Côte d’Ivoire: Le marché de Cocody vit grâce au microcrédit

—FERRARI/NECO/SIPA

20minutes.fr

Elles ont affronté la guerre, les banques et les financiers européens. Les femmes de la coopérative Cocovico (Coopérative des commerçantes du vivrier de Cocody) sont devenues un exemple dans leur pays, la Côte d’Ivoire, et dans toute l’Afrique de l’Ouest. Depuis 2008, le marché de Cocody fonctionne grâce à leur énergie et au microcrédit: les 180 membres de la coopérative ont pu sortir de la pauvreté grâce au financement accordé par une organisation de microfinance néerlandaise.

Prêter à des femmes sans éducation et sans garantie
Chassées des rues où elles vendaient leurs produits par la mairie d’Abidjan, pour «faire un truc propre dans un quartier où résident les grands cadres de Côte d’Ivoire», Rosalie Botti et six autres femmes ont décidé de chercher des financements pour construire un marché en dur. Elles ont alors frappé aux portes du gouvernement, des banques locales, des organisations internationales de développement et même de la Banque mondiale. Mais qui prêterait de l’argent à des femmes non éduquées et ne pouvant apporter aucune garantie?

C’est grâce à Oikocredit, une organisation de microfinance, que le projet a pu voir le jour. La coopérative a obtenu l’accord pour un prêt… quatre jours avant le début de la guerre civile, en 2002. «Il y a la guerre, c’est vrai, mais la population mange», a dû alors plaidé Rosalie Botti auprès des représentants de Oikocredit. Sa détermination lui a permis d’obtenir un premier financement d’un million d’euros. Plus vraiment un microcrédit à ce niveau-là, si ce n’est le taux d’intérêt: 9% pour la partie en euros, 12% pour la partie en francs CFA.

Centre de santé, crèche et dortoir pour améliorer la vie des femmes
Sur le marché de Cocovico, ce sont aujourd’hui «730 étals, 210 magasins, 80 boxes, des espaces poulet, bœuf, poisson, parfumerie, habits de seconde main,…» qui réunissent chaque jour jusqu’à 5.000 commerçants et 10.000 clients. Un centre de santé, où sont pratiqués des tests de dépistage du Sida et des vaccinations, une crèche et un dortoir pour éviter aux femmes de rentrer seules la nuit chez elles, complètent l’installation.

Mère de six enfants, uniquement titulaire du certificat d’études primaires, Rosalie Botti se dit «la plus heureuse» car les femmes de la coopérative peuvent envoyer leurs enfants à l’école et nourrir leur famille. «Aujourd’hui, chez nous, tout le monde veut avoir son marché», témoigne Mamadou Touré, ancien directeur d’Oikocredit en Côte d’Ivoire.

Le microcrédit reste cher pour des effets limités
Si le microcrédit permet à de nombreuses personnes dans les pays en développement de créer leur entreprise, il reste toutefois cher: deux ans après l’ouverture du marché de Cocody, ce sont encore 60% des bénéfices de la coopérative qui sont affectés au remboursement du crédit, étalé sur dix ans.

Bien développé en Asie depuis la création de la Grameen Bank en 1976, le microcrédit commence à montrer ses premiers effets. Et à s’attirer les premières critiques: une étude menée aux Philippines et en Inde a montré que dix-huit mois après l’obtention d’un micro-crédit, les bénéficiaires ont pu faire des achats importants pour leur activité ou leur ménage, mais leur vie ne s’est pas profondément transformée: santé, scolarisation, indépendance des femmes n’ont pas réellement été améliorées. L’économiste Esther Duflo, professeur au MIT (Massachussets Institute of Technology) et cofondatrice d’une chaire dédiée à la réduction de la pauvreté et au développement, rappelle que «le développement d’un vrai secteur salarial doit rester une priorité pour une politique économique dans les pays pauvres».

—Audrey Chauvet

Commentaires Facebook