Suez par le colonel Gamal Abdel Nasser le 26 juillet 1956, s’inscrit dans les longs combats pour faire triompher l’idée de liberté, d’indépendance et de dignité nationale.
C’est dans cette optique qu’il faut situer la nationalisation du gaz bolivien par le président Juan Evo Morales Ayman, le 1er mai 2006. La nationalisation des secteurs stratégiques du pétrole, de l’électricité et des télécommunications par le Président Vénézuélien Hugo Chavez, le 10 janvier 2007, s’inscrivent également dans la même logique de mettre l’intérêt national au dessus des intérêts d’une tiers puissance.
Ne plus jamais signer des accords par lesquels nous avons les charges et les profits vont dans les poches des autres. C’ est une aberration vers laquelle nous ne devons plus retourner. C’est une question de dignité nationale disent les ivoiriens. En vérité, Dans la mondialisation en cour, le nationalisme demeure une arme très puissante contre les spoliations et la domination économique des pays fragiles du tiers monde.
Aujourd’hui l’idée de liberté à fait son chemin et aucun peuple ne veut être à plat ventre vis-à-vis d’un autre. La fièvre nationaliste s’exprime aux quatre coins du monde. Des Séparatistes casamançais du Sénégal, aux nationalistes corses en France. Les combats violents de l’IRA, sont sous nos yeux pour nous indiquer que l’idée d’une république d’Irlande du nord, libre et indépendante loin des fastes de la couronne britannique est l’un des idéaux majeurs que poursuivent les nationalistes irlandais.
Observons simplement les nationalistes Catalans en Espagne en passant par les indépendantistes québécois au Canada et aux nationalistes portoricains ainsi que les séparatistes kurdes en Turquie sans évoquer les revendications identitaires des Wallons et des Flamands en Belgique. Nous pouvons tous comprendre que le nationalisme n’est pas un phénomène propre à la Côte d’Ivoire et aux ivoiriens.
D’où vient-elle, cette mentalité de peuple assiégée ? Pourquoi surtout cette volonté d’en découdre avec l’étranger et les complicités extérieures ? Examinons ici quelques aspects du nationalisme ivoirien.
IV – Les ivoiriens et la cabale de l’ivoirité
L’ivoirité est un concept débile, introduit en politique par le président Henri Konan Bédié et ses suiveurs du PDCI-RDA, lorsqu’il présidait aux destinées de la Côte d’Ivoire du 7 décembre1993 au 24 décembre 1999. c’est une redéfinition de la nationalité ivoirienne sur la base des ethnies autochtones et une exclusion des autres ivoiriens, c’est exactement comme la préférence nationale ou l’identité nationale chez les tenants de la droite et de l’extrême droite française.
Il a été introduit dans le corps social et politique du pays dans le but indigne de barrer la route à l’ancien premier ministre ivoirien le Dr Allassane Dramane Ouatara. Candidat à la présidence de la République de Côte d’Ivoire. Nous le disons ici encore une fois qu’aucun pays au monde ne nomme un étranger comme son premier ministre.
Il y a dans la vie des principes de simple cohérence. Un pays ne peut pas renier une partie de sa propre population sans se renier lui-même. C’est dans cet esprit que le forum de réconciliation nationale du 9 octobre au 18 décembre 2001, avait recommandé la délivrance d’un certificat de nationalité au Dr Ouattara pour mettre fin à cette querelle sans fin sur sa nationalité.
De nombreuses voix se sont élevées en son temps à l’intérieur du PDCI-RDA, pour persuader le président Bédié, que ce concept est une dérive contraire à l’unité du pays, mais comme Moïse devant le Pharaon, les avertissements de bon sens n’ont servi à rien, car l’homme était durablement enfermé dans ses certitudes. On a l’impression, avec le recule du temps, qu’il était écrit à l’avance dans le livre de son destin, qu’il assistera de ses yeux à sa propre chute et à son hara-kiri en politique.
