L’ouverture du procès historique des barons de la filière café-cacao hier au tribunal d’Abidjan-Plateau a déçu bien des attentes. