Le président de la Fondation ivoirienne pour les droits de l’Homme et la vie politique (Fidhop) et le coordinateur du Regroupement des acteurs ivoiriens pour les droits humains (Raidh) tirent la sonnette d’alarme. Dr Boga Sako et Bamba Sindou condamnent l’instrumentalisation des questions ethniques dans le débat politique.
On constate que le débat vire sur les questions ethniques et tribales. Quel est votre regard sur le réveil des vieux démons?
Depuis la proclamation des résultats du premier tour par le Conseil constitutionnel, nous notons dans l’opinion et à travers la presse nationale et internationale, que les sujets fâcheux qui ont été à l’origine de la crise ivoirienne, refont surface. A propos de la question tribale, l’analyse du vote tel que nous l’avons constaté dans notre pays, montre très bien que la plupart des Ivoiriens ont choisi sur la base ethnique pour ne pas dire religieuse. Depuis lors, puisque cela est devenu un potentiel électorat vu que le candidat du Pdci est hors course, les deux candidats ont mis leurs pendules à l’heure, actionné ce vieux démon faisant ainsi colorer de façon tribale le débat politique. Cela est une grande inquiétude en tant que militant des droits de l’Homme ; parce que la démocratie se met au-dessus de l’ethnie, de la religion, au-dessus même des contingences financières. C’est extrêmement dangereux, parce que si un candidat venait à être élu sur la base de son ethnie ou de sa région, cela sera extrêmement dangereux. Ce serait le point de départ d’une guerre civile. Nous condamnons cela avec la dernière énergie. C’est pour cela que nous appelons les leaders politiques à faire très attention à cette dérive tribale pour nous faire sortir de ce schéma. Nous constatons qu’il y a une instrumentalisation du débat politique sur des questions d’exclusion puisqu’on commence à parler de l’origine des candidats. Tel est étranger, tel autre ne l’est pas. Nous considérons que cela est un faux débat parce que toutes ces personnalités ont été admises à prendre part à l’élection présidentielle. A partir de là, il n’y a plus de danger. 14 candidats donc 14 personnalités capables de diriger le pays. Il reste deux en lice et c’est au peuple de faire leur choix en fonction de leurs critères et leurs priorités. Mais il faut que nous bannissions du langage politique les questions d’origine, d’ethnie, de religion. Cela est dangereux pour la démocratie.
Justement, une loi existe et condamne toute référence à la religion, à l’ethnie dans le débat politique. Et pourtant, personne ne dit mot malgré les graves dérives relayées par la presse.
Nous sommes d’accord que cette loi est violée. Je vais plus loin pour dire que dans notre Constitution, il est interdit aux formations politiques de s’appuyer sur des questions ethniques. Et toute formation politique qui se construit sur des bases régionales, ethniques et religieuses est interdite en vertu de la Constitution ivoirienne. Pour notre part, nous pensons qu’il y a deux institutions qui doivent pouvoir s’émouvoir en pareille circonstance. C’est d’abord la Commission électorale indépendante (Cei) qui doit interpeller tout qui fera appel à des considérations religieuse et ethnique. Le Conseil constitutionnel ne doit pas rester les bras croisés. Car si nous laissons les gens se lancer les défis sur la base de ces questions ethniques et religieuses, demain ne soyons pas surpris de savoir que cela nous a entrainés dans une guerre civile. Nous demandons aux deux candidats finalistes de sensibiliser leurs militants. La question ethnique est à proscrire dans la politique. La démocratie n’à rien avoir avec l’ethnie et la religion.
Le président de la République dit qu’il est de l’Ouest et il appelle tous les gens de l’Ouest à voter pour lui. Cet appel n’est-il pas dangereux ?
Effectivement si nous procédons ainsi, c’est un peu comme si nous infantilisions le peuple de Côte d’Ivoire. Je pense que même si on est en campagne, il faut savoir raison garder. Je pense qu’un bon politicien est celui qui se fait élire par le peuple dans sa majorité mais de façon diverse. Celui qui s’appuie sur son ethnie, sa région ou sa religion est un politicien approximatif. Et c’est dommage. Nous demandons à tous les citoyens d’éviter de voter notre président de la Republique sur la base de ces considérations. Auquel cas ce serait le président d’une tribu, d’une religion ou d’une région et non le président de tous les Ivoiriens. Ce schéma serait dangereux pour la démocratie en Côte d’Ivoire.
Propos retranscrits par Nomel Essis
L’expression
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