Soum St Félix est producteur des médias et a 22 ans de carrière à La Rti. Depuis environ un an, il a été investi Pca de l’Union des professionnels des médias de Côte d’Ivoire pour deux ans. Il a initié, depuis plus de 4 ans, sur Africa internet radiotélévision, un vaste projet dont les conditions d’exécution sont en voie de finalisation. Fidèle à son franc-parler Soum fait le grand déballage sur l’audiovisuel en Côte d’Ivoire.
Il y a eu récemment du bruit à l’Upmci. Que s’est-il passé exactement ?
En fait, ce n’est pas véritablement une brouille. C’est une distraction. Certains confrères ne sont pas sensibles à la rigueur. Ils ne comprennent pas qu’en tant qu’homme de média, notre crédibilité, notre image de marque est notre premier fonds de commerce. Pendant un an, je les ai pratiqués et à un moment donné, il y a certaines habitudes que je déplore. Par exemple, prendre mon nom et téléphoner à une autorité en se faisant passer pour moi. Prendre des rendez-vous individuellement avec elles pour aller les rencontrer sans que cela ne soit décidé de concert avec les autres membres de l’association, ce ne sont pas des pratiques que je cautionne. Encore moins, utiliser par devers soi les enveloppes qui sont mises à la disposition de l’association. J’ai trouvé que c’était un sabotage organisé et j’ai tapé sur la table pour dire qu’il n’est plus question que ce genre de pratiques ait cours. Le bureau exécutif mérite d’être reconstitué. Il n’a jamais fonctionné, le comité de contrôle et de suivi n’a pas fait une seule réunion. Une organisation que je dirige, j’ai le devoir de la crédibiliser et j’accepte que le linge sale se lave en famille. Nous avons fait une petite réunion d’information et de réconciliation au cours de laquelle ces détracteurs ont refusé de s’exprimer.
Que vous est-il reproché au juste ?
En réalité, c’est ma rigueur qui m’est reprochée parce que je ne vois pas en quoi deux ou trois personnes peuvent décider de l’avenir d’une association qui, à son congrès d’investiture, a réuni 400 personnes dont des professionnels. Je pense que Rash N’Guessan a ses habitudes-là, il l’a fait à l’Ajosci, à la fédération de boxe, à TVCI… L’habitude étant une seconde nature, il a donc eu l’impression qu’il était dans le même type d’environnement et qu’il voulait s’asseoir comme d’habitude. Ceux qui m’ont fait confiance peuvent être rassurés. L’organisation continuera d’exister et de s’améliorer avec la contribution indispensable de tous. De toutes les manières, depuis un an, ils étaient presque tous des abonnés absents. Le minimum dans une association, c’est l’esprit collectif, le bénévolat, l’engagement, l’investissement de soi. Aujourd’hui, face à cette rigueur que je veux imposer dans leurs habitudes professionnelles et associatives, ils ont entrepris, d’après eux, de me démettre. Il n’existe pas de cas de figure dans nos textes, surtout que pour le faire, il faut que le comité de suivi et de contrôle ait été constitué et ait eu une activité régulière. Ce comité qui n’existe que de nom dans le statut, n’a jamais fonctionné mais nous, on ne les a pas démis. Parce que l’esprit associatif demande la tolérance. Aujourd’hui, les textes statutaires nous obligent à aller à l’Assemblée générale ordinaire (Ago) au plus tard le 15 octobre. J’ai demandé à toutes les sections de s’organiser à mobiliser afin que nous allions à Bouaflé le samedi 16 octobre 2010. Nous voulons le faire à Bouaflé pour permettre à tous ceux qui ont entendu parler de cette organisation, membres, sympathisants, nouveaux membres d’ouvrir une section dans les différentes localités parce que cette association a une couverture nationale. On va très vite lancer le site web (Internet) pour permettre aux gens de s’inscrire ou de le faire sur notre adresse face-book ou sur l’adresse email provisoire qui est upmcicotedivoire@voilà.fr
Qui peut être membre de l’union ?
L’Upmci s’est voulue une organisation large. Nous prenons en compte tous ceux qui sont des professionnels en exercice dans tous les secteurs de média. On a dénombré, lors de notre installation, 55 corps de métier. En spécifiant, cela part du correcteur au photographe en passant par l’infographiste, le journaliste, les maquilleuses etc. Cela, parce que c’est une solidarité agissante que nous voulons promouvoir. Même le personnel administratif est pris en compte.
On ne vous voit plus à la Rti, que s’est-il réellement passé ?
