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Cela a été dit et redit à plusieurs reprises, Bernard Kouchner est sur le départ. Dans une lettre de démission remise fin août au chef de l’Etat, révélée fin septembre par RTL et dont Le Nouvel Observateur détaille le contenu, le ministre des Affaires étrangères fait notamment état des « humiliations » qu’il subirait de la part des conseillers de Nicolas Sarkozy. Dans un communiqué diffusé mercredi soir, il réaffirme sa loyauté envers le chef de l’Etat, sans toutefois démentir l’existence de cette lettre.
Les malheurs de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, nouvel épisode. Après RTL fin septembre, c’est Le Nouvel Observateur qui fait état d’une lettre manuscrite datée du 25 août dans laquelle le ministre des Affaires étrangères donnerait sa démission à Nicolas Sarkozy. A l’époque, Bernard Kouchner avait démenti, via un communiqué, les propos qui lui étaient prêtés par la radio, sans toutefois démentir l’existence de cette lettre.
Le Nouvel Observateur donne davantage de détails. Selon l’hebdomadaire, le ministre des Affaires étrangères se plaint, dans ce courrier, de subir des « humiliations » de la part des conseillers du président de la République. Il y évoque aussi « l’inflexion sécuritaire » du gouvernement et prend acte de « la fin de l’ouverture » à gauche opérée par Nicolas Sarkozy depuis son arrivée au pouvoir en 2007.
L’Elysée n’a pas commenté ces informations. Mais dans un communiqué diffusé mercredi soir, Bernard Kouchner réaffirme sa loyauté envers le chef de l’Etat. « Ayant pris connaissance d’informations de presse concernant mes relations avec l’Elysée, je souhaite réaffirmer que mes rapports avec le chef de l’Etat ont toujours été empreints de loyauté et de sincérité », écrit-il, assurant être toujours « pleinement engagé dans la mise en oeuvre de la politique étrangère de la France ». Le locataire du Quai d’Orsay ne dément pas, toutefois, l’existence de cette lettre.
Un ministre bavard…
Car selon Le Nouvel Observateur, pour Bernard Kouchner, la « barque est pleine ». A tel point que le ministre pourrait quitter son ministère avant même le remaniement. « Dans sa missive, Bernard Kouchner assure qu’il sera libre dès que sa dernière réforme au Quai d’Orsay, la création de l’Agence culturelle extérieure, sera achevée, c’est-à-dire dans quelques jours », écrit ainsi le magazine. Dès les premières expulsions de Roms cet été, Bernard Kouchner aurait en fait dit son trouble et sa volonté de quitter le gouvernement au chef de l’Etat. Interrogé sur RTL fin août, il reconnaît d’ailleurs avoir songé à démissionner, mais ajoute toutefois, pour justifier le fait qu’il ne l’ait pas fait: « S’en aller, c’est déserter. » A l’époque, Nicolas Sarkozy lui aurait proposé une sortie discrète: le poste de « défenseur des droits », qui doit remplacer celui de médiateur de la République. Dans cette lettre, le ministre écrit, toujours selon Le Nouvel Observateur, qu’il réfléchit à cette proposition.
Et l’hebdomadaire de revenir sur les trois années passées par Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, évoquant notamment les brouilles qui l’ont opposé au chef de l’Etat. Quand il fait savoir au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qu’il est intéressé par le poste de représentant des Nations unies en Afghanistan, Nicolas Sarkozy voit rouge. Quand il fait état, devant des journalistes, des « annexes secrètes » que comporterait le rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le nucléaire iranien, les conséquences sont lourdes. « A l’Elysée (…) on est effondré. C’est cette confidence qui aurait contraint Obama, Sarkozy et Brown à révéler l’existence du site clandestin de Qom », en marge du G20 de Pittsburgh, en septembre 2009, écrit le magazine. Bernard Kouchner s’est également attiré la colère de nombre de conseillers du président en déclarant, dans les colonnes du JDD en février dernier, que les relations franco-algériennes ne pourront vraiment repartir qu’après le départ du pouvoir de la génération de l’indépendance algérienne. Des propos qui avaient évidemment provoqué le courroux d’Alger et retardé le réchauffement des relations entre les deux pays.
… et tenu à l’écart
Mais au-delà de ces anecdotes, le passage de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay a surtout été marqué par l’emprise des conseillers du président de la République sur la politique étrangère. Une situation dénoncée en juillet dernier par l’écrivain et ancien ambassadeur de la France au Sénégal, Jean-Christophe Rufin. Il décrivait ainsi « un ministère sinistré » qui « sert de vitrine, à la fois people et morale ». « Le ministre des Affaires étrangères ne pilote pas le navire, c’est bien clair. La réalité c’est que le Quai d’Orsay ne pèse plus rien », notamment dans les affaires africaines, avait-il déclaré, expliquant qu’Alain Joyandet, ancien secrétaire d’Etat à la Coopération, « prenait beaucoup ses ordres à l’Elysée » et que « les affaires africaines les plus sensibles [étaient] tranchées par Claude Guéant ». Interrogé par Le Nouvel Observateur, l’ancien compagnon humanitaire de Bernard Kouchner estime que ce dernier n’a « pas pu ou pas souhaité s’imposer face à l’Elysée ».
C’est par exemple le secrétaire général de l’Elysée qui était récemment en Côte d’Ivoire, où doivent se tenir prochainement des élections générales, quand, selon Le Nouvel Observateur, Bernard Kouchner s’est vu interdire publiquement par Nicolas Sarkozy de se rendre dans ce pays. Et la liste des « humiliations » s’allonge. Le ministre des Affaires étrangères découvre par hasard, dans la presse, que la France et la Chine ont signé, en avril 2009, un communiqué mettant fin à la brouille entre les deux pays. En octobre, Nicolas Sarkozy envoie Jack Lang en Corée du Nord pour examiner la possibilité de reprendre le dialogue avec Pyongyang, alors que Bernard Kouchner est contre. Enfin, c’est Claude Guéant qui signe l’accord de rétablissement des relations avec le Rwanda, sujet cher à Bernard Kouchner.
Le « French doctor » avait déjà reconnu par le passé avoir des difficultés avec Claude Guéant et le conseiller diplomatique du président de la République, Jean-David Levitte: « Je ne vous dis pas que de temps en temps, je n’enrage pas », avait-il ainsi déclaré en mai dernier au Parisien. Depuis, les choses ne se sont pas arrangées. Sachant pertinemment qu’il figure sur la liste des ministres donnés partant lors du prochain remaniement, Bernard Kouchner pourrait vouloir sortir la tête haute. Et démissionner. Reste à savoir quand.
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