Le Patriote Réalisé par Zana Coulibaly
Secrétaire général de la Fesci (fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire), Mian Augustin jette ici un regard sur l’actualité sociopolitique, marquée par le scrutin présidentiel. Naturellement, il n’occulte pas les difficultés du monde estudiantin.
Le Patriote : Les Ivoiriens sont dans l’attente des résultats de l’élection présidentielle depuis le dimanche dernier. Quelles sont vos réactions face à la lenteur que connaît la proclamation de ces résultats ?
Mian Augustin : Je pense que les résultats doivent être proclamés aussitôt. C’est comme quelqu’un qui a passé le Bac. Il a le droit de savoir s’il est admis ou pas. La CEI doit rapidement proclamer les résultats. Celui qui a gagné a gagné et on avance. C’est vrai que nous sommes impatients, mais je pense que la CEI est dans le temps. Ils ont trois jours pour proclamer ces résultats. Et ces trois jours ne sont pas encore passés. Je comprends que les candidats soient impatients, mais il ne faut pas aussi donner les résultats dans la précipitation pour créer d’autres problèmes. Parce que de faux résultats peuvent créer des problèmes. Mais, je suis serein quant à l’issue de cette élection.
LP : La Fesci a empêché le meeting du candidat Alassane Ouattara au campus…
M A : Non, il n’a pas été empêché de venir sur le campus. C’est pour des raisons de sécurité que nous avons agi ainsi. Alassane Ouattara est une personnalité qui nous rendait visite et nous avons constaté la présence de personnes étrangères sur le campus ce jour-là. Pour éviter des situations déplorables, nous avons souhaité l’annulation de sa visite. C’est ce que nous avons expliqué à l’Onuci et au directeur de campagne chargé de la jeunesse, Hamed Bakayoko. C’est tout !
LP: Quel bilan faites-vous des 20 ans d’existence de la Fesci ?
MA : Le bilan est positif en ce sens que la Fesci, en tant que structure, vit et existe. Elle est animée par des gens qui ont la volonté de se battre pour améliorer les conditions de travail et de vie des élèves et étudiants. Malgré les conditions difficiles, la Fesci a pu obtenir un certain nombre de choses. Je peux citer entre autres l’Université de Bouaké, les Ures de Daloa et de Korhogo. Sans oublier l’Université d’Abobo-Adjamé. Tous ces acquis sont à mettre à l’actif de la Fesci. L’Ufr de Criminologie a aujourd’hui ses amphithéâtres et ses infrastructures propres à elle. Au niveau du primaire et du secondaire, nous avons bataillé pour l’augmentation des infrastructures. C’est ainsi qu’il y a eu les projets Bad. Mais beaucoup reste encore à faire. Nous sommes aujourd’hui à 60 000 étudiants alors que l’Université a été construite pour accueillir 8000. Les infrastructures n’ont pas suivi. Celles qui ont été construites ces dernières années ne sont pas encore achevées. A part l’Ufr de Droit où on a un nouvel amphithéâtre, il n’y a pas de nouvelles infrastructures. Les résidences universitaires ne suffisent pas non plus. D’autres sont parties en fumée et non jamais été reconstruites. Le Crou d’Abidjan qui dispose de 9600 lits en compte moins aujourd’hui. Au niveau de la bourse, l’enveloppe n’a pas varié. Nous avons toujours la même enveloppe qui s’élève à environ 7 milliards FCFA. Pendant ce temps, le nombre d’étudiants a augmenté. Malgré la lutte, des choses ont été imposées aux étudiants, telle que la carte de bus.
LP : Il y a aussi le manque d’enseignants…
MA : A tous les niveaux, il y a un manque criard d’enseignants. C’est un problème crucial. Même les volontaires dans les zones Cno n’ont pas pu régler ça. A Bouaké, l’Université ne fonctionne pas. Les enseignants refusent d’y aller. Ils dénoncent le non paiement des heures complémentaires et des primes de risque. Nos camarades de Bouaké souffrent énormément. Il n’y a pas d’infrastructures là-bas. Les résidences universitaires ne sont pas encore réhabilitées. Seuls quelques bâtiments ont été réhabilités avec seulement 250 lits. Alors que vous avez un effectif de 3000 étudiants à Bouaké. Il faut donc créer les conditions de travail pour que les enseignants puissent venir nous dispenser le savoir. L’Université de Bouaké, comme le savez, est délocalisée à Abidjan. On avance même que les nouveaux bacheliers ne seront pas affectés cette année là-bas. Leur budget a été revu à la baisse. Etant chargés de la défense des intérêts des élèves et étudiants, nous ne sommes pas d’accord avec cette décision. Les étudiants ne sont pas responsables de cette situation. Nous demandons donc que cette université délocalisée à Abidjan reçoive de nouveaux bacheliers. Nos camarades de Bouaké sont devenus des nomades. Tantôt ils prennent les cours à l’amphi de criminologie, tantôt on les envoie à Bingerville, à Abobo-Adjamé. C’est une situation difficile. Les amphithéâtres sont surpeuplés. Nous souhaitons qu’une solution soit trouvée le plus rapidement possible.
