France: Étudiant (Doctorat), ivoirien et expulsable

REIMS (Marne). Finira son doctorat, finira pas… Kouadio Aka joue au chat et à la souris avec l’État qui cherche à l’expulser. Un jeu épuisant.

DANS une autre vie, Kouadio Aka a été fils d’un professeur d’université dans la commune ivoirienne de Cocody. Désireux de suivre le chemin de son père, il a commencé à étudier le droit dans son pays.

Quelle ne fut pas sa joie, il y a cinq ans, quand il a obtenu de l’État ivoirien une bourse pour aller préparer son doctorat en France. Vivre en France, ce grand pays, obtenir un diplôme français, exactement ce que son père avait vécu dans sa jeunesse.
Dans sa vie actuelle, Kouadio Aka n’est plus le fils d’un professeur d’université. Son père est mort en juillet dernier alors que Kouadio était enfermé dans un centre de rétention français et sur le point de se faire expulser. Il a échappé au « charter » grâce au combat de sa fiancée chinoise (notre édition du 26 juillet).

Dans sa vie actuelle, l’Ivoirien tremble à chaque coup de sonnette à la porte de son petit appartement de Wilson. Il sort de chez lui à l’aube et y revient après le coucher du soleil pour éviter d’être à la maison aux heures légales des arrestations.
« J’ai une peur terrible. Les policiers sont encore venus lundi. Je n’ai pas ouvert et j’ai essayé de ne pas faire de bruit. »
L’Ivoirien pensait pourtant ne pas être inquiété. Il a relancé une procédure pour récupérer le droit de finir ses études en France.
Dans le dossier qu’il a envoyé à la préfecture, le doyen de la faculté de droit atteste que Kouadio est bien inscrit en doctorat, son professeur Laurent Derboulles atteste qu’il l’a bien comme élève.

Sa fiancée est enceinte

L’étudiant a besoin de récupérer son titre de séjour étudiant pour vivre sereinement mais aussi pour pouvoir travailler. La Côte d’Ivoire, subitement en mal de financement pour ses guerres, a suspendu sa bourse alors qu’il était en deuxième année de master. D’un coup sans ressource, il a eu un peu de mal à se retourner et a fini par rater son année.
Il a essayé de rebondir en passant le concours d’avocat mais a échoué : « C’est à cause de ces deux échecs que l’État français a décidé de me renvoyer dans mon pays ». Il a encore besoin de rester : « Je dois finir mon doctorat pour devenir enseignant chercheur. Je n’ai jamais eu aucun souci avec la police, mon employeur, Pizza Hut, a promis de me reprendre quand j’aurai récupéré mes papiers et ma fiancée est enceinte ».
Dans sa vie future, Kouadio Aka sera papa d’un garçon, marié à une Chinoise et docteur en droit. Quand son fils lui demandera la permission d’aller étudier en France, il aura un sourire douloureux. Il lui expliquera que, la France, ce n’est pas ce qu’il croit.

Catherine FREY

lunion.presse.fr

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