Les indicateurs sont au rouge. La présidentielle est mal partie pour être tout, sauf apaisée. Les milices et les ex-rebelles n’ont pas véritablement désarmé. Si on y ajoute « l’indigence » du Centre de commandement intégré abandonné au profit du Cecos et de la Crs, il vaut mieux sortir couvert le 31 octobre.
Elections à hauts risques. Comme une bombe dégoupillée, prête à exploser, la Côte d’Ivoire se laisse aussi découvrir comme un champ de mines. Les prochaines élections s’annoncent électriques. 5.725720 électeurs iront aux urnes pour choisir le 31 octobre le prochain président de la République. Seulement voilà. Ces joutes risquent de générer, malheureusement, des violences. Entre « La majorité présidentielle », le Rdr d’Alassane Ouattara et le Pdci d’Henri Konan Bédié dont les partisans ont été tous nourris au fanatisme et à la haine de l’autre, le scrutin pourrait connaitre des violences. Au-delà de la compétition politique qui galvanise les troupes, les dresse les unes contre les autres, les conditions sécuritaires du vote ne sont pas entièrement réunies pour des élections apaisées. La publication du décret approuvant la liste électorale définitive le 11 septembre, ne peut garantir la tenue d’élections sans heurts. De grosses inquiétudes demeurent. Le démantèlement des milices, l’encasernement des ex-combattants et la sécurisation des opérations de vote par les Forces de Défense et de sécurité, sont de gros chantiers pour parvenir à la paix, légitimer les institutions et rebâtir le pays ravagé par près de deux décennies de conflit.
Désarmement timide
La présence des milices à l’Ouest et à Abidjan, l’encasernement des ex-combattants des Forces armées des Forces nouvelles (Fafn) doivent être appréhendés comme des priorités de fin de crise. Des urgences pour créer un environnement propice à la confrontation et à la compétition politiques et non aux combats de rue. Depuis les Accords de Ouagadougou, les autorités ont tergiversé avec cette question. La surenchère du Front populaire ivoirien, les assurances maintes fois exigées par les ex-rebelles sur ce dossier, ont fini par lasser tout le monde. Désarmement avant ou après les élections ? Pendant longtemps, cette question a fait le buzz de l’actualité politique tout en retardant le processus. Les choses ont évolué depuis quelques semaines. Mais timidement.
La prise de commandement des chefs dans les groupements d’instruction (GI) dans les quatre Gi en zones Centre Nord Ouest a été un tournant important dans le processus Ddr. Mais l’effet est-il réel sur le terrain ?
Récemment, le Premier ministre, Guillaume Soro, a annoncé le paiement à partir de cette semaine des 500.000 Fcfa aux démobilisés et aux volontaires de l’Armée nouvelle. Sur le terrain, les jeunes soldats semblent inquiets quant à leur avenir après le dépôt des armes. Ils ont besoin d’être rassurés sur leur sort. Après huit ans dans les casernes, comment retourner à la maison avec en mains quelques 500.000 F ? Resteront-elles dans les casernes ?
Selon la Primature, Guillaume Soro a réussi à intéresser la hiérarchie et les ex-rebelles pour achever très rapidement l’encasernement des Volontaires à l’armée nouvelle (Van) et la démobilisation des ex-combattants, volontaires à la vie civile. Pour les milices, il faudra beaucoup plus de volonté politique et militaire pour convaincre les « sportifs du dimanche » de rendre les armes. Très actifs dans les communes d’Abidjan et banlieue, ils sont une question délicate pour le chef du processus qui a pourtant promis apporté à ce dossier des réponses appropriées. Il aura fort à faire avec les miliciens de Maho Glofiéhi qui ont triché avec le processus à maintes reprises. Sous les Premiers ministres Seydou Diarra et Charles konan Banny, ils avaient refusé de rendre les armes. Certains se sont dissolus dans le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (Pnrrc), mais un grand nombre de ces groupes d’auto-défense ont rendu les armes sans les rendre véritablement. A Guiglo, sous Banny, des miliciens ont touché de l’argent du filet de sécurité sans déposer leurs « jouets ». Ils ont rendu de vieux treillis, jeté au feu quelques vieilles kalachnikovs hors d’usage devant les caméras et flashs des reporters de la presse nationale et internationale. Des caches d’armes existent toujours à Abidjan et dans l’Ouest du pays. Jean Luc Stalon, le patron de la section démobilisation, désarmement, réinsertion, de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) de l’époque, a dénoncé cette comédie et exigé un autre démantèlement. Le chef des miliciens de Guiglo, Maho Glofiéhi avait été accusé d’avoir inscrit sur la liste des ex-belligérants à démanteler, les membres de sa famille, ses amis au détriment des vrais ex-combattants. Depuis plus rien.
