Reuters
Après plusieurs décennies de régime autoritaire, les Guinéens se rendent aux urnes dimanche pour désigner leur président dans un second tour aux allures de duel potentiellement explosif entre Peuls et Malinkés, les deux principales communautés ethniques du pays. Il s’agit des premières élections libres depuis l’indépendance acquise face à la France, ancienne puissance coloniale, en 1958.
Si ce second tour, plusieurs fois différé, se déroule sans violence, il pourrait marquer un tournant dans la vie politique de ce pays d’Afrique de l’Ouest riche en ressources minières. Mais les observateurs se montrent prudents face à un tel scénario, estimant que des affrontements ethniques demeurent possibles si les résultats du scrutin sont contestés.
Les Nations unies ont appelé cette semaine les deux candidats en lice, l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé, figure historique de l’opposition, à se garder d' »exploiter à des fins politiques l’ethnicité, la religion ou tout autre facteur de division ». Dans un communiqué commun diffusé vendredi, la France et les États-Unis leur ont demandé de « placer les intérêts nationaux de la Guinée au-dessus de leurs considérations personnelles, ethniques ou politiques ».
La campagne de ce second tour a été agitée, avec des heurts entre les deux camps politiques et des contestations sur les préparatifs électoraux qui ont entraîné un report des opérations de vote, alors que le premier tour a eu lieu le 27 juin et que le second tour aurait initialement dû se dérouler le 18 juillet.
Les observateurs internationaux espèrent que les responsables électoraux ont réussi à établir les bases pour un vote libre et juste limitant ainsi les risques de contestation pour fraudes de la part du perdant. « J’ai la conviction que tout ce qui pouvait être fait l’a été. La commission électorale a fait de son mieux, même si, bien sûr, rien n’est parfait », a déclaré Saïd Djinnit, chef du bureau des Nations unies en Afrique de l’Ouest, joint au téléphone.
Diallo favori face à Condé
Le vote de dimanche doit mettre fin à près de deux ans de régime militaire, après le coup d’État de décembre 2008 qui avait fait suite au décès du président Lassana Conté.
Les deux candidats en lice sont issus de deux ethnies différentes. Diallo, membre de l’ethnie peule qui représente 40 % de la population, est arrivé en tête du premier tour le 27 juin avec 43,69 % des suffrages. Il part favori face à Condé, un Malinké comme 35 % des Guinéens, qui n’a rassemblé sous son nom que 18,25 % des voix et a contesté ce résultat comme frauduleux.
Les tensions entre les Peuls et les Malinkés sont anciennes et il semble qu’aucune des deux ethnies ne soit prête à accepter calmement la défaite de son candidat.
« Si Condé perd, c’est que l’élection aura été truquée », affirme Amadou Camara, un chauffeur de taxi partisan de Condé.
De leur côté, les Peuls jugent que les autres groupes ethniques se sont coalisés depuis l’indépendance pour les empêcher d’accéder au pouvoir. Il existe seize ethnies différentes en Guinée, dont la population totale est d’environ 10 millions d’habitants.
Les observateurs font remarquer qu’un retour de l’instabilité dans l’ancienne colonie française pourrait être contagieux et gagner les États voisins, Libéria, Sierra Leone et Côte d’Ivoire, qui sortent tous de guerres civiles.
Commentaires Facebook