La mobilisation de tous les médias d’Etat pour développer une campagne nationale d’une ampleur inuit dans le but de dénier la nationalité ivoirienne à notre frère le Dr Allassane Dramane Ouattara, ancien Premier ministre de la Côte d’Ivoire. Sincèrement, avait-on besoin de déployer l’ensemble des moyens de l’Etat contre une seule personne ?
N’y avait-il pas là quelque chose de stupide et d’indigne de la par d’un gouvernement et de son chef ? L’arrestation de la mère d’Allassane Ouattara, une femme âgée et son interrogatoire pendant des heures par une police aux ordres du pouvoir, était un comportement digne de la Gestapo allemande pendant l’occupation de la France. Pensez-vous sincèrement que toutes ces méchancetés inutiles sont aujourd’hui oubliées par le Dr Ouattara ?
Dans un pays organisé qui se respecte, c’est après la naissance d’un foyer de tension que l’Etat intervient avec tous ses moyens pour ramener le calme et favoriser la coexistence à l’intérieur de la communauté nationale. Chez nous au contraire, on utilise les moyens de l’Etat pour nuire son propre compatriote. Pour ne pas dire que ce sont les agissements de l’Etat et de ses dirigeants politiques, qui entretiennent et alimentent les antagonismes entre ivoiriens. Curieux destin pour cette Côte d’Ivoire, qui se voulait la patrie de la vraie fraternité.
C’est le germe nuisible de l’ivoirité qui a détruit le vivre ensemble et pousser les ivoiriens les uns contre les autres. Un pays ne peut pas renier une partie de sa propre population sans se renier lui-même. Toutes les tentatives pour aller dans le sens de l’ivoirité fragilisent et exposent le pays à des profonds bouleversements qui seront dommageables pour tous les ivoiriens. Nous avons tenue à le relever ici encore une fois.
V – Le Nationalisme identitaire et le nationalisme Civique
Nous voulons préciser dans le droit fil de notre raisonnement, qu’il existe deux types de nationalisme, un nationalisme identitaire qui définit la nation à partir de l’origine, de la langue, de la religion et un nationalisme civique qui met l’accent sur la solidarité nationale incluant tous les citoyens d’un pays. ces deux types de nationalisme n’ont pas le même visage et font l’objet de débats passionnés au Québec, en Corse, au pays Basque Espagnol, en Irlande du Nord, en Ecosse ou en Belgique.
L’exemple classique que nous évoquons souvent devant nos amis européens pour une meilleure compréhension, est l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne suit à la guerre franco-Allemande de 1870, le traité de Frankfort du 10 mai 1871, rattacha l’Alsace et la Lorraine au reste de l’Allemagne.
Cette période fut marquée par des vives polémiques entre Allemands et français. La position des allemands relevait du nationalisme identitaire : les alsaciens, parce que la plupart d’entre eux parlent allemand, sont allemands, quelle que soient leurs préférences. La position des français était celle du nationalisme civique : les alsaciens, parce que la plupart d’entre eux préfèrent être français, sont des français quelle que soit leur langue.
Si on transpose ce débat en Côte d’Ivoire, les tenants de l’ivoirité sont proches du nationalisme identitaire qui prend en compte l’origine et la langue, tandis que la rébellion ivoirienne est plus proche du nationalisme civique, qui prend en compte le droit du sol et le vivre ensemble.
Certains ivoiriens se posent aujourd’hui ouvertement la question de savoir si le président Houphouët-Boigny aimait vraiment la Côte d’Ivoire ? Pourquoi le PDCI-RDA, qui était un parti anticolonialiste, a-t-il renoncé dès 1950 jusqu’à nos jours à la ligne nationaliste de son engagement en faveur des masses populaires ivoiriennes ?
Pourquoi Abidjan est aujourd’hui encore l’une des villes Africaines où on trouve : un Pont au nom du Général de Gaulle, un boulevard Valery Giscard Estaing, un Boulevard François Mitterrand, un Boulevard Gouverneur Louis Angoulvant, un Boulevard, Gouverneur André Latrille, un Stade Robert Champroux. Bref on a l’impression qu’Houphouët, a plus cherché à plaire à la France qu’à défendre l’indépendance de son pays ?
