La précampagne prend fin dans trois jours pour faire place au dernier virage qui conduira les candidats devant le tribunal populaire le 31 octobre. A deux pas de cette échéance on ne peut plus capitale pour la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens, les signes sont plutôt prémonitoires pour le régime FPI qui joue désormais le baroud d’honneur.
En celte période de pré-campagne, il faut avoir l’honnêteté et le courage de le reconnaître, Laurent Gbagbo et sa refondation sont mal en point. Malgré la prise en otage des médias d’Etat, principalement la télé, les réalités du terrain sont loin de rassurer le clan présidentiel. Récemment, un nomade politique ressortissant de l’Ouest, à la solde du FPI, a laconiquement traduit le sentiment de doute qui prévaut depuis un moment dans leur mouvance. « Mon frère, cette histoire-là commence à nous inquiéter. Si on n’emploie pas la force, ce n’est pas trop sûr qu’on passe…», avait-il confié lors d’un échange banal avec un de ses amis du même bord. Plus qu’un simple doute isolé, c’est un vrai état d’âme qui prend sa source dans des faits majeurs.
D’abord, sociologiquement:
Les élections, comme c’est le cas partout dans le monde, se gagnent sur la base des bastions. La différence entre les grandes démocraties occidentales et la réalité tropicale est que les choix sont plus par tribalisme que par conviction. La Côte d’Ivoire qui est encore loin d’échapper à cette situation va à la présidentielle avec des assises régionalistes. Ainsi, le FPI, quoiqu’il advienne, reste enraciné sous le fromager d’où est originaire Laurent Gbagbo, son candidat. Les autres partis s’y rendront au nom du pluralisme et de la démocratie pour entretenir les quelques militants acquis à leur cause. Dans le grand Nord, Alassane Ouattara et le RDR ont tissé une toile si épaisse que tout adversaire qui tente de la transpercer de force se casse le nez. Le chef de l’Etat, malgré toute la machine financière et militaire dont il dispose, vient d’essuyer un sérieux revers à Korhogo face à ADO. En voulant se mesurer, le même jour, au brave-tchê dans la cité du Poro, le candidat du FPI en a eu pour son audace. Idem dans le V Baoulé et l’Est où Henri Konan Bédié et le PDCI sont assurés de faire de très bonnes recettes. C’est désespérément que Gbagbo se plastifie de l’image d’Houphouët pour s’attirer la sympathie de ce grand groupe qui a la particularité de rester digne face à l’argent. Les gradins presque vides du dernier passage du chef de l’Etat à Bouaké ne rassurent point le clan présidentiel. A l’Ouest, c’est l’UDPCI et le Dr Albert Toikeusse Mabri qui dictent leur loi à quiconque veut s’y enraciner. Reste le Sud, le melting-pot qui renferme, outre les autochtones historiquement rattachés au PDCI, les populations venues de toutes les régions de la Côte d’Ivoire. Mais, même dans la capitale, les parkings semblent bien partagés. A Yop, par exemple, le FPI est solidement implanté quand la plupart des autres communes sont généralement sous la coupole du PDCI et du RDR. Cela s’explique simplement par le fait que chaque grand quartier d’Abidjan abrite toujours une majorité ethnique ou régionale. Vous trouverez par exemple beaucoup de Bété (ethnie du chef de l’Etat) à Yopougon et à Abobo, une population à 60% nordique, donc favorable à ADO. A Koumassi, les Baoulé et les Agni, proches de Bédié, dominent les autres ethnies. En Côte d’Ivoire, et c’est un secret de polichinelle, les Malinké et les Akan sont non seulement les plus nombreux mais restent soudés et solidaires grâce à leur culture, leur religion islamique et leurs activités économiques. Si les Akan sont inséparables de par le lien des royautés, les Malinké, eux, restent difficiles à fissurer grâce à la religion mais aussi à leurs activités économiques dont le commerce et le transport qui les maintiennent en contact quotidiennement. A l’Ouest aujourd’hui, le FPI ne peut espérer faire une bonne moisson face à l’UDPCI d’autant que la douleur de la mort du Général Robert Guéi et les blessures des bombardements restent vivaces dans les esprits.