Mercredi, les miliciens ont marché sur la présidence pour réclamer 500.000 Fcfa dans le cadre de leur filet de sécurité, menaçant de bloquer les élections présidentielles. C’est un indicateur pas très rassurant pour le scrutin.
La polémique
En face, la sécurisation des opérations de vote piétine égaelement. Pour le camp présidentiel, le Centre de Commandement intégré se limitera dans ses missions à sécuriser que les zones Centre Nord Ouest. Les Forces nouvelles rejettent une telle approche brandissant les accords de Ouagadougou. Les dispositions III relatives aux Forces de Défenses et de Sécurité de Côte d’Ivoire dans cet accord, a prévu la création d’un «Centre de commandement intégré (qui) aura pour missions essentielles : la contribution à l’élaboration de la politique de défense et de sécurité ; la mise en œuvre du Programme National de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion (PNDDR), sous la supervision des Forces impartiales ; l’opérationnalisation des tâches militaires et de sécurité liées au processus de sortie de crise ;
la sécurisation des audiences foraines, des opérations d’identification, ainsi que la sécurité du processus électoral ;
la mise en place d’unités militaires et paramilitaires mixtes ;
la coordination des mesures visant à garantir la protection et la libre circulation des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national. »
En un mot, la sécurisation des élections est exclusivement l’affaire du Cci. Les forces impartiales Licorne, Onuci) n’interviendront qu’en cas de nécessité.
Les dispositions avaient pourtant été prises pour rendre le Cci. Dans une déclaration radio télévisée en avril 2009, Laurent Gbagbo avait annoncé le déploiement de 8000 agents pour sécuriser l’élection présidentielle. Ce centre est composé à égalité de quota, par les Forces Nouvelles et les FDS. Selon le déploiement de ce dispositif, 3400, puis 600 éléments des FAFN formés en Afrique du Sud seront commis aux tâches de sécurité, aux côtés des FDS. Soit 4000 éléments pour les Fafn, 4000 pour les FDS, pour respecter le principe de la parité. Sur le papier, cette opération est solide. Cependant, à l’épreuve du terrain, le Cci est abandonné au profit du CeCos et de la Compagnie républicaine de sécurité. Le manque de volonté du pouvoir d’Abidjan et les difficultés financières et matérielles ont plombé les 43 brigades dont seulement 23 sont opérationnelles.
Aujourd’hui, le diagnostic est implacable. Le Centre de commandement intégré manque énormément de moyens pour sécuriser la campagne électorale et le vote. C’est une force quasi inexistante, sans moyens. Le ministre de la Défense Amani N’guessan a révélé jeudi 16 septembre, au cours d’une conférence de presse provoquée par l’arrestation par le FBI d’un envoyé du ministre que, les armes saisies par l’Etat américain (4000 pistolets, 50.000 grenades, 200.000 munitions étaient destinées au Centre de commandement intégré. Vrai ou faux ? En tout cas, le Cci n’a jamais été une urgence pour le chef de l’Etat. Laurent Gbagbo tente plutôt de tirer profit de cette faiblesse pour contrôler ou avoir l’œil sur les opérations de vote. Ses fréquents clins d ‘œil à l’armée et à la police le prouvent. Nominations de ses proches, création de compagnies républicaines de sécurité. Sa force de frappe semble plutôt prête pour affronter les défis de la rue de la présidentielle du 31 octobre. Pour garder la main, il a décidé de faire confiance à la garde républicaine dont de nouvelles brigades viennent d’être créées (Bondoukou, Divo, Gagnoa…) dans des régions considérées à risques par le pouvoir. Le Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos), est passé en quelques mois du grand banditisme au maintien d’ordre, avec un renforcement du commandement. Plusieurs responsables de cette unité et de la police nationale ont reçu des promotions dont le général Guai Bi Poin et le commandant Robé pour leur fidélité.
Les rumeurs fréquentes de coups d’Etat, les déclarations menaçantes du chef de l’Etat (« matez tous ceux qui sèment le désordre ») ajoutent au climat surchauffé une dimension presqu’apocalyptique au scrutin.
Pierre-Marie Appiah
Lu dans Nord-Sud
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