Pourquoi des criminels comme Gabriel Louis Angoulvant ont-ils des boulevards portant leur nom à Abidjan ? Même pas un poulailler ne mérite le nom d’un criminel comme Angoulvant, à plus forte raison un boulevard. Pourquoi pas un Boulevard Nicolas Sarkozy, pendant que nous y sommes ? Pourquoi lees hommes et les femmes patriotes et nationalistes ivoiriens, qui ont fait la prison au nom de leurs convictions démocratiques, n’ont-ils pas une seule place à leur nom ?
C’est justement cette énigme que les refondateurs frontistes et les Gbagboïstes du FPI, veulent résoudre à travers la rupture qui figure dans leur programme de refondation. Il faut qu’ils se posent tous la question de savoir, comment refonder un pays divisé et fracassé comme un vase en plusieurs morceaux ?
Le RDR de son côté veut reconstruire une Côte d’Ivoire républicaine, dans une sorte de revanche du nord sur le sud. Il faut avec eux se poser la question de savoir : comment reconstruire une maison commune sans se mettre d’accord sur la vie commune à mener dans cette maison ? Ne pas rechercher des réponses à toutes ces interrogations, c’est comme se lancer dans une guerre sans savoir comment la terminer ou faire le pari du plus lamentable des fiascos.
VI – Mockey Jean-Baptiste et le nationalisme ivoirien
Le syndicat agricole africain qui est l’ancêtre du PDCI-RDA, est né en 1944, dans le campement agricole de Joseph Anoma dans l’actuelle région d’Agboville. Le SAA, regroupait la bourgeoisie agraire de Côte d’Ivoire. Car les statuts du SAA disaient de façon très claire qu’il fallait avoir au minimum 5 hectares de café ou de cacao pour en être membre.
C’est en se muant en parti politique le 9 avril 1946, à l’étoile du sud à Treichville, que ce groupement de planteurs a rejoint les autres ruraux et les citadins pour incarner la lutte de libération nationale. C’est ainsi que des fonctionnaires, des commerçants, des transporteurs, des enseignants, des médecins, des employés de commerce et les masses ivoiriennes ont rejoint les rangs du PDCI-RDA.
Parmi les nombreux compagnons du président Félix Houphouët-Boigny, l’un d’eux a beaucoup retenu notre attention. En nous appuyant sur les archives du procès des prisonniers du RDA à Grand-Bassam du 2 au 23 mars 1950, nous pouvons mieux vous présenter Jean-Baptiste Mockey, qui est selon nous celui qui a le mieux brandi la flamme du nationalisme ivoirien.
Il est né le 14 avril 1915 à Nouamou, dans la région d’Adiaké, il était le fils de William Edouard Kangah, et de Marie Niamkey Avoula, demeurant à Grand-Bassam, il exerçait la profession de pharmacien à Treichville, Marié il était aussi le père de 8 enfants. Il était un homme libre d’esprit qui n’acceptait pas du n’importe quoi.
C’est l’homme qui prononça, le 27 novembre 1948 devant le conseil général de Côte d’Ivoire, un réquisitoire cinglant, contre tous les colons qui voulaient se livrer à la spéculation foncière sur les rives de la Lagune Ebrié : < < il nous faut garder cette terre et faire en sorte qu’il soit désormais impossible à toute personne ou à toute société venue de l’extérieur de se voir attribuer à tout jamais, d’importants domaines. J’insiste sur le mot définitivement. >>
L’orateur s’attaquait sans équivoque aux puissants intérêts coloniaux au nom de la majorité des nationaux. Incorruptible, il avait soutenu jusqu’à sa mort qu’il était un ami de la France, mais qu’il ne sera jamais un agent français.
Si on ajoute à ce discours l’importante déclaration de Jean-Baptiste Mockey devant les assises du tribunal de Grand Bassam, le 2 mars 1950.
