Le constat est sans ambages. La pilule très amère à avaler. Ces dernières années, le transport ivoirien a marqué un brusque coup de frein. Raisons et perspectives.
Pour vraiment déceler toutes les petites pannes, avant que l’engrenage ne soit définitivement bloqué, » Le Nouveau Navire « , a fait un large tour d’horizon chez la quasi-totalité des responsables syndicaux et d’autres structures ou organisations en rapport avec cet incontournable secteur économique. Tour à tour, cet hebdomadaire spécialisé dans le traitement des informations économiques, portuaires, aéroportuaires et des transports, a été chez Ladji Coulibaly, du Syndicat des chauffeurs de Taxis de Côte d’Ivoire, Sanogo Vafoumba de la Mutuelle générale des transporteurs de Côte d’Ivoire, Diabagaté Bakary de Unitra-ci, Sylla Abdoulaye de la Fens-ci ; Koné Vaffi du Syndicat national des chauffeurs de transport terrestre de Côte d’Ivoire et président de la confédération des syndicats des conducteurs routiers de l’Afrique de l’ouest, Koné Sorimana du Syntt-ci ; Sanogo Souleymane de la Merci ; Diaby Drissa de l’Adtc-ci et Koné Abdoulaye de la nouvelle génération des transporteurs ivoiriens. Si dans la forme, ces différents responsables ont souvent donné des positions divergentes, dans le fond par contre, ils ont été sur la même longueur d’onde, surtout, lorsqu’il s’est agi des solutions palliatives aux différents maux dont souffre le secteur.
Les causes de la panne générale
« (…) Le secteur a été totalement oublié et négligé par tous les gouvernants qui se sont succédé. Et c’est pourquoi, l’on se retrouve encore dans cet état de délabrement très avancé « , dixit Coulibaly Ladji. Tenant la fronde contre les autorités étatiques, le premier responsable du Sct-ci, assène: » On envoie des ministres au transport qui ne s’y connaissent pas en la matière « . Sylla Abdoulaye de la Fédération nationale des syndicats des chauffeurs de Côte d’Ivoire, lui, pointe un doigt accusateur sur les » France au revoir » qui ont envahi le milieu ces deux dernières décennies. Il pointe également du doigt le refus d’octroi de crédit par les structures de transport. L’un dans l’autre, selon le chef de la Fensc-ci, les chauffeurs ont commencé à manquer d’emploi. Et petit à petit, l’on a commencé, selon lui, à observer la bureaucratisation du secteur. Au passif, il fait peser les conflits qui ont souvent opposé chauffeurs et Fds. Parti de l’ignorance de nombreux acteurs, Sanogo Vafoumba de la Mugetran-ci, accuse formellement la pluralité des organisations professionnelles. Pour lui, celles-ci ne peuvent rien apporter aux transporteurs. » (…) Ce sont de simples jeux de mots créés pour discuter avec l’Etat. Le véritable transporteur en Côte d’Ivoire, reste celui qui est sur le terrain « , note Vafoumba. Sans euphémisme et dans des propos tranchant avec l’amertume, Vaffi Koné martèle : » (…) que cela soit au niveau du transport maritime, aérien, ou terrestre, la Côte d’Ivoire n’est plus une référence » souligne-t-il avec regret, avant de s’indigner : » à ce jour, les flottes maritimes et aériennes ont quasiment disparu « . S’agissant du transport terrestre, le patron de la Cscrao n’est pas non plus tendre. » (…) Notre échappée du peloton sous-régional n’a été qu’un feu de paille. On a très vite été rattrapé, et même dépassé « , fulmine-t-il. En lieu et place des cars climatisés et vidéos à bord, ce sont des massa qui desservent les différentes villes aujourd’hui, et des vieux cars de vingt ans de grandes sociétés de transports comme la Société de transport Inza et Frères (Stif), qui avait plus de 100 cars flambant neufs, et qui n’en revendique que 06 vieux à ce jour, déplore notre interlocuteur. Qui s’attaque avec véhémence au pluralisme syndical et son corollaire de racket en des termes fâcheux. » (…) Le pluralisme syndical tue davantage le secteur, explique Koné Vaffi. Car un seul Gbaka apporte plus de 3500 Fcfa aux syndicats par jour, soit plus du million par an « . Pour M. Vaffi, le constat est triste, la pilule difficile à avaler. Même son de cloche chez Diaby Drissa de l’Adtc-ci, chez qui le thermomètre affiche la même température. Mot pour mot, le premier responsable de l’Adtc-ci a tenu les mêmes propos que son aîné Koné Vaffi, cela comme s’ils s’étaient passés les mots. Pour notre interlocuteur, le constat est réel ; le mal profond.
