Bien que la croissance économique de la Côte d’Ivoire ait atteint 3% en 2010, de nombreux problèmes économiques, tels que le chômage, la dette, la crise énergétique et la fragilité des finances publiques demeurent.
Sous la direction du président Félix Houphouët-Boigny et son ministre de l’Economie et des Finances, Henri Konan Bédié, la Côte d’Ivoire a connu un ‘’miracle économique’’. Même si dans les années 80, des insuffisances se sont révélées du fait de la chute des prix des matières premières sur les marchés internationaux, le règne des deux premiers présidents de la République a permis au pays de connaître des performances économiques régionales. Malheureusement, toutes ces performances ont été mises à mal par onze années de crise. Le futur président que les Ivoiriens vont désigner à l’issue du second tour du scrutin présidentiel devra faire face à de nombreux défis. Chômage, dette publique, crise énergétique, manque d’infrastructures devront être résolus afin que l’économie ivoirienne reste l’une des économies les plus importantes de la région. Bien que l’économie ivoirienne représente près de 40 % de l’activité économique de l’Uemoa, le conflit a été un obstacle à son développement. Ainsi, entre 2000 et 2006, la croissance économique moyenne est devenue négative (-0,4 %). Elle était inférieure à celle des autres pays de l’Uemoa estimée à 4,1 % et de l’Afrique subsaharienne (4,9 %) dans la même période. Toutefois, en 2007 et 2008, l’économie a connu une reprise favorisée par la réunification. Le taux de croissance réel de la production s’est situé à 2,3% en 2008 contre 1,6% en 2006.
Beaucoup d’efforts…
Le 2 avril 2008, les arriérés de paiement dus à la Banque mondiale ont été réglés et une stratégie intérimaire (2008-2009) a été endossée par son conseil d’administration permettant à l’Association internationale de développement de reprendre son appui financier au pays. Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp) complet a été préparé en janvier 2009 et présenté aux conseils d’administration de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international en mars 2009. C’est aussi à cette date que le pays atteint le point de décision de l’Initiative Ppte. C’est au titre de cette initiative d’allègement de dette en faveur des pays pauvres très endettés que le gouvernement a négocié et signé des accords d’allègement de dette avec le Club de Paris et le Club de Londres ainsi qu’avec certains partenaires bilatéraux et multilatéraux. Cela a eu évidemment un impact sur l’économie. Le Pib est ressorti en hausse à 2.3% en 2008 contre 1,6% en 2007 du fait de la hausse des prix des exportations. Il faut préciser que la croissance en 2008 a été tirée par le Btp, l’agriculture vivrière et les télécommunications alors que la production de pétrole brut baissait et l’agriculture d’exportation enregistrait une stagnation. Les recettes fiscales en 2008 étaient globalement conformes aux objectifs de la politique budgétaire. En 2009, la croissance réelle du Pib s’est située à 3,7%, tirée par la bonne tenue des prix du cacao et du pétrole brut. C’est aussi le cas en 2010. Doris Ross, chef de la mission conjointe du Fmi et de la Banque mondiale lors de la troisième revue du programme économique et la stratégie de réduction de la pauvreté appuyé par la Fec (Facilité élargie de crédit) a révélé que «l’objectif de 3 % pour la croissance économique paraît réalisable en 2010, malgré des coupures sporadiques d’électricité, des difficultés dans les secteurs de l’extraction pétrolière et de la raffinerie, et des manifestations durant le premier semestre 2010». Cette croissance est possible grâce à la hausse des cours mondiaux du cacao et les performances réalisées dans le secteur des bâtiments et des travaux publics. Toutefois, ce maintien de l’activité économique cache d’autres difficultés et plusieurs défis attendent donc le prochain homme fort de la nation.