On retrouve dans les faits un homme, qui n’a pas mangé au pain moisi de la combine mafieuse, l’indépendance nationale et la liberté d’exiger le meilleur pour son pays était le but sa vie. Incroyable retournement de situation et par une sorte d’ironie dont la grande hache de l’histoire a le secret, c’est dans la Côte d’Ivoire indépendante, que Jean-Baptiste Mockey, l’inspirateur du nationalisme ivoirien, sera prisonnier dans le bagne concentrationnaire de Yamoussoukro Assabou.
Une prison toute neuve construite par un chef d’Etat, dans son propre village pour y embastiller l’aile nationaliste de son propre parti, et cela dans le seul but de plaire aux intérêts français dans son propre pays. N’est ce pas notre frère Bernard Dadié qui disait : < < elles sont lourdes, lourdes les chaînes que le nègre met au cou du nègre pour complaire aux maîtres du jour.>>
Pour bien comprendre la pensée de ce grand serviteur de l’Etat ivoirien qu’était Jean-Baptiste Mockey, il faut simplement se référer à ce document kafkaïen qu’est : ordonnance de transmission des pièces à Monsieur le commissaire du gouvernement auprès de la cour de sûreté de l’Etat.
Dans ce document les trois juges d’instruction auprès de la cour de sûreté de l’Etat : Varlet-Mensah Albert, Koffi Brou Pascal, Odié Logué et du greffier Koffi Kouadio Paul. Retiennent contre Jean-Baptiste Mockey,
< < le cerveau du complot >> de 1963 des charges ridicules, qui nous font froid dans le dos aujourd’hui encore.
A) – d’avoir critiqué la politique générale du président Houphouët-Boigny. de la dictature du chef de l’Etat au sein du parti, du gouvernement et de l’assemblée nationale, auxquelles il donne des directives, et dont les membres ne jouissent d’aucune liberté d’expression.
B) De l’inféodation de la Côte d’Ivoire à l’occident, créant dans les faits une prépondérance de l’ancienne puissance colonisatrice qu’est la France dans la vie économique, sociale et politique de notre pays.
C) Détention des postes clefs de l’administration par des européens.
D) Absence de traité avec les pays de l’est.
E) Installation, contraire à l’esprit d’indépendance, de bases militaires françaises en Côte d’Ivoire.
F) Absence d’une éducation politique de masse.
B) Au plan économique et financier :
a) régime préférentiel accordé à la France dans les achats commerciaux, d’où l’étouffement de la concurrence internationale.
b) Le bas prix de vente des produits agricoles, particulièrement café et cacao, en opposition à l’augmentation constantes des prix des marchandises manufacturées importées.
c) De la mainmise des européens sur le grand et le petit commerce
d) Du maintien du franc CFA, alors que la Côte d’Ivoire, pourrait créer sa propre monnaie.
e) Du pouvoir d’achat très bas des citoyens ivoiriens.
C) Sur le plan social,
a) offre insuffisante d’emploi d’où chômage.
b) Bas salaire des travailleurs dans les secteurs public et privé
c) Cherté des loyers et notamment des l’habitations dites
< < à bon marché>>
d) Train de vie extravagant de certains ministres et députés, excès de déplacements à l’étranger,
e) Non africanisation des cadres, alors que l’assistance technique est très coûteuse.
f) Hégémonie baoulé dans le parti, le gouvernement et les hautes fonctions de l’administration.
L’instruction avait révélé en son temps, selon les magistrats instructeurs de service, l’existence chez Jean-Baptiste Mockey, d’un complexe de frustration et d’un profond ressentiment envers le chef de l’Etat Mr Houphouët-Boigny. C’est sur cette base que la cour de sûreté de l’Etat de Côte d’Ivoire prononça les 6 condamnations à mort et des lourdes peines d’emprisonnement contre Jean-Baptiste Mockey et ses compagnons d’infortunes, le 09 avril 1964.