Je suis parti de l’antenne pour des raisons de maladie. Je suis tombé malade le 12 janvier 2010. J’ai travaillé durant trois ans sur l’émission ‘’Matin Bonheur’’, je pense que j’ai épuisé mes forces puisque c’est une émission matinale qu’il fallait en plus préparer. Vous partez de là à 19H pour revenir à 5H du matin. On avait des invités qu’il fallait rencontrer pour préparer l’émission. Je pense qu’on a donné le maximum de nous. J’ai dû partir me soigner et quand j’étais prêt à revenir, il était question des émissions de vacances. Donc, je ne pouvais pas vraiment arriver avec une nouvelle émission, parce que c’était mon esprit. J’étais tombé d’accord avec les directeurs et le chef du département de la production. Ensuite, on doit rentrer dans une nouvelle grille et a il y ales élections. Donc, c’est ce qui explique mon absence à l’antenne. Je ne fais pas l’objet d’une suspension.
Comment va s’appeler la nouvelle émission ?
La nouvelle émission va être une émission qui mettra en exergue les professionnels des médias. On va leur donner l’opportunité de s’exprimer. Les deux noms provisoires de l’émission sont ‘’Avant Première’’ et ‘’Mosaïques’’. On va tenter de parler de beaucoup d’exclusivités dans cette émission, des reportages assez spéciaux, le public appréciera. On va également tenter avec les confrères de média people mag d’annoncer exclusivement les nouvelles tendances culturelles et sociales. Ce sera la petite contribution de ceux qui viendront sur le plateau. Disons que c’est pour logotyper cette émission et la caractériser.
Des rumeurs ont fait cas de ce que vous avez été interdit d’antenne.
C’est archi faux. Je n’ai jamais été interdit d’antenne. D’ailleurs, j’ai de très bons rapports avec le Directeur Général, avec ses collaborateurs, avec le directeur de la chaîne qui, par concours de circonstance, était mon voisin d’en face lors de ma convalescence. Il m’a abondamment visité, régulièrement encouragé. Et son expérience de guérison m’a beaucoup servi. J’insiste, je n’ai aucun problème relationnel avec mes responsables de la Rti. Mais, je voudrais dire que ce n’est pas parce qu’on veut être en honnête sainteté avec ses responsables qu’à l’occasion de situation où vous voulez exprimer votre point de vue, que vous ne le ferez pas. Je le dis pour que dans le métier que nous exerçons, nous puissions être des personnes libres en termes d’expression. Parce que si nous avons besoin de la liberté d’expression pour exercer, nous devions être au moins, les premiers à utiliser cette liberté d’expression qui vient pour démontrer la diversité des points de vue. On ne peut pas exiger qu’il y ait des partis politiques, une floraison de journaux pour la population et nous-mêmes, quand nous avons affaire à notre responsable, nous ne puissions nous exprimer librement. Je pense que ce serait la pire des hypocrisies. Et donc, il peut m’arriver de dire des choses qui pourraient donner l’impression que j’ai des problèmes avec mes patrons. Mais ce n’est pas le cas.
Quel jugement portez-vous à la prestation de la Rti. Puisque par moment, les mêmes émissions sont diffusées sur les deux chaînes, qu’en dites-vous ? En plus, nous sommes en période électorale et on a l’impression qu’un seul parti s’est accaparé la télévision.
Je voudrais dire que parfois, j’ai l’impression que les téléspectateurs, à tort ou à raison, sont un peu durs avec la Rti. Elle est un média d’Etat, de service public. Elle a un cahier de charges et un certain nombre d’obligations vis-à-vis de l’Etat, quel que soit le régime en place. La Rti, et très souvent faisant le rôle qui lui est dévolu par son cahier de charges, causerait problème. Donc, il faut repenser ce qui doit être l’attitude de la Rti. C’est-à-dire que tant que le cahier de charges de la Rti n’est pas revu et corrigé en fonction des nouvelles attentes du public, elle pourrait donner le sentiment au public de ne pas être parfaitement en phase avec elle. Mais, c’est l’obligation de la Rti de couvrir les activités du chef de l’Etat. C’est également son obligation de faire en sorte que toutes les langues de la Côte d’Ivoire soient diffusées et que ces langues-là puissent véhiculer des informations institutionnelles et officielles. Si on critique la Rti sur le fait qu’elle ne fait pas son devoir, je le comprendrais. Mais, elle fait son devoir. Maintenant, son devoir, semble-t-il, selon certaines critiques, ne rencontrerait pas l’adhésion du public. C’est un débat qui n’a jamais été ouvert en réalité et c’est souvent des affirmations presqu’empiriques. Le dernier sondage démontre que les téléspectateurs ivoiriens sont satisfaits de la Rti à plus de 61%. C’est énorme. Mais l’autre aspect qui dessert aussi la Rti, c’est sa situation de monopole. Parce que le monopole appelle un certain contentement, un certain laxisme. Il n’y a pas de concurrence, donc forcément il n’y a pas de pression sur les journalistes et les agents. Les premiers journalistes sont là et la conférence de rédaction commence à 9H. Entre 5H et 9H, le monde a changé. C’est ce qu’on dénonce. Mais cette heure de conférence de rédaction elle date de Mathusalem. Le monde a évolué et donc la première conférence de la Rti devrait avoir lieu à 6H, pourquoi pas. Parce que la radio et la télévision fonctionnent désormais 24h sur 24. La télévision ne commence plus à midi comme à l’époque. Il y a ces modifications à apporter.
