Par Mame Diarra Diop – journalducameroun.com
Le premier tour a démontré l’ascendance géographique et l’origine ethnique des candidats sur le vote des citoyens
Vote ethnique ? Vote géographique ? Le premier tour a démontré l’ascendance géographique et l’origine ethnique des candidats sur le vote des citoyens. Ainsi apprend t-on que le Nord de la Côte d’Ivoire serait le « fief » d’Alassane Dramane Ouattara, du RDR, d’origine burkinabè, mais qui se réclame Ivoirien. N’eut été les accusations de pseudo « ivoirité », lancées contre lui aux temps forts de la crise. Selon les tous premiers résultats donc, le candidat du RDR l’emportait dans des bastions comme Korogho, Odienné, Korhogo, Ferkéssédougou, Boundiali, Ouangolo, Katiola, villes du nord, où il réalisait des scores proches du 100 %. Ceux du nord à majorité dioula se sentant proches de leur candidat, ont par réflexe, voté pour lui. On se rappelle aussi qu’à un moment, le pays a été coupé en deux. Face à un tel état de fait, la population s’en réfère à ses origines et prend position. Cela pose la question des repères identitaires, sans toutefois que l’on tombe dans «l’ethno fascisme». Se sentant exclus de la vie économique et politique, du partage des compétences et des richesses, d’un pays très pourvu par la nature, ces populations du Nord voient en ADO, celui qui pourra les loger à même enseigne que ceux du Sud. Et si la dérive identitaire a bien eu lieu, elle ne devrait pas se reproduire cette fois, puisqu’un consensus existe désormais parmi la population ivoirienne, celle de sortir d’une crise interminable qui dure depuis près de 10 ans et a plombé l’économie du pays, crée la misère et le chômage chez les jeunes. C’est d’ailleurs l’argument principal d’ADO le nordiste, relancer la machine économique ivoirienne, même si les investisseurs sont timides et la richesse reste concentrée aux mains de ceux qu’on appelle ironiquement les « refondateurs ». Et ceux là font la pluie et le beau temps… à Abidjan, la capitale économique!
L’argument patriotique
Pour Laurent Gbagbo, du FPI, d’origine bété, ce sont les régions de l’ouest ivoirien comme (Bangolo, Toulepleu, Duekoué, Guiglo etc..), fief notamment des populations d’origine Bété et celles du centre ouest (dont Gagnoa, dans sa région natale), qui ont plébiscité le président sortant. Même si ADO y fait une légère percée. Toutefois, le candidat Gbagbo qui n’a jamais brandi le vote identitaire, se réclame d’une adhésion de l’ensemble du peuple Ivoirien. Le patriotisme, voilà son arme de guerre. Et Charles Blé Goudé, leader du mouvement des jeunes patriotes, lui a prêté main forte pour cela, quant il réalisait un véritable coup politique, en nommant l’ex chef des rebelles, Guillaume Soro, premier ministre et en multipliant les bains de foule dans les stades ou dans les villages de la Côte d’Ivoire. Enfin, le Sud et Sud Comoé, fief du candidat désormais exclu du 2è tour, Henri Konan Bédié, a aussi plébiscité Laurent Gbagbo. Ici, le vote géographique n’a pas vraiment fonctionné, pour Bédié, qui se réclamait plutôt d’un héritage politique, brassant la thèse du « dauphin naturel » de Feu Houphouet Boigny et à qui le pouvoir aurait été confisqué en 2000. D’où l’envie incommensurable d’y arriver de nouveau. Il va falloir se résigner désormais, et ne pas étendre la contestation.
La bataille d’Abidjan
Celui qu’on surnomme «Le boulanger» est maître dans l’art de rassembler, ceux du nord, du sud, de l’est ou même de l’ouest autour de l’idée de rassemblement populaire, qui sied aux ivoiriens. Ainsi à Yopougon, quartier populaire d’Abidjan, un jeune patriote enthousiaste clamait devant les caméras françaises, « c’est mon candidat qui va l’emporter ! ». Là encore, le vote géographique se fond dans le vote patriotique. Et loin de toute considération économique. Sera-ce la force de Laurent Gbagbo, face à son adversaire Ouattara, vu comme le technocrate, parfois éloigné des préoccupations du peuple ? A un Gbagbo qui fait des descentes à la rue, brasse la foule, parle le langage de la rue, se confronte un Ouattara, un peu froid, intello mais prévis dans ses arguments. Aux accusations de fuite à l’étranger en temps de crise, ADO remet son parcours en exergue, la distance nécessaire pour gouverner «autrement », une Côte d’Ivoire, lasse des discours patriotes ou anti-étrangers de son adversaire et surtout de la misère. Car désormais, les choses vont se jouer à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire. Si Gbagbo devance son rival de 6 points selon les derniers résultats provisoires de la CEI, la surprise pourrait venir lors du second tour. Sans doute, Laurent Gbagbo, qui s’est montré très sûr de lui, sondages SOFRES à l’appui et ce depuis près d’un an, a dû quelque peu être «étonné» de ne pas l’avoir emporté du premier tour. La bataille s’annonce serrée pour deux candidats, franchement au coude à coude. Wait and see !
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