Nous citons là des extraits du document officiel de l’instruction, nous n’avons rien inventé, la douleur des innocents nous oblige à faire un inventaire de l’héritage politique de celui qui fut le premier président de la Côte d’Ivoire. Tous les témoignages concordent pour dire que dès le 14 janvier 1964 Houphouët lui-même dirigeait les interrogatoires des < < comploteurs >>.
Avait-il oublié qu’ils étaient ses compagnons de lutte ? À ses yeux ils n’étaient pas seulement coupables d’avoir voulu l’assassiner pour prendre sa place. Ils étaient aussi, selon lui < < des communistes à la solde de Moscou, des nationalistes manipulés par Kwamé Nkrumah et Sékou Touré >>.
Nous demandons à tous ceux qui veulent sanctifier ou canoniser Félix Houphouët-Boigny, sur la place Saint Pierre à Rome, de se souvenir de la souffrance des innocents, en sachant qu’Houphouët-Boigny, fut le grand vainqueur de cette épreuve tragique quant à la Côte d’Ivoire, elle hérita de lui, les germes de la tragédie actuelle, c’est-à-dire l’absence d’une solide cohésion nationale, qui aurait pu être un anticorps efficace contre la crise actuelle.
Dans la réalité, ceux qui ont des yeux pour voir vous diront mieux que nous, que l’alliance des patriotes et des nationalistes ivoiriens exigent que la Côte d’ivoire ne soit plus à la remorque de la France, sortir de cette position humiliante de pays couché durablement à plat ventre devant les intérêts français, d’exiger l’évacuation rapide des bases militaires françaises sur le sol ivoirien, de sortir la Côte d’Ivoire du Franc CFA, perçu aujourd’hui comme le socle de la colonisation monétaire de leur pays.
– la fin du monopole des entreprises françaises dans les marchés publics et bien sûr le droit de la Côte d’Ivoire à l’heure de la mondialisation de trouver d’autres partenaires économiques et financiers pour son développement. Les nationalistes ivoiriens disent de façons très claire et cela en plein jour et non de nuit, que leur pays n’est pas une partie de la France, encore très moins une sous-préfecture Française, ou une chasse gardée de la république française.
– Il faut le rappeler encore une fois que les africains, préfèrent un mauvais gouvernement élu librement par eux-mêmes, qu’un bon gouvernement imposé par des intérêts étrangers. Dans la vie humaine, la dignité c’est simplement commencer par être soit même, rien de plus.
– C’est pourquoi l’idée d’un chef d’Etat à la tête de son pays pour préserver les intérêts mafieux d’une tiers puissance dans son propre pays, est pour nous les africains non seulement répugnante, mais aussi une traîtrise et une forfaiture sans nom, mais surtout la plus grande des humiliations qu’on puisse imposer à un peuple qui veut simplement construire son propre chemin dans la marche de histoire.
Devant le tribunal de Grand-Bassam, Jean-Batiste Mockey avait porté l’Etendard d’un nationalisme civique et civilisateur. En rejetant les charges qui pesaient sur lui et en réaffirmant le droit du peuple ivoirien dans toute ses composante pour préserver ce qui lui appartient. < < Ce pays nous appartient, nous avons le droit d’y vivre librement. Nous refusons d’être assujettis à tous diktats extérieurs. Je suis un ami de la France, mais je ne serais jamais un agent de France. >>
Tout le respect que les ivoiriens ont nourri à l’endroit de Jean-Baptiste Mockey, vient de son sens de l’Etat et de cette détermination sans faille qui l’animait chaque fois qu’il était devant des considérations liées aux intérêts de son pays et de son peuple.
Toutes les difficultés qu’il a connu dans sa vie politique viennent de cette déclaration qui lui vaudra aussi son élection au poste de secrétaire général du PDCI-RDA en mars 1959. la flamme du nationalisme ivoirien était dit-on en sommeil jusqu’en début novembre 2004, quand un certain Blé Goudé apparaissait sur les écrans de la télévision ivoirienne pour faire cette déclaration stupéfiante pour réveiller la fibre patriotique de ses compatriotes :
< < ivoiriens, si vous êtes entrain de manger, arrêtez vous. Si vous dormez, réveillez vous. Tous à l’Aéroport, au 43em Bima, l’heure est venue de choisir entre mourir dans la honte ou dans la dignité >> c’est un évènement extraordinaire car le patriotisme et le nationalisme ivoirien vont fusionner dans les jours qui suivent pour obliger la France à évacuer 8000 de ses ressortissants vivants en Côte d’Ivoire.
