Message de Monseigneur Antoine KONE, Evêque d’Odienné à son Diocèse
et ses Frères et Sœurs de Côte d’Ivoire
Chers fils, filles, frères et sœurs chrétiens du diocèse d’Odienné
Chers frères et amis musulmans sur le territoire diocésain d’Odienné
et vous tous et toutes hommes et femmes de bonne volonté,
Le temps est grave pour la Côte d’Ivoire. Il est historique par le contenu des jours que nous vivons et allons vivre. Il est plein d’espoir et de capacité de renouveau. C’est un temps de grâce que Dieu donne de vivre à toutes les consciences dans ce pays d’Eburnie.
J’ose dans l’Esprit Saint prendre la parole en ces moments importants de la vie de la nation. La campagne électorale bat son plein, et des esprits pourraient être désemparés, ne sachant plus à quel saint se vouer. L’Eglise de Jésus-Christ, l’Eglise-Famille de Dieu à Odienné ne saurait rester indifférente aux émotions et angoisses qui peuvent habiter les cœurs des uns et des autres.
La fraternité, la convivialité et l’amour vécus entre l’évêque et les habitants à Odienné, toutes confessions confondues, m’apporte comme un supplément d’âme pour adresser à toute la population ce message de paix et de fraternité, en ces instants cruciaux de la vie du pays et aussi de l’Eglise-Famille de Dieu en Côte d’Ivoire.
Ceux qui vivent à Odienné savent, en effet, les liens qui sont tissés entre l’évêque et la population. Epousant les directives du Concile Vatican II, l’évêque et l’Eglise du Christ à Odienné, font des joies, des angoisses, des espérances, des tristesses du peuple ivoirien, leurs joies, angoisses, espérances, demandant à l’Esprit de transformer les tristesses en situations de confiance et d’espérance.
Ce faisant, l’Eglise qui est catholique, ouverte aux aspirations des hommes et des femmes de ce temps, partage les préoccupations de la nation ivoirienne. C’est dans cet esprit que je voudrais dire à tous: confiance!
Confiance de la part de ceux et celles qui sont hantés par les démons de la division. Terre d’hospitalité, la Côte d’Ivoire joue son avenir dans la pluralité et la cohabitation fraternelle, au regard des métissages culturelles et génétiques opérés et qui s’opèrent encore sur cette terre. Nous ne pouvons plus nous voiler la face et laisser l’ethnicisme envahir les cœurs. Ne permettons pas aux démons de la division et de la xénophobie de gangréner de nouveau ce beau tissu humain du corps ivoirien fait de beaucoup de mélanges sanguins et sociaux. Laissons à d’autres les préoccupations qui vont nous distraire du souci primordial pour la Côte d’Ivoire: son développement harmonieux par toutes les populations qui y vivent. La réussite passée de ce pays, le miracle ivoirien s’est produit avec le concours de tous. Confiance!
Confiance de la part de ceux et celles qui pensent que la religion d’un individu va changer, dans une certaine hypothèse, la donne de la laïcité du pays. Evitons la division des mentalités en opposant les confessions religieuses. Evitons la bêtise des divisions ethniques et régionales. Personne n’y gagne au jeu, sauf ceux et celles qui n’aiment pas vraiment la Côte d’Ivoire. N’aimons pas seulement en mots mais en actes, disait l’Apôtre Saint Jean. Aimons la Côte d’Ivoire et nous serons vainqueurs du démon de la division, sous quelque forme qu’il se présente.
Confiance de la part de ceux et celles qui craignent de perdre des privilèges quand pourrait advenir le changement. Le taux de participation aux élections du premier tour (80%) a dit à la face du monde que les Ivoiriens veulent prendre leur avenir en main. Allons jusqu’au bout de cette aspiration dans l’acceptation de notre avenir politique. L’amour bannit la crainte dit l’Ecriture Sainte.
Dans une démocratie, la laïcité doit être positive. Quittons le colonialisme pour inventer notre démocratie à l’africaine où Dieu a sa place, le religieux jouant son rôle de pacificateur des esprits et des cœurs. Aucun impérialisme religieux ni spirituel ne doit empoisonner l’atmosphère politique dans notre beau pays. La responsabilité de tous est engagée ici pour que la vérité triomphe des mensonges dégradants. Dieu écoute tous ses enfants. Si nous prions comme Dieu le veut, la paix nous sera assurée. Dieu n’est pas au service d’une partie de l’humanité; il est au service de tous. Il n’est pas un moyen électoral à la disposition de quelques spirituels. La liberté des enfants de Dieu provient de la liberté même de Dieu.
Ceux qui ont quelque responsabilité à quelque niveau que ce soit ont un devoir de vérité et d’intelligence de la situation pour ne pas plonger les populations dans la panique, la crainte et la peur. Dieu est plein d’humour devant nos agissements de panique et nos contradictions. »Pourquoi avoir peur de vous-mêmes? Seriez-vous contre vous-mêmes? » Tel est l’humour de Dieu et son sourire bienveillant sur la Côte-d’Ivoire.
Faits tournés vers Dieu, nous sommes mis à demeure par l’Esprit de Dieu de travailler à la paix que tout homme recherche, quand il se confie à Lui par quelques formes de prières.
Confiance de la part de ceux et celles qui ne croient pas en la capacité de l’homme de se transcender. La seule prière qui puisse être entendue par Dieu en ce moment, devra être formulée dans le sens de la conversion des cœurs :
– conversion du cœur de nos dirigeants politiques qui doivent après les résultats des élections du second tour, travailler au bien-être de toutes les populations citadines, et celles des plantations, des campagnes, en forêt comme en savane.
– le cœur de l’habitant qui travaille à son propre développement en solidarité avec les autres.
– conversion du cœur du chrétien comme du musulman ou de l’adepte de toute autre confession religieuse. Le chrétien doit accepter la conversion qui fasse de lui un fils de Dieu ouvert à la charité sans recherche de monopole spirituel, même si dans sa prière il demande que Dieu fasse venir son règne selon le plan de Jésus-Christ. Le frère musulman ne recherchant aucun avantage qui ne soit pas celui de la fraternité entre tous les ivoiriens. Les adeptes des autres confessions, travaillant au respect des consciences individuelles et à l’avènement de la dignité humaine.
Confiance. Confiance en l’avenir de la Côte d’Ivoire avec le dirigeant que le verdict des urnes aura placé à la tête de l’Etat. Confiance les uns aux autres, dans la recherche d’une fraternité reconstruite de fond en comble par l’accueil mutuel, dans la vérité de relations sociales, politiques et économiques dictées par l’amour de Dieu et du prochain. Chaque homme, chaque femme, veut être aimé(e) et c’est le propre de l’humanité. Ne dévions donc pas de notre humanité par des considérations qui nous éloignent de Dieu, alors même que nous l’invoquons pour notre bien.
Puisse Dieu nous garder dans la concorde qui reconstruit la Côte d’Ivoire pour le bonheur des habitants de ce pays et pour l’Afrique. Que Dieu protège la Côte d’Ivoire!
Monseigneur Antoine KONE, évêque d’Odienné.
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