La Côte d’Ivoire avance résolument vers l’élection présidentielle du 31 octobre 2010 censée parachever son processus de sortie de crise. Les différents acteurs politiques font montre, jusqu’à présent, d’une grande détermination à aller à cette consultation attendue depuis si longtemps. Cela, on le constate avec la campagne électorale qui bat son plein. Chacun des 14 candidats en lice rivalise d’ardeur pour séduire l’électorat et mis à part quelques déclarations désobligeantes ici ou là, tout se passe dans un climat relaxe, apaisé. Chaque camp a sonné la mobilisation tous azimuts de ses troupes et certains meetings donnent l’allure de vraies démonstrations de force tant ils rassemblent des foules immenses venues écouter l’un ou l’autre candidat. La détermination des acteurs à aller vers cette consultation électorale se constate aussi dans la célérité avec laquelle les blocages sont désormais levés. La dernière frayeur en date, celle qui a porté sur le mode de décompte des voix au soir du vote, n’en est plus une. Le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire -Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), Henri Konan Bédié, dont on redoutait le refus de la méthode retenue, a déclaré finalement en prendre acte. Cette solution arrêtée par le Premier ministre ivoirien, Guillaume Soro, retient un double procédé de comptage : le manuel et l’électronique. En d’autres termes, il y aura à la fois un comptage manuel et un comptage électronique des résultats du scrutin présidentiel à venir en Côte d’Ivoire. Une confrontation des résultats obtenus grâce aux deux procédés est prévue. C’est un compromis de nature à satisfaire les partisans de chacun des deux modes de comptage. Mais ce double comptage est-il sans danger ? Pas si sûr que cela. Si la bonne foi reste de mise, il n’ y a pas de risque majeur lié au recours à ce comptage. Si les résultats issus du comptage manuel sont sensiblement les mêmes que ceux qu’offre le comptage électronique, tant mieux. La légitimité du vainqueur de l’élection n’en sera que plus forte. Seulement, la mise en oeuvre de cette décision n’est pas exempte de tout risque. Ce double procédé peut offrir, en effet, l’occasion à des gens désireux de mettre à mal le processus, de jouer les trouble-fêtes. Quelles peuvent être les réactions des uns et des autres si les résultats des deux méthodes de comptage venaient à ne pas concorder ? Ne risque-t-on pas de s’enliser dans des contestations à n’en pas finir ?
En tous les cas, l’on imagine que les candidats qui auraient la malchance d’être en mauvaise posture et leurs partisans, seraient tentés de ne pas l’entendre de cette oreille. Ils pourraient réfuter ce qui est censé être le verdict des urnes au motif que tel ou tel décompte n’est pas fiable. Ce qui ne serait qu’une sorte de résurgence des dissensions auxquelles ce compromis est censé avoir mis un terme. De plus, l’on se demande si avec le décompte manuel, les résultats pourraient être disponibles dans le délai légal des 3 jours. Ce ne sera pas une mince affaire que de rélever un tel défi. Si la réalisation de cette prouesse se révélait impossible, il est fort à parier que les esprits s’échaufferaient.
Au regard de ce risque de détérioration du climat à l’issue de l’élection, ce double comptage qui est, certes, une solution en ce sens qu’il permet d’aller vers l’élection, a tout de même l’air d’un compromis boiteux. C’est un compromis plein d’incertitudes. On a affaire à une solution qui a donc le mérite de permettre au processus électoral de continuer son petit bonhomme de chemin mais qui contient des germes de contestations post-électorales. L’on a voulu ménager tout le monde à travers une telle solution. Les incertitudes de ce genre viennent, une fois de plus, confirmer que les Ivoiriens ont mis plus de temps à se quereller qu’à baliser vraiment le terrain pour une élection de qualité. L’idéal dans ces circonstances aurait été d’imposer un modèle, un procédé unique de comptage. Car à dire vrai, ce grand écart, dicté par la recherche du compromis, est inconfortable.
Mais, étant donné que la décision est déjà prise, il convient d’aller de l’avant. Reste donc à nourrir le voeu que tous les acteurs fassent preuve de responsabilité et de retenue pour un scrutin apaisé et des résultats acceptés de tous. Beaucoup d’acquis sont déjà engrangés dans le processus électoral dont le taux important (environ 80 %) de distribution des cartes d’électeurs et une campagne relativement apaisée. Ces acquis, les acteurs du processus électoral ivoirien doivent oeuvrer à les capitaliser. Ils ont aussi le devoir de veiller à éviter notamment toute fraude ou violence et privilégier en toute circonstance un dialogue sincère. De leur degré de responsabilité, dépendra le degré de fiabilité de l’élection et d’accalmie du climat social post-électoral.
« Le Pays »
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