C’est à partir de ce jour que tout ce qui représente la France est suspect aux yeux de la grande majorité des ivoiriens. Tous ceux qui proposent la normalisation des relations avec la France sont considérés comme des traîtres par une opinion ivoirienne, très remontée qui veut en finir avec les interférences de la France néocoloniale dans la vie quotidienne de la Côte d’Ivoire.
L’image des soldats français cambrioleurs des banques dans la zone rebelle, alors qu’ils étaient en mission de paix et de sécurisation des lieux, reste pour tous ceux qui comme nous observent l’évolution de la crise ivoirienne, ce qu’il y a de plus minable dans l’âme française. Cela a disqualifié durablement la France dans les affaires ivoiriennes.
C’est dans cette atmosphère délétère que l’ivoirité qui n’était pas loin est réapparue dans cette campagne électorale pour le second tour de la présidentielle ivoirienne. Nous voulons rappeler ici que c’est au nom du nationalisme que les ivoiriens avaient refusé en octobre 1945 de soutenir la candidature à la députation du Dr Ehouman Boni Alphonse, magistrat marié à une française, il fut qualifié de beau frère des blancs.
Lorsque Jean Delafosse, fit la même démarche on le qualifia de fils des blancs parce qu’originaire de Toumodi, il était un métisse et fils naturel de Maurice Delafosse un administrateur de colonie. Nos devanciers n’oublieront jamais les conditions dans lesquelles certains ivoiriens ont travaillé pour séparer l’actuel Burkina Faso de la Côte d’Ivoire à travers la loi française de reconstitution de la Haute Volta du 4 septembre 1947, dans le but de se débarrasser de Daniel Ouezzin Coulibaly. Ancien sénateur et ancien député de la Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui Alassane Dramane Ouattara, est candidat à la présidence de la République de Côte d’Ivoire et voilà que les vieux instincts démoniaques ressortent de leur boîtes pour nous ramener en arrière. S’il était étranger, pourquoi avez-vous accepté qu’il assume la fonction de premier ministre du gouvernement ivoirien ?
Peut-on être premier ministre d’un pays sans en avoir la nationalité ? Quel est donc ce pays bizarre, qui semble être frappé par une bizarrerie sans nom qui brade sa nationalité à tous vent et s’étonne qu’une nationalité donne aussi des droits? Tel est le ridicule de l’imbroglio politique et institutionnel qui paralyse la Côte d’Ivoire depuis le 7 décembre 1993 jusqu’à ce jour.
VII – L’histoire ne ment pas et se répète dans le temps
Les tenants de l’ivoirité peuvent nous apostropher ou se moquer de nous. Ils peuvent même nous adresser leurs menaces et leurs insultes habituelles. Nous leur disons ici que celui qui a des arguments les exposent dans la confrontation des idées qui ont fait le progrès de l’homme sur la terre. C’est celui qui n’a pas d’arguments qui insulte et vocifère pour faire entendre sa menace car il n’a que cela comme projet de société.
Nous voulons rappeler ici avec notre indépendance d’esprit à l’historien qu’est notre frère le professeur Laurent Gbagbo, que de retour de son pèlerinage à la Mecque, celui qui deviendra le conquérant Toucouleur, El Hadj Omar Seydou Tall, disciple du Cheick Mohamed El Ghali , avait effectué une brève escale dans le royaume le Bornou à l’Ouest de l’actuel Lac Tchad .
Il avait été consacré pendant son séjour dans la péninsule arabique, grand maître et Khalife général de l’islam Tidjaniya en Afrique noire. El Hadj Omar fut un grand homme. Que la paix du très haut soit sur son âme. Dans le Bornou, il échappa par miracle aux machinations criminelles du sultan. Celui- ci, pour réparer sa machination avortée, donna sa propre fille Mariatou en mariage au voyageur. Elle sera la mère de Makki, de Seydou, Aguibou et Koréiki.
