Alassane Ouattara, un destin de chef / Par Tiburce Koffi

L’histoire des individus est à l’image de celle des sociétés qui les secrètent. Elle (cette histoire) n’évolue jamais de manière rectiligne, même si la marche des hommes et des sociétés se veut ascendante en partant d’un point D (comme Départ) vers un point D’ (compris comme Destination). L’histoire n’est pas non plus cyclique, même si l’on a l’impression qu’elle est répétitive et qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. En réalité, un peu comme on le voit sur un sismogramme ou sur un électrocardiogramme, l’histoire évolue en ligne droite, mais en dents de scie. Elle enregistre ainsi des hauts et des bas, des montées et des descentes, qui correspondent à des périodes d’avancée et de régression. Telle apparaît la marche des sociétés ; et telle donc est celle des individus qu’elles secrètent et qui, en retour, les façonnent, les modifient et leur impulsent une trajectoire autre que celle d’hier.

Mais ne nous y méprenons pas : il n’est pas donné à n’importe quel individu du corps social d’influencer la société et d’en modifier la trajectoire. Raskolnikov, le héros de Dostoïevski, n’a pas tort, lui qui divise le monde en deux catégories d’individus : la première catégorie est composée de la masse ; la seconde, de leaders, c’est-à-dire des personnes dont la vocation est de diriger, de conduire. Selon lui, le rôle de la première catégorie d’individus est de servir de matériau à la construction de l’Histoire : ce sont des suivistes, ou des ‘‘suiveurs’’, comme en aurait dit Henri Konan Bédié. Ces suivistes ou suiveurs, c’est vous, c’est toi, c’est moi et, par delà nous, tous ceux-là dont la vie et la mort ne changent et ne changeront rien à la marche de la société dans laquelle ils vivent ou qu’ils ont vécu. La vie de cette catégorie d’individus s’est résumée et se résume aux choses primaires de l’existence : respirer, manger, voir, toucher, entendre, travailler, s’habiller, déféquer, boire, faire l’amour, procréer, danser, dormir, se réveiller et, à la fin, mourir. Un point, un trait. Tout bêtement. Sans avoir rien laissé de mémorable sur Terre. On le voit, c’est, là, un destin de chose, un destin de légume, un destin sans relief, une vie sans histoires et une vie en dehors de l’Histoire qui ne la retient donc pas car elle n’aura rien ajouté à la Terre.

A l’opposé de cette catégorie d’individus, ces ‘‘suiveurs’’, se distingue celle des chefs. Tout semble les différencier et les séparer de nous : eux ne suivent pas, ne suivent personne ; on les suit. Ils indiquent les routes à prendre, les carrefours où on doit s’arrêter, les passagers qui doivent débarquer et les nouveaux à embarquer ; ils donnent des ordres, et ces ordres sont exécutés. Leurs actes, leurs discours, parfois même leurs moindres paroles, sont des édits divins à respecter scrupuleusement. Ce sont, je l’ai déjà dit, des chefs, des guides, des leaders.

Ailleurs et à travers le Temps, ils ont répondu aux noms de Jules César, Sun-Jata Kéita, Adolphe Hitler, Chaka, Mao Tsé-Toung, Thomas Sankara, Mahomet, Charles de Gaulle, Ernesto Guevara dit le ‘‘Che’’, Jésus, Hiro Hito, entre autres. En Côte d’Ivoire, ils s’appellent Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Alasanne Dramane Ouattara, entre autres. C’est ce dernier qui nous intéresse aujourd’hui.

Un trait spécifique unit tous ces hommes : le charisme. Ce sont en effet des gens populaires, des personnes qui déchaînent des passions ; des personnages charismatiques, des chefs, pour tout dire. Leurs parcours s’écrivent en trois mots graves de significations : combats, défaites, victoires, ou combats, victoires, défaites ; et ceci, dans un cercle qui ne s’achèvera qu’à leur mort ou plutôt à leur disparition — entendu que la société a décrété que ce type d’individus ne meurt pas, mais disparaît : quel étonnant euphémisme !
Parce qu’il est un point de mire dans notre société aussi bien qu’ailleurs, parce qu’il est désormais dans le ventre de l’histoire de la société ivoirienne de ces deux dernière décennies de feu et de tourmente, parce qu’il est le centre d’intérêt de mille et une conversations en Côte d’Ivoire, parce qu’aussi, il cristallise les obsessions, rêves et cauchemars de nombreux citoyens de ce pays, parce qu’enfin, il dirige l’un des partis politiques les plus puissants de Côte d’Ivoire, Alasanne Ouattara ne peut laisser dans l’indifférence aucun d’entre nous. Nous sommes ici et en fin de compte, en présence d’un chef, un véritable chef.

