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L’enquête administrative a été confiée à l’inspection générale des services judiciaires (IGSJ). Contacté par Le Monde, le juge Ramaël n’a pas souhaité s’exprimer.
La chancellerie avait été saisie d’une demande d’inspection en avril, à la fois par le président du tribunal de grande instance de Paris et par le premier président de cour d’appel. L’inspection a été notifiée au juge lundi 18 octobre.
Cette procédure est assez rare. Un juge d’instruction, magistrat indépendant, est néanmoins soumis à une hiérarchie, et, notamment, au président de tribunal, qui l’évalue et le note chaque année. Si le président estime qu’il y a une difficulté, il suffit, en règle générale, de convoquer le magistrat et de s’en expliquer avec lui, non pas sur le fond des dossiers – c’est le rôle de la chambre de l’instruction – mais sur sa gestion.
L’inspection est saisie dans les cas les plus graves, insuffisance professionnelle, manquement à la délicatesse, à la probité, à la loyauté, ou plaintes répétées des justiciables. « Lorsque le président du plus grand tribunal de France et son supérieur direct, le premier président de la cour d’appel, réclament une inspection, explique Guillaume Didier, le porte-parole de la chancellerie, on voit mal pourquoi le garde des sceaux s’y refuserait. »
DEUX PERQUISITIONS AU SIÈGE DE LA DGSE
Le cabinet de Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, a ordonné, fin juin, une enquête administrative sur l’activité du juge d’instruction Patrick Ramaël. Ce magistrat, chargé d’affaires sensibles, comme la disparition à Paris de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka, ou celle du journaliste Guy-André Kieffer, en Côte d’Ivoire, s’est souvent heurté à la raison d’Etat.
Le juge Ramaël s’est bâti une solide réputation de juge tenace, prompt à bousculer les intérêts diplomatiques de la France. Il avait ainsi perquisitionné cet été à deux reprises le siège des services secrets français, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), dans l’enquête sur la disparition, en 1965, de Mehdi Ben Barka. Cette perquisition était la première dans un lieu classé secret-défense depuis l’entrée en vigueur des dispositions d’une loi, datant du 29 juillet 2009, relative à la protection du secret-défense en France.
En juillet 2008, il s’était aussi rendu à l’Elysée, dans le cadre de son enquête sur la disparition en Côte d’Ivoire, en 2004, du journaliste Guy-André Kieffer, alors qu’il avait rendez-vous avec un proche de Simone Gbagbo, épouse du chef d’Etat ivoirien. Il avait même convoqué à son cabinet Patrick Ouart, le conseiller justice de Nicolas Sarkozy. Il suspectait M. Ouart d’avoir fait pression sur un témoin. M. Ouart avait, du coup, déposé une plainte pour « dénonciation calomnieuse ».
Récemment encore, le juge Ramaël s’était déplacé en Côte d’Ivoire où, selon la famille de M. Kieffer, les autorités politiques avaient multiplié les obstacles sur son chemin. L’avocat de la famille Kieffer, Me Alexis Gublin, avait dénoncé « cette volonté du pouvoir ivoirien d’entraver la recherche de la vérité », estimant que la disparition du journaliste « avait été ordonnée ou au moins tolérée, cautionnée, par le sommet du pouvoir ivoirien ».
Gérard Davet et Franck Johannès
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