C’est ainsi que l’infatigable pèlerin atteint Sokoto où Mohammadou Bello, le fils du Cheick Osman Dan Fodio venait de succéder à son père comme sultan. Tous les témoignages sont unanimes El Hadj Omar ne fréquentait pas les rois et haïssait les courtisans.
Il se lia pourtant d’une grande amitié avec Mohammadou Bello, qui était convaincu de la sainteté d’El Hadj Omar, qui occupa une position de notable auprès du sultan de Sokoto. Celui-ci lui remit un jour un document écrit par lequel il le désignait comme son successeur temporel à la tête du sultanat Haoussa de Sokoto.
Le 25 octobre 1837, le sultan mourut. Le conseil de Sokoto se réunit et désigna Atiq, l’un des fils d’Ousmane Dan Fodio, pour remplacer son défunt frère. El Hadj Omar se présenta et exhiba le document écrit par lequel Mohammadou Bello le désignait comme sultan du Haoussa.
Le refus de la légitimité d’un tel legs fut constaté par tous les jurisconsultes de la cour de Sokoto. Du point de vue du droit le sultanat n’appartenait pas à Mohammadou Bello, il était certes le chef de la famille régnante, mais les autres descendants d’Ousmane Dan Fodio avaient les mêmes droits que lui, il ne pouvait donc pas disposer du sultanat à sa guise et encore moins le léguer à un non Haoussa. ( nationalisme identitaire)
El Hadj Omar sentit que s’il insistait, il en résulterait une effusion de sang entre ses partisans et ceux d’Atiq. Ce dernier fut intronisé. El Hadj Omar comprit qu’il avait intérêt à quitter le Haoussa, plutôt que d’en être expulsé par la force. Plus tard, c’est dans le cadre du djihad que le saint homme trouvera la mort dans l’explosion accidentelle de son stock de poudre dans les grottes de Déguimbéré, le 12 février 1864 en pays dogon près de Bandiagara dans l’actuelle république du Mali.
<< Par décence, tu n’abuseras pas et ne fouleras jamais du pied l’hospitalité généreuse de tes hôtes. >> nous recommande la morale sociale de nos parents, les Haoussas, les Peuls et les Malinkés, qui sont des peuples connus pour les égards qu’ils réservent à l’étranger qui arrive chez eux.
À quelques nuances près nous sommes étrangement dans la même situation qu’Allassane Outtara à la Mort du Président Houphouët-Boigny. Sauf qu’ici c’est beaucoup plus les urnes et l’onction du suffrage universel qui désignent le chef de l’Etat dans la république moderne.
Si le Dr Ouattara, n’est pas ivoirien, qu’on ne vote pas pour lui, et il n’y a même pas lieu de s’exciter et de crier au loup. Mais si une majorité d’électeurs se prononcent en sa faveur, les ivoiriens doivent quelque part s’interroger sur ce qui ne va pas dans leur propre cerveau et leur propre communauté nationale ? En tout état de cause nous rappelons ces paroles des saintes écritures coraniques :
<< priez Dieu avec crainte et la convoitise d’obtenir son pardon ! car la miséricorde d’Allah est proche des bienfaisants. >> Que tous ceux qui sont allés à la Mecque pour faire le tour de la Kaaba en demandant à Dieu, le très haut de donner la Côte d’Ivoire en cadeau au Dr Alassane Dramane Ouattara, se souviennent de nos morts et de nos victimes innocentes, pour que renaisse cette paix que nous recherchons avec désespérance pour la Côte d’Ivoire et son peuple.
VIII – Postulat de conclusion générale
Le nationalisme a été très souvent dans l’histoire incapable d’enrichir la connaissance de la réalité sociale et les mécanismes du devenir commun. Parce qu’il se nourrit de fierté excessive proche de l’arrogance, de l’exclusion, de purs préjugés et de peurs ataviques.