Mais Alasanne Ouattara n’est pas chef par un effet de hasard. Comment l’a-t-il été ? Pourquoi l’a-t-il été ? Et jusqu’où nous mènera cet homme qui a achevé d’atteindre les dimensions de l’extraordinaire ? Tel est le sujet de mon exposé : « Alassanne Ouattara, un destin de chef ».

Il comprend deux parties :
– le parcours initiatique
– les enjeux et perspectives d’un combat

I/ Le parcours initiatique
C’est un parcours qui semble respecter à divers points de vue, le cheminement de l’initié que nous proposent les textes oraux africains (contes et légendes, récits génésiaques, épopées, etc.). Ce cheminement initiatique comprend toujours : l’exposé d’une mission à accomplir, les étapes et surtout les épreuves à subir pour la réussir, enfin la victoire de l’initié sur l’adversité, car l’initié n’échoue jamais. C’est, je le répète, ce qui se passe dans les contes ; je n’ai pas dit que c’est ce qui va se passer ici, en Côte d’Ivoire — je ne suis ni prophète ni devin ; je ne suis qu’un analyste, rien qu’un analyste qui peut se tromper ou être dans le vrai, sans pour autant prétendre faire œuvre de prophète.

Comment s’est fait le parcours initiatique d’Alassane Ouattara ?

Nombreux sont les textes qui parlent de la prédestination du ministère de M. Ouattara : articles de journaux, livres, etc. Ce qu’on peut retenir de ces textes, c’est leur dimension hyperbolique. A lire certains textes que j’évite de citer ici (pour ne pas que l’exposé sombre dans des considérations trop universitaires qui vont nous ennuyer), on se demande bien si Alassane Ouattara n’est pas un extra-terrestre. On a l’impression que c’est un être d’exception, proche d’un enfant prédit, une offrande des dieux, un sauveur. Le livre du prof Abdou Touré offre ici un bel exemple d’écrits franchement mystificateurs.

D’une manière générale, les hariographes de M. Ouattara insistent toujours sur les origines princières de l’homme. On évoque alors Kong la mystérieuse, Kong la lointaine, Kong la merveilleuse, Kong la légende. Peu d’Ivoiriens savent que Kong n’est qu’une misérable bourgade malmenée, dans le passé, par un certain Samory Touré, farouche razzieur qu’on se plaît aujourd’hui à célébrer. Mais qu’importe tout cela ; ce qui compte ici, c’est l’évocation récurrente du mot « royaume » sans cesse rattaché à la personne de M. Ouattara. Le message se lit ainsi sous forme laconique ou cryptographique : Kong, royaume, Sékou Ouattara, Alassane Ouattara, prince. On décode très vite ce message sibyllin: Alassane est un fils de roi, il est un prince, il est fait pour gouverner, et il doit gouverner, parce que le destin des princes est de gouverner !

Un autre élément, loin d’être des moindres, intervient dans le parcours de cet homme. C’est l’éloignement de la terre natale, la Côte d’Ivoire. Dans les contes, les légendes et les récits génésiaques, jusque dans les livres de spiritualité, l’éloignement de la mère patrie fait toujours partie du parcours de l’enfant providentiel. Sogolon, la mère de Sun-Jata, quitte ainsi le Manding avec son fils pour éviter à sa progéniture, une mort certaine ; ce dernier y reviendra plus tard pour sauver le Manding torturé par Soumangourou Kanté, le mauvais dirigeant. Pour éclairer le parallélisme, nous retenons qu’Alassanne est parti de la terre natale, tout jeune, sous l’action de son père. Il appartient aux historiens d’interroger les dates et les événements qui ont eu cours dans la Côte d’Ivoire de ces années 1950 pour mieux comprendre les raisons du départ du père Ouattara de la Côte d’Ivoire. Bien sûr, il y a une raison objective : ce dernier avait rejoint son pays d’origine ; mais pourquoi est-ce avec le petit Alassane qu’il part, et non avec les autres frères et sœurs ? Il appartient aux historiographes de M. Ouattara de décoder, au-delà du fait objectivable, l’énigme des actes et des dates.

