Les autorités guinéennes ont décrété un « état d’urgence », le 17 novembre dernier. En effet, depuis la publication des résultats provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), les scènes de violence et de pillage allaient crescendo, au point que l’on se demandait, si la Guinée de Sékou Touré n’était pas devenue un véritable brasier. En trois jours, on a dénombré une dizaine de morts et environ 215 blessés entre partisans du vainqueur déclaré Alpha Condé et ceux de son adversaire Cellou Dalein Diallo.
Des arrestations accompagnées de vols de tout genre ont été opérés par les forces de sécurité qui, seules, étaient visibles dans certains quartiers de Conakry. Plutôt que de dépêtrer la Guinée des difficultés, le second tour du scrutin présidentiel du 7 novembre semblait en rajouter au calvaire des populations. La vendetta qui a paralysé le pays, sitôt après la publication des résultats provisoires, prouve à suffisance que, quel que soit le vainqueur de cette élection, la réconciliation nationale sera son cheval de Troie, si tant est qu’il souhaite que chaque Guinéen se retrouve en lui. En tout cas, en prenant une décision aussi maximale que l’état d’urgence, le président de la transition, le général Sékouba Konaté, a vu juste d’autant que la recrudescence des scènes de violence auxquelles on assistait pouvait dégénérer en une déflagration nationale avec, en prime, les clivages ethnorégionalistes.
Toute chose qui aurait pu affecter, outre mesure, les valeurs fondamentales de la république que l’on peine d’ailleurs à mettre en place, avec les premières élections démocratiques de l’histoire de la Guinée. S’il est permis à un citoyen, dans un Etat de droit, de manifester sa désapprobation face à une politique, il lui est, par contre, défendu de s’en prendre aux symboles de la nation et aux biens privés. En attendant la proclamation des résultats définitifs, au plus tard le 26 novembre prochain, par la Cour suprême, « l’état d’urgence » contribuera, un tant soit peu, à décrisper l’atmosphère et à dépassionner les débats politiques qui hypothèquent tout effort de sortie de crise. Ne dit-on pas que « petite pluie abat grand vent » ?
Seulement, il faut, d’ores et déjà, redouter qu’en confiant les pleins pouvoirs à l’armée guinéenne, réputée pour son incurie, on n’assiste à de nouvelles scènes de violence plus pernicieuses que les précédentes. Un « état d’urgence » n’est point synonyme d’un Etat de non droit où les plus forts rackettent impunément et à qui mieux mieux les plus faibles.
Le rôle d’une armée, dans le cas d’espèce, est de préserver la paix et la stabilité nationales, face à ce qui s’apparentait à une insurrection sociale. Le général Konaté doit veiller au grain, au risque de se faire piéger par ses compagnons d’armes qui excellent dans les dérapages. De toute façon, après la proclamation des résultats définitifs, le pays est censé retourner à la normale puisqu’en bons démocrates, le vainqueur et le vaincu devraient se donner la main. Ce n’est donc qu’une question de jours, en principe.
Boundi OUOBA
Le Pays
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