Ce faisant il a souvent conduit à des impasses. Hamed Sékou Touré et l’indépendance de la Guinée le 28 Septembre 1958. Samuel Kanyon Doé et son putsch sanglant du 12 avril 1980, au nom des autochtones du Libéria, sont sous nos yeux pour nous indiquer que parfois le nationalisme sert à masquer nos échecs, nos incohérences, nos incompétences et nos mensonges.
Car aucune nation dans l’histoire n’a jamais surgit sur cette harmonieuse et cohérente unité culturelle ethnique, religieuse, politique et territoriale dont rêve tout nationalisme. L’histoire de nos pays africains a été celle des violences apocalyptiques exercées en leur sein pour imposer artificiellement l’unité.
Gommant ainsi les différences, exterminant des cultures, des croyances et individus qui détonnaient en les poussant à l’exil en interdisant et en censurant parfois toute manifestation de diversité jusqu’à obtenir des apparences de sociétés intégrées. Les Hutus et les Tutsis du Rwanda ainsi que l’ex-Yougoslavie, des croates, des serbes et des bosniaques ne nous contredirons pas sur ce point précis.
L’orgueil, la peur et la violence sont des composantes inévitables de tous nationalisme. Peur de l’autre, du différent, du neuf, du changement et de l’innovation, du mouvement de l’histoire et de la pleine souveraineté de l’individu qui est incompatible avec les réductions collectivistes dont le nationalisme se nourrit.
Peur aussi du métissage, du pluralisme, de la coexistence dans la diversité qui est le principe de base même de la culture démocratique. Le retour à une Côte d’Ivoire des ethnies et des tribus ne serait rien d’autre qu’un immense bond en arrière dans une sociologie de laboratoire pour nous enfouir dans les sables mouvants de la préhistoire.
Ce qui serait pour les ivoiriens un reniement de soit et un rejet des combats qu’ils ont mené les uns aux cotés des autres pour libérer leur pays de l’occupation coloniale. Ce serait aussi dans ce sens le renoncement à l’idéal national.
L’une des leçons de cette crise militaro-politique en Côte d’Ivoire, est que nous avons tous fait le constat tragique que les ivoiriens ont vécu l’occupation coloniale ensemble et 50 ans d’indépendance en s’ignorant mutuellement.
Le Lobi de Bouna ne se reconnaît pas dans le Kroumen de Tabou et l’Agni de krindjabo se sent très loin du Yacouba de Kabakouman. Il y a donc du travail à faire entre tous les ivoiriens pour se réapproprier la patrie commune afin d’en faire une nation au profit de tous les ivoiriens.
Le nationalisme quant à lui se révèle parfois très motivant parce qu’il repose sur des instincts et les atavismes profondément enracinés dans la nature humaine. C’est pourquoi dans un pays fragile comme la Côte d’Ivoire il peut être d’une grande dangerosité pour la fécondation et la consolidation de l’unité nationale.
Dans << les enjeux de la liberté >> l’écrivain péruvien, prix Nobel de littérature 2010, Mario Vargas Llosa, nous laisse ce constat sévère que nous devons tous prendre en compte, car il est aussi bien valable en Afrique qu’en Amérique Latine : << Le nationalisme est la culture de l’inculte, la religion de l’esprit de clocher et un rideau de fumée derrière lequel niche, le préjugé, la violence et souvent le racisme. >>
Observons simplement l’Iran d’aujourd’hui, pour comprendre les désastres du nationalisme sur un pays et son image dans le monde. Tels sont les réflexions que nous inspirent le patriotisme et le nationalisme exacerbés dans la campagne présidentielle ivoirienne. Les ravages et les dérives d’une telle atmosphère peuvent être préjudiciables à l’ensemble des ivoiriens, il était donc utile pour nous de ne pas rester muet sur cette perspective.
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication
Lugano ( Suisse)
Tel. 004179.246.53.53
E.Mail : nzinicolas@yahoo.fr
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