Ouattara connaîtra donc l’exil ; l’exil pris ici dans son sens le plus commun : vivre hors de la terre natale. Cet éloignement n’est pas une torture, car il ne lui a pas été imposé par des forces extérieures à sa volonté. On peut retenir qu’il correspond au temps de la formation de l’homme Alassane Ouattara ; formation académique, formation professionnelle, affirmation de qualités humaines, professionnelles et relationnelles aussi, qui vont finir par construire sa propre image. C’est, au bout du compte, une image qualitative qui semble s’imposer, à l’évocation de son nom.

Près de quatre décennies plus tard, l’homme retourne au pays natal. Les conditions dans lesquelles s’effectue ce retour sont loin d’être innocentes et fortuites : c’est, en effet, un pays en difficultés qui l’accueille, comme dans les contes, l’enfant prodige est accueilli par les siens. Mais ici, une note manque à l’harmonie ; c’est une note essentielle comme la tierce qui détermine la nature d’un accord. Cette note s’impose à l’entendement de nombre d’entre nous comme une série de questions ; en voici quelques-unes :

– d’où vient ce frère que nous ne connaissions pas ?
– Où était-il quand on construisait ce pays ?
– De quelle légitimité se réclame-t-il ?
– Pourquoi est-ce à lui, l’inconnu, l’étranger, que Nanan confie-t-il les affaires sérieuses du village ?

Ces questions ne sont pas futiles ; bien au contraire, elles nous éclairent sur les attentes, les peurs et les refoulements des peuples dans les rapports qu’ils entretiennent avec leurs leaders, le tout dans une sorte de dialectique de la vie conjugale : de même qu’une femme sérieuse et honnête ne se jette pas dans les bras du premier courtisan venu, de même un peuple sérieux ne peut confier son destin à tout prétendant au trône. En tout état de cause, le bon sens recommande que l’on se connaisse bien, avant de célébrer les noces. C’est pourquoi les sociétés créent des textes et prennent des dispositions juridiques pour définir et camper le modèle de chef dont elles ont besoin.

Pour Alassane Ouattara, l’age d’or dans la vie de l’initié prend fin ici, car commencera pour lui l’ère des ronces, des épines, le temps des remises en causes, des doutes, le temps du questionnement majeur qui signe la fin du temps de l’innocence et annonce celui de la maturité virile : c’est le temps de l’affrontement ; et cette étape-là s’inscrit toujours et inévitablement dans le parcours de tout leader.

Sauf dans les monarchies (empires, royaumes), on ne devient pas chef par le sang, mais par les qualités humaines qu’on développe autour de soi ; entre autres : le sens de la communauté, le vouloir vivre avec les autres, la droiture morale, l’amour’ de l’autre, le sens de l’organisation, la culture du travail, etc. et, par-dessus tout, les aptitudes à triompher de l’adversité, instruit en cela par une vision claire, convaincante et unificatrice ou du moins rassembleuse. J’insiste sur ces derniers mots, car le chef doit rassembler et non disperser. L’existence d’un chef induit nécessairement celle de partisans ; et en tout lieu et de tout temps, les chefs se sont distingués par leur capacité à mobiliser des masses autour d’un idéal, et à mener avec elles, un combat pour faire triompher cet idéal. Alassane Ouattara a, à mon avis, satisfait à tous ces points. Je peux donc affirmer qu’il a donné la preuve qu’il possède ces attributs et qualités-là du chef. Oui, cet homme est un chef, et il faut être vraiment frappé de cécité ou être de très mauvaise foi pour nier cette évidence. Il nous reste à présent à examiner, sans vraiment nous y attarder, les enjeux et perspectives du combat qui l’agit.

II/ Les enjeux et perspectives d’un combat

« Il y a beaucoup à dire sur cet ouragan politique. La Côte d’Ivoire de l’après Houphouët doit s’en prendre à elle-même d’avoir créé cette redoutable machine politique, car Alassane l’est : froid calculateur, grand tacticien insoupçonné souvent de ses adversaires, homme réputé prospère et ayant un relationnel des plus efficaces ; c’est un homme politique moderne qui a su s’entourer de technocrates avisés de la Communication. Au total, il a tout de l’adversaire redoutable (…).