Donc, il faut repenser la Rti ?
Pour moi, il faut toujours la repenser. Le cahier de charges doit être revu, corrigé et réadapté aux exigences actuelles. Moi, je trouve scandaleux qu’il n’y ait pas un bureau Rti à Yamoussoukro, la capitale politique. Je ne trouve pas convenable qu’il n’y ait pas un bureau Rti dans les grandes villes où on peut, de Korhogo, pour y passer une annonce directement au lieu de parcourir près de 800 Km pour venir à Abidjan. Le site internet de la Rti doit être abondamment vulgarisé. Quand on dit ça, les gens ont l’impression que vous êtes en train de mettre du sable dans l’attiéké d’un responsable. Non, la Rti est un outil national, un outil de l’Etat de Côte d’Ivoire qui a besoin d’être plus performante qu’il ne l’est dans l’intérêt des travailleurs et surtout des téléspectateurs et des auditeurs qui sont de plus en plus nombreux. Aujourd’hui, la Rti est suivie dans le monde entier, donc il faut la revaloriser. Notre absence de représentation constitue un problème en termes de FCFA. Même si on n’a pas le matériel pour le faire, la présence physique d’un bureau à San Pedro s’impose, puisque c’est le premier port d’exportation de cacao au monde entier. Comment voulez-vous qu’on puisse exploiter cet espace économique au plan commercial, financier si on est absent sur le site. Il y avait la station régionale de Bouaké, mais ça date de quand ? Et si on a pu le faire à Bouaké, pourquoi ne peut-on pas étendre la Rti dans son exercice? Voici des propositions que nous faisons à partir de l’Union des professionnels des médias. Quand vous dites cela, on vient vous mettre les bâtons dans les roues pour dire : comme il est le président de l’union, il utilise cette casquette pour le dire. Non ! Que je le sois ou pas, je suis un homme de média qui a la latitude de faire des propositions aux responsables de ce pays et aux responsables de l’organe qui m’emploie. Je suis une ressource humaine.
Il parait que les employés de la RTI se « gbassent » entre eux pour des postes juteux.
Tout cela est lié au fait qu’en Afrique francophone, il est récurrent que certaines personnes occupent des postes sans en réunir les compétences indispensables. Ce qui les conduit donc à mettre en pratique ce genre de choses déplorables qui ont souvent endeuillé l’Afrique. Je souhaite simplement que ceux qui n’ont pas le bagage intellectuel ou professionnel nécessaire se réfèrent à des séminaires de recyclage et qu’ils lisent les ouvrages qui leur permettent d’améliorer leur qualité de prestation, au lieu d’avoir recours à des marabouts, féticheurs ou diseurs de bonne aventure. Il en existe certainement mais, je n’en ai pas été victime, moi. Sinon, la véritable protection, c’est celle de Dieu.
D’où vous est venue l’idée de création de Airtv ?
Airtv, c’est toute l’expérience de ma vie professionnelle. Je pense que tout professionnel, après avoir été formé, après avoir fait ses preuves dans une carrière, devrait au moins pouvoir faire une projection. Pourquoi ne pas laisser un outil à ses enfants pour qu’ils ne connaissent pas la misère ? C’est un outil qui résulte de nos réflexions, parce que nous nous sommes dit, l’Afrique mérite de parler à partir de son continent, mérite de présenter ses valeurs, ses intellectuels. Nous nous sommes dit que l’Afrique mérite d’avoir un tel instrument. Au niveau des Etats, il y a une problématique en la matière, nous savons qu’au niveau de notre pays, il y a aussi un positionnement, je peux dire géostratégique. Nous sommes sensés être un pays fort.
