C’est en découvrant une vidéo sur “dailymotion” intitulée “Abdou Diouf, un destin francophone” qu’il m’est venu l’idée d’exprimer ma révolte face à sa volonté de transmettre une “fameuse” expérience supposée utile et exemplaire pour toutes les nouvelles générations africaines. Mais quelle est l’expérience de cet homme dont la vie est caractérisée par la facilité, la méprise et l’ingratitude envers sa patrie et ses langues? Une vie si ordinaire dans la nonchalance, la naïveté et l’immaturité pouvant être résumée en un demi-paragraphe mérite-t-elle cette grandiloquence effrénée et ce tapage médiatique?
Cependant, ai-je le droit de porter un quelconque jugement sur le personnage et le parcours soi-disant “emblématique” d’Abdou Diouf, l’actuel Secrétaire général de la Francophonie? Un homme à l’expérience si banale et facile, entend à tout prix pérenniser ainsi les différentes étapes de sa vie terne pour essayer d’entrer en vain dans le cercle des grands hommes, quitte à jouer les premiers rôles dans un “mauvais film” d’une série Z. En tout cas, je suis né dans le retentissement des sirènes de sa gloire et j’ y ai grandi, tout comme la jeune génération à qui est destinée cette expérience triviale, inutile, hasardeuse et pernicieuse! Le récit de sa propre vie à travers les médias suffit-il pour la transmission d’un message éducatif et salutaire, quand on ignore les menus détails du quotidien d’une jeunesse négro-africaine éveillée, courageuse et combative, mais pathétique, esseulée et indésirable? Monsieur le secrétaire général de la Francophonie, votre célèbre et remarquable “expérience” n’est malheureusement pas adaptée à nos besoins et préoccupations actuels. Mais votre propre descendance, composée de “quatre enfants”, de “treize petits-fils” et d’un “arrière-petit-fils”, en a peut-être besoin!
Être “major” de sa promotion à Paris, puis au Sénégal, être tour à tour “fonctionnaire à vingt et un ans”, “gouverneur à vingt cinq”, “premier ministre pendant dix ans”, “président de la République” pendant presque vingt ans, puis débarqué par un peuple opprimé, exploité, dépouillé et écrasé par la misère. Ensuite, l’exil en France pour le reste de ses jours en s’agrippant à son juteux poste de Secrétaire général de la Francophonie, récemment renouvelé pour la troisième fois …
Voilà une expérience lamentable et irresponsable à éviter pour tous les vaillants Africains qui aspirent à servir loyalement leur continent en crise, malgré les mille et un problèmes du quotidien! Ce “petit documentaire” consacré à la vie de Diouf peut s’expliquer par une volonté de populariser sa pauvre biographie sulfureuse, faute de sensibilité pour écrire ses “Mémoires”, à l’instar des “grands hommes” au crépuscule de leur vie. Pourtant, Amnesty International l’accuse d’avoir ordonné le massacre de civils en Casamance, démontrant une “fermeté” cruelle héritée de son mentor dont il ne cesse de s’enticher! C’est pourquoi je n’arrive pas à comprendre toute cette meute aux trousses de l’ex-dictateur tchadien (Hissène Habré) discrédité et diabolisé par un Occident revanchard et manipulateur. Comment voulons-nous bâtir les États-Unis d’Afrique sans une réelle indépendance vis-à-vis de cet Occident pourtant impliqué dans beaucoup de nos conflits dramatiques et sanglants? Habré ne mérite-t-il pas une vie tranquille et paisible au moment où plusieurs dictateurs déchus, mais adoubés et protégés par la Communauté internationale, se la coulent douce. Le fils spirituel de Senghor, autoproclamé héros national et africain, voire mondial, a donc tort de vouloir coûte que coûte voir la nouvelle génération marcher sur ses traces erronées, recouvertes de poussière et de scories. Les grands hommes ont toujours combattu et partagé la misère et les souffrances de leur peuple. Par conséquent, l’itinéraire de Diouf met à nu l’attitude d’un homme qui a toujours appris à vivre et à exister sous l’ombre de quelqu’un, au risque de s’éloigner de sa patrie en piètre état!
Que serait devenu Abdou aujourd’hui sans le Sénégal? De plus, son émotion face au paysage de la Seine et son indifférence à l’égard de celui de son pays natal sont les points saillants du documentaire. Autrement dit, les retrouvailles avec sa patrie sont empreintes de froideur et d’impassibilité! C’est indigne de quelqu’un qui a connu la réussite grâce à notre pays, aux dépens du contribuable souffreteux. Camus ne disait-il pas: “ça fait toujours mal de retourner sur les lieux où l’on a passé son enfance”. N’eût été le Sénégal, ce type serait retombé dans l’anonymat total. C’est pourquoi son attitude ingrate et vile ne mérite pas d’être transmise à la jeune génération dont notre pays et notre continent meurtri ont plus que jamais besoin. Jean-Paul Dias nous avait toujours familiarisés à de très belles partitions de Jazz, mais il avait raison lorsqu’il affirmait que Diouf ferait mieux de retourner au pays y investir ses biens pour réduire le taux de chômage.
Il va de soi que Diouf aime la vie facile. C’est un “vrai sybarite” africain, opportuniste et lâche qui n’a jamais connu la misère, encore moins celle de son peuple portant toujours les stigmates de son règne calamiteux. Un tel homme a-t-il le droit et la capacité de nous seriner des vertus exemplaires et stoïques basées sur des “maximes” de Kierkegaard? Diouf a totalement raté le rendez-vous de la bonne gouvernance pendant une vingtaine d’années, à cause de sa vie facile, de sa candeur et de son ignorance des souffrances d’un peuple assoiffé, affamé et assailli tous les jours par les contingences de la vie. Un règne fatal non seulement pour nos parents, mais aussi pour toute une jeunesse sacrifiée au travers de ce même “destin francophone”, funeste et mis en étalage! Au reste, à quand la publication de ses “mémoires”, suite à son échec de néfaste “destin francophone” ?
Son parcours d’étudiant est-il plus méritant que ceux-là mêmes qui ont aujourd’hui décroché les “diplômes de la galère” dans les universités françaises, malgré la solitude, la misère et le racisme, sans bourse d’études et sans financement pour leur thèse de Doctorat ? Bref, ils sont dans leur grande majorité des milliers de jeunes gens sans espoir face à un avenir incertain dans un pays gangrené par le clientélisme, le népotisme, le favoritisme, la corruption et la mal-gouvernance.
Dame Diop
Doctorant au laboratoire du Circples, Université de Nice Sophia-Antipolis
ddiopdame@hotmail.com
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