Sur le terrain politique ivoirien où il a germé, il m’apparaît comme le produit d’un de ces regrettables tours du destin qui sanctionne toujours les peuples légers, après qu’une vaste folie s’est emparée d’eux. Me reviennent encore à la mémoire, les écrits injurieux, franchement xénophobes et décadents d’une certaine presse contre cet homme qui a servi la Côte d’Ivoire à des niveaux élevés, mais dont le crime fut de se réclamer de ce pays ou de vouloir être Ivoirien ! Et même moi qui écris actuellement ces lignes, je confesse que je n’étais pas arrivé, hier, à comprendre l’anxiété des gens du Nord qui avaient fini par identifier les souffrances de Ouattara aux leurs : les tracasseries policières, les cogitations désobligeantes sur les patronymes, les raideurs administratives à leur encontre, etc. ; par-dessus tout, ces mots orduriers d’un fameux journal appelé Le National : « Mossi Dramane ! »

Récemment encore, au palais de la Présidence, lors des concertations que le Chef de l’Etat avait décidées entre lui et les populations pour recueillir leurs points de vue sur les Accords de Pretoria, j’ai entendu des voix mauvaises scander : « Mossi ! Mossi ! Mossi ! »
Et cela se passait dans l’enceinte du Palais de la République de Côte d’Ivoire ! Et j’ai eu mal et honte pour ce pays, mon pays ! Mais, en quoi le fait d’être Mossi devrait-il être pour les Ivoiriens d’aujourd’hui, une marque d’indignité ? Est-il impossible d’être Mossi et Ivoirien ? S’il est possible d’être Bété, Baoulé, Attié et être Ivoiriens ou Américains ou Français, il est de même possible d’être Mossi et Ivoirien. La nationalité est un fait juridique et non un don des dieux condescendants. M. Philippe Troussier, Blanc bon teint, est ainsi Ivoirien, et cela ne peut choquer que les imbéciles de nos Républiques nouvelles, hystériques et bêtisées par des leaders de partis fous ».

Dès lors, s’est imposée à Ouattara la nature du combat qu’il avait à mener : la réhabilitation identitaire. Je le redis, c’est l’adversaire qui lui a imposé le terrain et la nature du combat. Nulle part au Monde, un chef, une communauté ethnique ne refusent de mener le combat de réhabilitation identitaire, car il touche les individus dans ce qu’ils ont de plus profond d’eux-mêmes, de plus intime et de non négociable : leur droit et leur qualité d’Etre.

Bref, Ouattara est le produit de contradictions (au départ mineures) que notre société couvait ; contradictions que nous avons nourries sottement de nos égarements aveugles, jusqu’à en faire une contradiction principale : la peur de l’Etranger. Nous peuple hier si ouvert, nous avons aujourd’hui peur de l’étranger. » Passe même encore si cet homme était vraiment un étranger ! Que non ! Alassane Ouattara est bel et bien un des nôtres que les hasards de la vie ont éloigné de nous pendant des années, et qui nous est revenu, riche de pérégrinations à travers le monde. Que perdrions-nous à faire de lui un Ivoirien s’il était même avéré qu’il ne l’était pas ? De grands pays comme les Etats-Unis, le Canada, la France, l’Allemagne, achètent les cerveaux, font la cour aux intelligences pour développer davantage leurs pays qui sont déjà développés ; et nous nous offrons le luxe farfelu de pourchasser une intelligence avérée (…).

Alassane Ouattara n’aurait peut-être jamais eu cette surface de sympathie si l’on n’avait pas fait de lui un martyr, un persécuté. (…). » Les foules ont toujours éprouvé de l’admiration pour les persécutés qu’elles n’hésitent pas à hisser au rang de martyr pour des causes qu’elles ne maîtrisent pas souvent elles-mêmes. Au total, il aura été pour la Côte d’Ivoire, aussi bien une source d’ennuis qu’un roc d’espérances pour des milliers d’entre les nôtres qui se sont identifiés à lui dans le combat politique à la fois collectif et lyrique qu’il a mené sous le manteau d’une quête identitaire dont la rébellion est l’expression majeure. (…). C’est un combat sans concession, dont les dégâts, énormes, laissent toujours de fortes cicatrices sur le visage et dans le cœur des peuples.