Mais comment sortir du gouffre ?
De façon unanime, ils tendent tous la main à l’Etat. En tout cas, au dénominateur, chacun réclame l’Etat. Quant au numérateur, chacun essaye de proposer ses solutions. » (…) Après avoir facilité la tâche au niveau des visites techniques, patentes, impôts, vignettes et autres, que l’Etat nous laisse la gestion du transport « , propose Koné Sorimana du Syntt-ci. Par exemple, dit-il, le fonds octroyé aux transporteurs doit être logé dans une banque choisie par les transporteurs eux-mêmes et la manne financière gérée par eux. Quant au haut conseil du patronat, il doit être un cadre de concertation, un espace de partenariat entre les différents syndicats. Propos partagés par Koné Abdoulaye de la Ngti. Pour Sanogo Souleymane de la mutuelle espoir des routiers et conducteurs de Côte d’Ivoire, la référence sous-régionale d’hier, impose une rigueur aujourd’hui : celle de résolument s’acheminer vers le développement. Toute chose qui passe nécessairement pour lui par des sacrifices dont l’obtention et la création de gares modernes à l’image du pays et la disparition des vieux cars d’au moins dix ans de la circulation. Abdoulaye Sylla de la Fensc-ci et Coulibaly Ladji du Sct-ci parient sur une réelle formation à la base, non sans négliger un nouveau recadrage de la lutte syndicale. Réglementation du secteur, assainissement des acteurs du transport routier qui tablent sur le salaire minimum des conducteurs ; l’identification des acteurs… sont entre autres solutions proposées par l’ensemble des intervenants. Diaby Drissa va même jusqu’à demander l’application de l’exemple de la Sotra. Et pour lui, les permis doivent être acquis en fonction des différentes catégories. Il a félicité MM. Jean Kouassi Abonoua de l’Anac et Bakayoko Abdouldramane de l’Oic pour les travaux d’hercule qu’ils abattent en vue de l’essor du transport ivoirien dans sa globalité. Ses derniers remerciements sont allés à l’endroit du Dr Flindé Albert, ministre de tutelle.
Au niveau de la filière du permis de conduire, les acteurs ne sont pas non plus contents. Pas plus tard que la semaine dernière, ils sont montés au créneau pour manifester leur mouvement d’humeur. Koné Tiéhoulé du Synneemae-ci tient la fronde de la grève. A la tutelle, il reproche l’arrêt de l’immatriculation des papiers timbrés vendus par le Trésor public, le non traitement des dossiers d’intégration déjà examinés par la Dgttc et enfin la lenteur dans l’édition des nouveaux permis de conduire. A tout cela, M. Tiéhoulé Koné ajoute les pertes intempestives des dossiers et le fait que selon lui, la Sonatt exige le pré-enregistrement sur toute l’étendue du territoire alors que les unités mobiles sont inexistantes et les auto-écoles de l’intérieur sont livrées à elles-mêmes. Comme revendications donc, le chef du Synneemae-ci demande la célérité dans l’édition du permis de conduire et l’augmentation du nombre de sites d’examens. Dans l’ensemble donc, si le tableau est sombre, de réelles propositions sont faites au successeur de Mabri Toikeusse pour sortir le secteur de sa longue agonie.
Koné Seydou
Le Nouveau Navire
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