Partant de là, peut-on dire que l’audiovisuel est libéralisé en Côte d’Ivoire ?
Libéralisé, non pas pour l’instant. Et pourtant, la Côte d’Ivoire a été pionnière en 1963 sous le président Houphouët. On avait les premières images de télévision et quand le président Houphouët avait opté pour cet outil, la plupart de ses pairs considéraient la télévision comme un luxe qui n’était pas nécessaire pour la Côte d’Ivoire. J’ai étudié au Togo qui a eu sa première télévision 4 ou 5 ans après la Côte d’Ivoire et je pense que ça remonte à 1977. J’ai étudié avec des confrères camerounais, Amougou Saint Lazare, paix à son âme. Au moment où il me parlait, il n’avait pas de télévision. Et nous étions en 1984 ou 1985. Mais, aujourd’hui, le Cameroun a pris Vox-africa qui est une chaîne panafricaine et il abrite une dizaine de chaînes. Alors, comment comprendre que le pays qui est pionnier en la matière, fait office aujourd’hui de dernier de classe ? Voulez-vous que les Ivoiriens acceptent ça aussi ? Non ! Il faut parler de libéralisation et c’est ce que j’ai commencé. Maintenant, ça peut déranger. Que l’Etat libéralise tous les secteurs. La libéralisation est un choix, donc je ne dis rien de nouveau. Je demande seulement que ce qui existe ailleurs soit appliqué pour qu’il y ait plus de postes et plus d’argent pour ceux qui travaillent dans ce secteur des médias. Il faut une concurrence qui apporte l’égalité de prestation. Comment voulez-vous comprendre qu’on ait cinq maisons de téléphonie mobile et qu’on ait une seule télévision ?
En tant que citoyen de ce pays, que pensez-vous des trois grands candidats à la Présidentielle?
C’est un avis personnel. Moi je ne parle pas avec la langue de bois avec tout ce que cela pourrait engendrer. Je pense que tous, peuvent contribuer et doivent contribuer à l’émergence d’une nouvelle Côte d’Ivoire plus compétitive. Quel que soit le résultat des élections, les perdants doivent comprendre. Tous ceux qui sont candidats et même ceux qui ne le sont pas doivent accepter le verdict des urnes et accompagner l’action. Il faut qu’on abandonne cet africanisme qui consiste à dire, ‘’comme ce n’est pas mon parti qui est au pouvoir, je sabote’’. Mais tu sabotes quoi ? C’est ton propre pays que tu sabotes. Donc, je pense qu’il faut aller au-delà. Mais en même temps, je demande à l‘Etat de légiférer pour que le fait d’être dans l’opposition ne soit pas synonyme de misère. Parce que si vous mettez vos opposants dans la misère, forcément, ils vont chercher à vous mettre les bâtons dans les roues.
Que voulez-vous dire concrètement?
Je veux dire que le fait d’être un opposant ne doit pas être une raison pour qu’on te chasse de ton poste de travail, ou qu’on te coupe ton salaire quand on veut. Ce n’est pas parce que tu as des idées différentes de celles du régime en place que ta vie doit être une vie de misère. On exacerbe forcément les tensions. Je pense que la notion de démocratie doit être bien claire dans la tête des politiques. L’opposant N°1 en Angleterre a des privilèges qui sont déjà inscrits dans la constitution. Il est également inscrit que lorsqu’un individu est président de parti, il a droit à une voiture, à un siège, à un cabinet. C’est comme ça qu’il faut faire. Ce n’est pas au parti même de financer, c’est à l’Etat d’accompagner le principe de la démocratie. Ce que je dis est valable pour tous les partis politiques. Même Adama Dahico qui n’a pas une formation politique. Mais le fait qu’il soit retenu par la commission électorale indépendante. On doit lui donner la capacité d’exercer son positionnement politique.
Soum est né d’un père musulman?
Mon père a été enterré selon le rite catholique. Il a été, très tôt, chrétien. Et pour ne pas constituer une entrave aux aspirations spirituelles et religieuses de ses frères, il a passé tout son temps à leur donner le sentiment qu’il était musulman. Mais en réalité, quand j’ai accepté Christ, cela a été comme une bouffée d’oxygène pour mon père. Dans ma famille, nous avons globalement beaucoup de musulmans. En réalité, les chrétiens et les musulmans sont les descendants d’Abraham, donc s’il y a des gens qui devraient s’entendre au plan spirituel, c’est d’abord eux. Les musulmans descendent de Ismaël et les chrétiens de Isaac.
Réalisée par Nathalie Kassi et Guy Tressia
Le Mandat
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