Tout aura été fait et essayé contre cet homme. Mais il est toujours là, debout et charismatique, aussi bien au sein de sa communauté ethnique qu’au plan national. De 1990 à 2010, cela fait 20 ans qu’il entend et essuie propos lénifiants et adversités : matraquage médiatique, épreuves psychologiques, offenses, menaces, etc. L’homme est là, parmi nous, apparemment plus déterminé que jamais. Une telle résistance aux épreuves n’est pas sans signification : nous sommes bel et bien en présence d’un homme forgé dans et par la douleur, et qui frappe aux portes du pouvoir.

Conclusion

(…) Il apparaît finalement que le phénomène Ado est le produit de notre histoire moderne. Rejeter Ouattara est non seulement impossible aujourd’hui, mais stupide : cette rébellion qui paralyse tout le pays depuis trois ans, en est la preuve vivante et alarmante. Dans tous les cas, Ouattara est aujourd’hui un homme politique aguerri et accompli. Les performances électorales de son parti sont là pour justifier nos propos.
Il est désormais et indiscutablement un des nôtres, s’il ne l’a jamais été. Il est un membre à part entière de notre communauté éburnéenne. Cela est et doit être ainsi parce que l’histoire de ces vingt dernières années de notre pays respire de l’odeur de ses frustrations, de ses tentatives désespérées de se faire comprendre, de se faire accepter et aimer par un pays qui l’a vu naître et qu’il aime somme toute, d’une manière comme d’une autre – même si cette manière ne plaît pas à certains d’entre nous… comme l’auteur de ces lignes…

Un tel homme peut susciter effectivement des frayeurs ; et déjà, mille et une question surgissent quant à la perspective de son évènement à la tête de l’Exécutif ivoirien : ne va-t-il pas chercher à se venger ? Ceux d’entre nous qui ont perdu des parents dans cette rébellion qui s’est réclamée de lui et qui porte (qu’on le veuille ou non) une part importante des ambitions de M. Ouattara, eh bien, ceux-là accepteront-ils de le voir au sommet de l’Etat ? L’avènement de Ouattara ne suscitera-t-il pas une autre rébellion ?
Ces dernières interrogations sont d’une importance capitale. Je crois même que, de leur résolution immédiate ou proche, dépendra en grande partie, pour le candidat des Républicains, le verdict des urnes, au soir du 31 octobre 2010. Dans tous les cas, il lui faudra répondre avec clarté à ceux qui, à tort ou à raison, ont vu et voient en lui le père de la rébellion du Nord, car cette question se posera immanquablement à lui. Il faudra donc apaiser les ressentiments de tous ceux-là, leur donner des assurances.

Sur ces questions, je prends pour ma part le risque d’avancer qu’à ce stade de son parcours, Ouattara ne peut pas sombrer dans la rancune des gueux, ni dans les gaucheries et mesquineries de ceux qui ne sont pas préparés à gérer le pouvoir d’Etat. Alassane Ouattara est en nous, il est avec nous, il ne peut pas être contre nous. L’Histoire le condamne désormais à veiller à la survie de la Côte d’Ivoire, sa patrie ; et il le fera parce qu’il n’a plus d’autres choix devant lui : la Côte d’Ivoire est devenue la dernière justification de son existence, l’ultime port historique de son âme qui a trop erré. Il y a un temps pour marcher, un temps pour se reposer ; un temps pour frapper, un temps pour apaiser et construire.

Si au soir du 31 octobre, Alassane Ouattara n’était pas élu, qu’il considère que son destin politique s’arrête là ; il devra donc passer le flambeau au risque de tomber dans la banalité de la posture d’opposant au milieu d’une nouvelle classe de politiciens ivoiriens relativement jeunes. S’il remporte cette élection, ce sera l’aboutissement d’un combat qui aura été âpre, en même sue le commencement d’une histoire nouvelle : celle de la reconstruction d’un pays qu’il lui faudra refonder après l’ère nocive et traumatisante des refondateurs. Nul doute que cet homme a les capacités intellectuelles et politiques de réaliser tout cela.

Abidjan le 24/9/2010
Par Tiburce Koffi/ tiburce_koffi@yahoofr

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