23 novembre Le procès de l’ancien chef rebelle et vice-président de la République Démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba, s’ouvre aujourd’hui ; il comparaît devant la Cour Pénale Internationale (CPI), accusé, en tant que supérieur hiérarchique, de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Jean-Pierre Bemba, qui plaide non coupable, est présenté comme responsables des exactions multiples commises par les miliciens qu’il avait envoyé en Centrafrique en 2002-2003 à la demande de l’ancien Président centrafricain, Ange-Félix Patassé. Il est la plus importante personnalité politique prise en charge par la CPI depuis sa création en 2002. Son procès, après 30 mois de détention aux Pays-Bas, devrait durer 7 mois ; il s’annonce très complexe. En effet, il constitue non seulement un enjeu pour l’accusé et la RDC mais aussi pour la CPI et pour l’Afrique de façon plus générale, car les contestations émises contre la CPI semblent freiner la mise en œuvre d’une justice pénale internationale dont l’effet principal semble être la remise en question définitive de l’impunité des dirigeants.
Le procès de Jean-Pierre Bemba ne fait pas l’unanimité. Il est bien évidemment critiqué par les hommes de l’accusé qui affirment que la communauté internationale s’arroge, non pas le droit d’ingérence qui lui a été déjà si souvent reproché à d’autres occasions, mais le droit d’évacuer de la scène politique nationale un homme quelque peu dérangeant et qui n’envisage pas de renoncer à ses ambitions politiques. Jean-Pierre Bemba, un des plus riches hommes d’affaires congolais, a d’abord mené une rébellion grâce à la milice qu’il avait mise en place, le Mouvement de Libération. En 2003, il est nommé vice-président du gouvernement provisoire puis se présente aux premières élections « démocratiques » du Congo en 2006 mais il est alors battu par Joseph Kabila au deuxième tour. En 2007, alors qu’il est depuis peu sénateur, il est contraint de quitter le Congo, à la suite de heurts entre ces hommes et l’armée congolaise. Il est arrêté en 2008 à Bruxelles.
L’Union Africaine ne remet pas en question la gravité des faits qui motivent le procès (violences répétées, viols…) mais adopte une position critique vis-à-vis de la CPI qui exige également l’arrestation de l’actuel président du Soudan, Omar El Béchir pour une autre affaire. Les pays de l’UA ont accepté de prêter main forte à la lutte contre le terrorisme en territoire africain ; ils estiment donc que les affaires intérieures doivent pour l’instant relever de la justice nationale voire, éventuellement, régionale. L’Afrique ressent l’action de la CPI non pas comme une invitation à la transparence mais comme une mise en examen systématique. Ces contestations émises contre la CPI remettent non seulement en question sa légitimité mais aussi sa capacité d’action. Entrée en vigueur en 2002, ces débuts effectifs ne datent que de 2003, avec l’élection des juges la composant. Les compétences de la Cour ne sont pas rétroactives, elles ne sont donc valables que pour les crimes commis après le 1er juillet 2002 ; mais tous les crimes relevant de sa compétence sont imprescriptibles. La Cour n’est compétente que dans la mesure où les tribunaux nationaux ne le sont pas ou se refuser à intenter une action contre les responsables dont les crimes peuvent être pris en charge par la Cour. Or, dans le cas de l’affaire Bemba, le problème est qu’un jugement a déjà été rendu par un tribunal centrafricain qui a prononcé un non-lieu concernant le procès intenté selon la responsabilité pénale de l’accusé. Autre affaire discréditant la Cour : le procès de Thomas Lubanga, tout premier procès instruit par la CPI. Le procès a commencé en 2009, pour crimes de guerre et enrôlement d’enfants soldats, mais il a été suspendu en juillet pour vice de procédure du fait d’un « refus de coopération » de la part de l’accusation, il a toutefois repris depuis octobre. La CPI procède actuellement à des examens préliminaires en Afghanistan, en Colombie, Côte d’Ivoire, Géorgie, Guinée ainsi qu’en Territoires palestiniens afin de déterminer si elle est compétente ou non à y engager des enquêtes officielles. Le procureur général a par ailleurs annoncé qu’il ouvrait une enquête au Honduras où la Cour aller enquêter sur le putsch militaire qui a entraîné, l’an dernier, l’éviction du Président Manuel Zelaya, ainsi qu’au Nigeria pays à propos duquel il n’a aucunement précisé les motifs de l’investigation. Mais la justice internationale reste en danger en raison de la non application effective des lois fixées par les Etats pourtant parties de la Cour : outre l’absence de coopération des gouvernements, il n’y a aucune intégration en terme de droit interne des dispositions prévues par le traité de Rome.
strategiques.info
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