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Maintes fois repoussée depuis cinq ans, la présidentielle doit avoir lieu le 31 octobre. Sondages à l’appui, le président sortant, Laurent Gbagbo, se dit sûr de l’emporter.
L a Côte d’Ivoire va- t-elle enfin tourner la page d’une décennie de crise politico-militaire ? Depuis une semaine, la campagne en vue de l’élection présidentielle, maintes fois repoussée depuis l’échéance du mandat de Laurent Gbagbo en 2005, est officiellement ouverte. Des quatorze candidats en lice pour le premier tour, fixé au 31 octobre, un trio de présidentiables se détache : le président sortant, leader du Front populaire ivoirien (FPI) ; Henri Konan Bédié, ancien chef d’État, candidat sous les couleurs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), et l’ex-premier ministre Alassane Dramane Ouattara, président du Rassemblement des républicains (RDR). Hier rivaux, aujourd’hui alliés, ces deux derniers revendiquent l’héritage du Père de la nation, Félix Houphouët Boigny. L’un se réclame d’un « libéralisme à visage humain », l’autre se définit comme un « libéral soucieux de justice sociale ».
UN SCRUTIN HISTORIQUE
Ce scrutin est qualifié d’historique à plus d’un titre. D’abord parce que son bon déroulement pourrait permettre de clore le sanglant chapitre ouvert par le coup d’État militaire de 1999 puis par le putsch manqué de 2002 contre Laurent Gbagbo. Sceller le retour à la paix, donc, et réunifier un pays fracturé entre un Sud loyaliste et un Nord toujours contrôlé par les ex-rebelles des Forces nouvelles. Il s’agit aussi, selon les termes du premier ministre, Guillaume Soro, issu des rangs des Forces nouvelles, de « mettre fin à vingt ans de débat sur la question de l’identité ». Dans ce pays d’immigration, longtemps déchiré par le conflit de « l’ivoirité », la distribution de 5,7 millions de cartes d’identité et d’électeur, débutée à la mi-octobre, constitue un événement majeur, malgré les problèmes d’organisation. Jamais, depuis son indépendance, en 1960, cette ex-colonie, longtemps pilier de la Françafrique et symbole de l’ingérence militaire de l’ex-puissance coloniale, ne s’était trouvée à la veille d’une élection aussi ouverte. À Paris, l’événement sera scruté à la loupe. Dépêché à Abidjan début octobre, le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, a affirmé vouloir « renouer un partenariat d’exception » avec la Côte d’Ivoire. « Le dégel a commencé avec la France, mais sur des bases que nous voulons claires, commente Pierre Kipré, ambassadeur de Côte d’Ivoire en France. Il faut substituer une coopération équitable aux politiques d’ingérence, pour fonder nos rapports sur de nouvelles bases, amicales mais égalitaires. »
Sondages à l’appui, le président sortant, Laurent Gbagbo, se dit sûr de gagner. « Il faut aller à l’élection pour s’attaquer ensuite, avec une légitimité renouvelée, aux vrais problèmes de la nation », affirme-t-il dans un entretien à Jeune Afrique. Défi colossal, dans ce pays toujours dépendant de l’exportation de matières première agricoles, en proie depuis les années quatre-vingt à une crise profonde, aggravée par les politiques d’ajustement structurel, puis par la guerre civile. « Le pays dispose certes d’un potentiel économique significatif mais la crise économique et politique qu’il traverse depuis 1985 n’a eu pour conséquence que d’accentuer l’état de pauvreté des populations, faisant passer le taux de pauvreté de 10 % en 1985 à (…) 48,9% en 2008 », résume le Pnud. Reste, désormais, à lever toute hypothèque sur la tenue du scrutin le 31 octobre. Si la commission électorale indépendante a confirmé, jeudi, cette date, l’opposition conteste le choix de la société chargée de la centralisation informatique des résultats. D’où l’option d’un comptage manuel, décrié par la majorité présidentielle.
Rosa Moussaoui
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