La Cour constitutionnelle vient de valider les résultats du premier tour de l’élection présidentielle ivoirienne. Les Ivoiriens ont ainsi décidé de renvoyer deux poids lourds de la scène politique ivoirienne, à savoir Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara (ADO) au second tour prévu pour le 21 novembre prochain. Tous ceux qui comme Mabri Toikeusse et Henri Konan Bédié, ont contesté les résultats du scrutin et ont rué dans les brancards, doivent désormais se ranger au verdict du Conseil constitutionnel. Seulement, dans la foulée, un couac vient de se produire. ADO, redoutable challenger du président sortant, Laurent Gbabgo, a effectué une visite au Sénégal pour, dit-il, bénéficier des conseils et de l’expérience du président Wade en tant qu’ancien opposant qui partage la même idéologie libérale que lui. Et il n’en fallait pas plus pour que son adversaire Gbagbo saisisse cette occasion comme du pain bénit. Il a même monté les enchères d’autant qu’il a rappelé l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en poste à Dakar, pour montrer la gravité de l’acte posé par son adversaire politique. Alors, des questions se posent : qu’est-ce que ADO et Wade ont contre la Côte d’Ivoire au point de vouloir la déstabiliser ? N’est-ce pas les Ivoiriens eux-mêmes qui élisent leur président et non Wade à leur place ? Et puis, Gbagbo n’avait-il pas lui-même reçu chez lui les opposants socialistes venus du Sénégal (ironie du sort) et de la France dans le but de le soutenir dans sa campagne présidentielle ?
A vrai dire, il n’ y avait pas de quoi fouetter un chat. En adoptant cette attitude, Gbagbo a tout simplement su que lorsque l’on a affaire à un concurrent de taille comme ADO, toutes les occasions sont bonnes pour faire souffler le vent en sa faveur. Et en pareille circonstance, et surtout pour un politicien de la trempe de Gbagbo, les épithètes, même les plus désobligeantes, ne manquent pas pour dramatiser un fait qui n’en est pas un à bien des égards. C’est en cela que le président sortant et son équipe ont, pour la circonstance, vite qualifié l’audience accordée à ADO par Wade « d’ingérence intolérable du Sénégal dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire » et, pire, de « conspiration en vue d’une déstabilisation ». En qualifiant ADO de conspirateur, Laurent Gbagbo et les siens peuvent désormais voir en lui un ennemi. Il faut tout autant craindre qu’avec de tels agissements, Gbagbo ne finisse par donner raison à ceux qui voient dans son expression « candidat de l’étranger », un pur et simple jeu de mots pour dire « candidat étranger », maintenant qu’il a pour principal adversaire ADO dont la nationalité ivoirienne a été longtemps contestée.
Le président sortant, avec un tel comportement, risque de remettre au goût du jour le concept de l’ivoirité comme arme de combat politique contre ADO d’autant plus qu’autour de lui, ses hommes tiennent des propos qui en portent les germes. Pas plus tard que le 5 novembre dernier, l’on se souvient encore, un bras droit de Gbagbo, Affi N’Guessan, soutenait que le score de ADO dans le nord de la Côte d’Ivoire était étonnant et suscitait des interrogations. Allez-y comprendre !
Le second tour du scrutin présidentiel ivoirien prévu pour le 21 novembre prochain coïncide avec la présidentielle au Burkina, pays du facilitateur Blaise Compaoré qui est lui-même candidat à sa propre succession. Ce qui sous-entend qu’il aura le souci de sa propre réélection plutôt que de toute autre chose, même si les pronostics le donnent largement favori. Malgré son propre agenda, il devra cependant avoir un oeil sur la Côte d’Ivoire. Il faut souhaiter donc que les ténors de la classe politique ivoirienne jouent franc jeu pour éviter tout comportement de nature à replonger le pays dans une autre crise.
Boulkindi Couldiati
afriscoop.net
Commentaires Facebook