La mal gouvernance
Admettons un seul instant que ces pesanteurs sociologiques s’estompent, par miracle, avant le 31 octobre. Quels arguments pourraient véritablement militer en faveur de la refondation pour que les Ivoiriens lui confient leur avenir ? Rien, absolument rien! Au contraire, la majorité silencieuse composée des militants de l’opposition et des déçus du FPI attend cette date pour sanctionner ce régime qui n’a semé que désolation, misère et mort dans le pays. Point n’est besoin de rappeler les détails de l’incapacité notoire du FPI à gérer un pays. Le seul fait de n’avoir pas pu empêcher la guerre de survenir, alors que les signaux étaient perceptibles selon les déclarations des tenants du pouvoir, est déjà un échec lamentable. Finalement, on se rend compte que cette crise à été favorisée par le FPI pour d’abord éliminer tous les adversaires politiques mais aussi et surtout piller les richesses du pays sans retenue. « On bouffe depuis 2002 », a avoué récemment Aboudrahamane Sangaré, une des figures de proue de la refondation. Les marrées humaines aux différentes sorties de Gbagbo, exhibées pompeusement à la télé à longueur de journées, ne sont pas nouvelles. La méthode est simple. On importe du bétail électoral puisque le transport est assuré par les caisses de l’Etat. A la vérité, le FPI ne fait plus rêver. La déception est d’autant profonde que les multiples promesses sont restées lettres mortes. Pire, ce régime a mis à mal ce que le PDCI a construit avec les efforts des Ivoiriens. Comme l’a déclaré Hamed Bakayoko, il y a quelques jours, « Il faut être vraiment maso pour voter Gbagbo ».
La violence, une aventure regrettable
Face à la razzia du RHDP, il ne restera plus que la violence au FPI pour tenter de se maintenir au pouvoir. Dans coulisses du ministère de l’intérieur, il se murmure que D ésiré Tagro est au labo pour accoucher d’une stratégie de chaos pouvant donner des arguments à Gbagbo de se saisir de certaines dispositions de la constitution afin d’annuler le processus et museler l’opposition. Les consignes claires du ministre aux Préfets, leur demandant de ne pas donner dans la tergiversation et les atermoiements en disent long sur le brigandage électoral en préparation. Bien avant la curieuse rencontre Tagro-corps préfectorale, Sokoury Bohui, Monsieur élection du FPI, avait dit, à propos des gens qui n’ont pu être éjectés de la liste électorale définitive, faute de preuve, que « de toutes les façons, ils ne voteront pas ». Comment compte-t-il s’y prendre pour des citoyens qui figurent sur la liste et qui ont toutes leurs pièces exigées à cet effet ne puissent pas voter si ce n’est par la violence ? La sagesse recommande que les partisans d’une aventure se ressaisissent au plus vite car cette présidentielle n’est pas celle de 2000 où il n’y avait vraiment rien en face. Cette fois, il y a bien Bédié, Alassane et Mabri. Et tout monde connait la ferveur et l’engagement de leurs militants sur le terrain. De plus, ce serait totalement naïf de croire que cette méthode, si elle est adoptée, pourrait prospérer dans les zones CNO.
La CEI et l’ONU
En réclamant corps et âme une commission électorale indépendante et le bulletin unique à l’époque, Gbagbo ne savait pas qu’un jour, il serait confronté aux exigences démocratiques de ces dispositions. Maintenant que son propre vin est tiré, il doit le boire. Peut-être jusqu’à la lie. Il n’a plus aucune marge de manœuvre. Son parti étant d’ailleurs minoritaire à la CEI, il ne doit s’en prendre qu’à lui-même. De plus, cette élection sera surveillée comme du lait sur le feu et certifiée par l’ONU. Tout acte visant à la saboter se retournera forcément contre son auteur.
Le baroud d’honneur
La refondation est en mauvaise posture et on n’a pas besoin d’être un politologue ou un devin pour le savoir. Les sondages sont justes des caresses, histoire de l’encourager à aller sur l’autel de sa chute. Le sachant, il s’est lancé dans ce qu’il est convenu d’appeler baroud d’honneur. La refondation ne veut pas s’éteindre dans l’indifférence, dans le silence. Tout le honteux tapage médiatique auquel l’on assiste depuis quelques jours est simplement annonciateur de la mauvaise fin du western ivoirien dont Gbagbo est le chef bandit.
Mass Domi
massoueudomi@yahoo.fr
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