…Mais beaucoup reste à faire
Beaucoup reste à faire. A commencer par la pauvreté qui va grandissante. Elle est passée de 38,2 % juste avant la crise en 2002 à 48,9% en 2008, selon des études réalisées dans le cadre du Dsrp. La mise en œuvre de la stratégie de la masse salariale soutenable à moyen terme ainsi que des réformes de la fonction publique et des réformes judiciaires nécessaires à l’amélioration du climat d’affaires accusent un retard qui inquiète les institutions de Bretton Woods. En ce qui concerne le dernier point, dans le Doing Business 2011, un rapport de la Banque mondiale qui classe 183 économies du monde pour la facilité de faire des affaires, la Côte d’Ivoire a du mal à entreprendre des réformes pour améliorer son climat des affaires. De 163è en 2009, elle est classée 168è en 2010 et 169è en 2011. En outre, les investissements étrangers directs ont fortement baissé, et de nombreuses entreprises étrangères ont quitté le pays ou réduit de manière significative leurs activités dans l’attente de la résolution définitive de la crise. Ceci a aggravé le chômage, déjà très élevé, et en particulier celui des jeunes. Selon la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), le taux de chômage en Côte d’Ivoire est estimé à 19%. Occupant en 2007, 66% de la population active et contribuant à hauteur de 70 % aux recettes d’exportation, l’agriculture affirme sa primauté dans l’activité économique de la Côte d’Ivoire. Mais cette agriculture, est elle-même marquée par la domination du binôme café-cacao qui représente 40 % des recettes d’exportation et 20 % du Pib, n’est plus profitable aux petits producteurs. Ainsi dans les filières banane, ananas et coton, nombre de petits producteurs n’ont eu d’autre choix que de se détourner vers d’autres cultures devenues plus rentables. Et la production vivrière reste insignifiante. Elle ne parvient pas à satisfaire la demande. C’est le cas de la production du riz. La Côte d’Ivoire qui était autosuffisante ne produit que 1,3 million de tonnes par an. « La consommation locale en riz est couverte grâce à l’importation de cette denrée. En 2009, le pays a investi 286 milliards de Fcfa pour l’importation du riz. Le prochain chef d’Etat gagnerait donc à promouvoir les cultures vivrières afin d’assurer la sécurité alimentaire et contribuer à la baisse de l’inflation. On s’en souvient, la crise contre la cherté de la vie en 2008 est partie de la flambée des prix des denrées de première nécessité. Elle a conduit, tout comme l’ajustement, à la hausse du prix du carburant à la pompe, à une hausse de l’inflation à 9% à fin décembre 2008 contre 1,9% en moyenne en 2007.
Finances publiques fragiles
En 2009, l’inflation a fort heureusement baissé, atteignant 1.5% pour se maintenir à environ 2% en 2010, selon Doris Ross. Toutefois, elle reste élevée à celle de l’Uemoa dont la moyenne annuelle s’est établie à 1,2% en 2010 contre 1,1% en 2009. C’est un problème sérieux surtout que les économistes révèlent que l’inflation se situerait entre 2,5% et 3% durant la période 2010-2014. De nouveaux investissements devront être aussi faits dans le domaine de l’électricité. La crise énergétique de février 2010 a gangrené l’économie nationale en provoquant l’arrêt des machines, obligeant les entreprises à mettre en place des programmes de chômage structurels et investir davantage dans l’achat de groupes électrogènes. Cette crise retarde le projet de l’Uemoa d’interconnexion électrique ouest-africain dont le fournisseur essentiel devait être la Côte d’Ivoire grâce à son ‘’énorme potentiel’’. Il faudra donc trouver des solutions définitives et non temporaires comme c’est le cas actuellement. D’après les projections du gouvernement ivoirien et du Fmi, le solde primaire de base pour l’exercice 2010 (différence entre les recettes de l’Etat et ses dépenses courantes) serait d’environ 3 milliards de Fcfa. En 2009, il était de 4,6 milliards de Fcfa. Selon Emmanuel Noubissie Ngankam, chargé principal des opérations de la Banque mondiale, «ces chiffres sont certes positifs et indiquent qu’en 2010 comme en 2009, la Côte d’Ivoire ferait face à toutes ses dépenses de fonctionnement sur ses ressources propres. Mais le montant de 3 milliards de Fcfa (seulement !) est révélateur de la fragilité des finances publiques ivoiriennes. Car en effet, avec un service de la dette d’environ 400 milliards de Fcfa (intérêt et principal de la dette intérieure et extérieure), il va de soi que les finances publiques de la Côte d’Ivoire soient sur un fil de rasoir et qu’inéluctablement, le solde budgétaire global serait largement négatif (-240 milliards de Fcfa prévus en 2010 sur des recettes estimées à 2326 milliards de Fcfa). Avec la volonté des autorités de finalement apurer les arriérés de paiement sur ses créanciers (publics et privés) le solde global serait alors de -596 milliards de Fcfa». Elle explique que le service de la dette serait beaucoup plus important si les créanciers du pays d’Houphouët-Boigny ne consentaient pas à lui accorder un traitement spécial de sa dette colossale d’environ 7400 milliards de Fcfa (stock intérieur et extérieur).
Nimatoulaye Ba
Nord-Sud
Commentaires Facebook