A quelques jours du second tour de la présidentielle devant départager Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara, la Côte d’Ivoire inquiète par ses salves. Les acteurs politiques y tiennent de plus en plus des propos pleins de haine, et qui rappellent la sombre période de la crise identitaire. Si la communauté internationale n’y prend garde, les dérives actuelles risquent fort de ramener le pays à la case départ.
En effet, plus la campagne avance, plus la crainte de perdre pousse des intervenants à des replis identitaires. De malins esprits trouvent même un plaisir jouissif à réveiller les vieux démons de l’ivoirité dont les séquelles sont toujours vivaces. A croire que ces années de palabres, de retrouvailles et de consensus autour de questions essentielles, n’auront servi à rien. Lorsqu’ils tiennent le crachoir, certains individus donnent le sentiment d’avoir oublié les énormes sacrifices faits par le peuple ivoirien ; ils n’ont même plus conscience des immenses ressources investies dans le retour de la paix et la mise en route du processus démocratique en cours. En période électorale, des propos aussi empreints de suffisance et porteurs de germes de la discorde ne pourront que déchaîner des passions. Dans les profondeurs de la république, on en ressentira les effets. Aujourd’hui et demain. Immanquablement. La crainte de perdre ce second tour est si redoutée que certains acteurs politiques embouchent sans gêne la trompette qui sonne l’hallali pour l’adversaire politique. La preuve est faite que les arguments ne prennent plus. Il faut changer de stratégie. Pour barrer la route à l’adversaire, rien de mieux que des allusions concoctées sur des bases ethnicistes ; ce qui, dans son essence, ne reflète aucunement l’élan de générosité du peuple ivoirien. Celui-ci, du reste, a suffisamment démontré ces dernières années, et encore au premier tour de l’élection présidentielle, qu’il a dépassé certains vieux réflexes.
Le monde est donc témoin de ces appels désespérés de pseudo démocrates toujours prompts à pactiser avec le diable pour assouvir des desseins inavoués. Cette tendance fâcheuse à instrumentaliser le vote ethnique fait regretter la période des pères de l’indépendance dont chacun reconnaît aujourd’hui le mérite au plan des efforts investis pour bâtir des nations solides, solidaires et ouvertes. Très peu d’hommes politiques africains ont aujourd’hui cette carrure de rassembleur des pères fondateurs des années soixante. Cinquante ans après, plutôt que de consolider ce qu’ils nous ont légué, on cherche à le détruire tout en vociférant que l’on est fermement déterminé à réaliser l’unité africaine que chacun appelle pourtant de ses vœux. Il n’avait pas tort, le Vieux Félix Houphouët Boigny lorsqu’il assimilait la paix à « un comportement » ! Aujourd’hui, de là-haut, il doit bien regarder avec tristesse le spectacle pitoyable qu’offrent aux yeux du monde entier, ceux qui, depuis des lustres, se disputent avec acharnement sa succession.
On savait qu’après « le Vieux », les lendemains seraient bien difficiles à gérer. Mais de là à croire ses successeurs inaptes à gérer tout simplement le quotidien, à œuvrer de manière à raffermir continuellement les liens de solidarité, de fraternité tout court…Voilà qui est désolant pour une Côte d’Ivoire dont l’hymne national célèbre l’hospitalité, et que les acteurs politiques entonnent pourtant avec fierté lorsqu’ils prennent des engagements ! Des éléments de la classe politique ivoirienne sont tout aussi comparables aux animateurs ayant appartenu à la célèbre radio rwandaise des mille collines de triste mémoire. Il faut les identifier et les neutraliser au plus tôt.
La communauté internationale a intérêt à actualiser sa liste des auteurs de propos haineux. Car il ne faut pas exclure, dans le moment présent, que certains propos aient déjà fait des victimes dans l’arrière-pays. En la matière, ce pays ne fait certainement pas exception en Afrique. Le continent regorge, en effet, d’une multitude de gens qui se font passer pour de brillants cadres. Ce sont, en fait, des médiocres qui se sont frauduleusement introduits dans l’histoire des peuples. Chaque jour, ils découvrent leurs carences, leur incapacité à satisfaire les besoins élémentaires de leurs concitoyens. Mais bien vite, ils savent trouver refuge dans les replis identitaires pour justifier leurs limites objectives.
Dans le cas particulier de la Côte d’Ivoire, le risque est grand de voir à nouveau ce pays basculer dans les eaux boueuses de la ségrégation, et donc de sombrer dans le chaos, ce dont personne n’a besoin en Afrique de l’Ouest. La médiation est donc interpellée. Dans les circonstances actuelles, celle-ci doit bien se sentir trahie, après toutes ces années de dur labeur. Du bon travail a été fait pendant des années, et il faut éviter que des inconscients ne ramènent la Côte d’Ivoire à la case départ. A la communauté internationale d’appuyer ses efforts en situant les responsabilités. La Cour pénale internationale doit s’impliquer également le plus tôt possible. Il lui faut surveiller les propos de certains ténors de la classe politique ivoirienne. Même si ceux qui sécrètent le venin de la division ethnique, et sèment les graines de la mal gouvernance, ne constituent qu’une minorité.
Le procureur du tribunal international doit donc reprendre du service au plus tôt. Il gagnera dans ce cas à se montrer vigilant et ferme car il est encore temps de stopper l’hémorragie. Ces bouches qui crachent le fiel, ces apprentis sorciers de l’anti-démocratie, n’ont en fait jamais aimé la république et ses principes. Demain encore, ils seront prêts à en bafouer les règles, si leurs rêves viennent à se briser au pied de la falaise que constitue la volonté du peuple ivoirien.
« Le Pays »
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