Francophonie: « On ne peut pas assurer le développement d’une culture dans un contexte de guerre »

(Montreux Jazz Festival © Lionel Flusin)

L’action de la Francophonie au Togo et dans la sous-région prend différents visages, avec une préoccupation centrale: l’apaisement politique, comme l’affirme Etienne Alingué, qui vient de quitter la direction du Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest (BRAO) de l’OIF.

Rencontré à Lomé début octobre, Etienne Alingué a quitté sa charge au Togo à la rentrée pour rejoindre Paris, où il est maintenant responsable de la Direction du développement durable et de la solidarité au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

swissinfo.ch: Qu’est-ce que l’OIF peut amener à un pays comme le Togo, que vous jugez en transition vers la démocratie?
Etienne Alingué: L’OIF a toujours été présente aux cotés du Togo lorsque le pays a connu sa crise politique dans les années quatre-vingt-dix. Ce qui est important, c’est d’assurer, à côté des autres coopérations, les besoins essentiels de démocratisation du pays.

Plus concrètement, on a contribué à l’apaisement de la vie politique au Togo. On a aussi appuyé toutes les institutions qui se chargent du processus électoral – la cour constitutionnelle, la commission électorale nationale indépendante, la haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, la commission nationale des droits de l’homme.

On a travaillé aussi avec les médias, les jeunes, les femmes afin que le climat politique soit aussi apaisé que possible pour que ces étapes électorales importantes, où des choix importants se font, se passent au mieux.

swissinfo.ch: Mais est-ce vraiment le rôle de la Francophonie d’intervenir sur le champ politique, déjà occupé par quantité d’acteurs internationaux?
E.A.: C’est d’abord une décision qui a été prise par les chefs d’Etat et de gouvernement. Mais elle part d’une approche réaliste: le monde bouge, les questions d’ordre culturel, technique, etc, ne peuvent être traitées que par des solutions politiques.

Ne serait-ce que pour mettre en œuvre notre coopération technique, nous avons besoin d’un environnement politique stable. On ne peut pas, par exemple, assurer le développement d’une culture dans un contexte de guerre. Forcément, on est donc obligé d’intervenir en amont également.

Un certain nombre de pays de la Francophonie connaissent des difficultés d’ordre politique. Ils pensent que grâce à la Francophonie, par son approche faite de fermeté mais qui privilégie l’écoute, des dialogues peuvent aider à apaiser la situation et à sortir des situations de crise.

swissinfo.ch: En quoi le Togo est-il exemplaire de l’action de l’OIF?
E.A.: Le Togo est un membre ancien de la Francophonie. Il est exemplaire dans la mesure où les deux angles de l’action francophone s’y développent, dans le politique mais sous l’angle de la coopération également, dans les secteurs de l’éducation, de la culture, de l’économie, des médias.

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Etienne Alingué, de l'OIF (swissinfo)

swissinfo.ch: Pourquoi l’OIF intervient-t-elle dans un pays comme le Togo?
E.A.: Parce que le pays le demande. On ne s’impose pas dans un pays. Dans le cadre du dialogue avec les pays membres, ils expriment leurs besoins, et au regard de notre programmation, on peut apporter des réponses à leur demandes.

swissinfo.ch: Avec quoi intervenez-vous, de l’argent?
E.A.: Naturellement, il faut financer les actions. Mais ce n’est pas notre positionnement premier. On accompagne les pays par rapport à leurs demandes. On peut par exemple aider un pays à formuler et à mettre en œuvre sa politique éducative ou en matière culturelle. La Francophonie n’est pas un bailleur de fonds à proprement parler. Elle facilite les démarches, surtout celles porteuses de progrès.

swissinfo.ch: Vous avez dirigé le Bureau régional de l’Afrique de l’Ouest durant plus de six ans. Quelle est la principale difficulté rencontrée sur le terrain?
E.A.: Celle de ne pas avoir pu faire plus. Les pays de l’espace ouest-africain francophone sont nombreux – douze -, de niveaux très variés avec des besoins très variés. La faiblesse de nos moyens ne permet pas de satisfaire au mieux la plupart de ces besoins. Mais dans cette limite, nous avons fait ce qu’il fallait pour satisfaire ces pays.

swissinfo.ch: L’Afrique de l’Ouest et le Togo, sur quel chemin sont-ils aujourd’hui?
E.A.: Sur un plan général, l’Afrique de l’Ouest est un espace très contrasté. Les évolutions et les dynamiques diffèrent. Mais il faut mettre en avant les efforts en faveur de l’apaisement politique, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire ou au Niger. La paix et la stabilité politique par la voie démocratique sont une vraie priorité.

Il faut en outre relever un atout ici: les efforts en faveur de l’intégration régionale, sous l’égide d’institutions comme la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) avec lesquelles nous travaillons de manière très régulière.

Ces efforts d’intégration vont permettre l’émergence d’une Afrique de l’Ouest plus solidaire et qui pourrait mieux faire face aux différents défis mondiaux et internationaux actuels. Qu’il s’agisse de la paix, du changement climatique, des questions d’insécurité alimentaire, de l’enjeu des infrastructures routières, éducationnelles, sanitaires, etc.

Pierre-Francois Besson, swissinfo.ch
De retour du Togo

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