L.P : Sur la question de la bourse, le chef de l’Etat a dit qu’il est impossible d’augmenter l’enveloppe. Votre position sur la question?
M.A : Quand le chef de l’Etat le dit cela, il a peut-être ses raisons. Il n’a pas proposé de solution immédiate, mais je ne pense pas qu’il fasse de la question de la bourse un problème mineur.
L.P : Quel commentaire pouvez-faire de la présence des organisations sœurs de la Fesci à vos festivités ?
M.A : Dès mon arrivée à la tête de la Fesci, j’ai toujours fait de la pacification de l’école mon cheval de bataille. C’est dans un climat sain que nous pouvons aller à l’école en toute quiétude. Nous ne voulons plus que l’école soit un terrain de violence. Les autres associations sont sur le campus. On doit donc se respecter. Lorsqu’on préparait le 20e anniversaire, je les ai appelés pour leur dire que nous poursuivons le même objectif : celui de l’amélioration du cadre de vie et de travail des élèves et étudiants. Ce sont les méthodes de revendication qui changent, sinon c’est le même objectif. A partir de cet instant, nous avons compris la nécessité de nous mettre ensemble, de nous entendre. Nous les avons invités pour parler d’une seule voix des problèmes de l’école ivoirienne au chef de l’Etat. Nous entretenons de bons rapports avec eux. Il n’y a pas d’hypocrisie entre nous. Nos rapports sont sincères. Quand ils organisent des manifestations, ils nous invitent et on s’y rend sans problème. Le plus important, c’est de faire régner la sérénité sur les campus.
LP : Vous avez également réussi le pari de réunir tous les anciens responsables de la Fesci…
M.A : C’est une fierté pour moi. Pour cette manifestation, il était bon pour nous de rassembler toute la Fesci. Nous avons besoin de nos aînés, de leurs conseils. On ne peut pas organiser les 20 ans de la Fesci sans les inviter. Ils se sont battus pour donner une âme au mouvement.
LP : On accuse la Fesci de fermer certains établissements notamment à Attécoubé où vous auriez exigé 2000 FCFA sur chaque inscription….
M.A : Ce sont des fausses accusations contre lesquelles je m’insurge. Les gens nous accusent par moment à tort. Quand nous avons fait la réunion de rentrée à Ste-Marie avec le ministre Bleu Lainé, le droit d’inscription a été fixé à 5000 FCFA. Quand on a lancé les inscriptions, que nous avons entrepris des tournées pour voir si le montant est respecté. Au cours de cette tournée, on interpelle ceux qui ne respectent pas les consignes. Et c’est ce que nous avons fait à Attécoubé dont vous parlez où les inscriptions sont faites à 21000 FCFA. A Ste-Marie, on fait l’inscription à 17000 FCFA et quand nous avons marqué notre désaccord, ils ont expliqué les raisons de cette augmentation. A Attécoubé, on prend 21000 FCFA sans justifications. On dit non. Il faut justifier l’augmentation. C’est ça qui nous a amené à arrêter les inscriptions. Ce qui se passe à Attécoubé est une escroquerie que nous avons tenu à expliquer aux parents lors d’un meeting sur les lieux. Ils nous ont applaudis parce qu’ils ont compris qu’ils étaient en train d’être dupés. Ils ont voulu manipuler la population pour dire que la Fesci perturbe. Et pourtant, c’étaient eux qui voulaient escroquer la population.
LP : Malgré votre opposition, le chef de l’Etat semble approuver les 50 000 FCFA de frais d’inscription à l’Université…
M. A : Il a donné sa position, son avis sur la question. Mais nous, nous sommes des syndicalistes. Nous défendons nos intérêts. Ce n’est pas parce que le chef de l’Etat est d’accord que cela s’impose automatiquement à nous. Les étudiants ont leur mot à dire sur tout ce qui concerne l’université surtout quand il s’agit d’une question cruciale comme celle de l’augmentation. Les syndicats ont leur position à donner. C’est vrai, au cours de son discours, il a dit que si ça ne tenait qu’à lui, il augmenterait l’inscription à 50 000 FCFA. Mais cela ne veut pas dire que ça s’impose à nous.
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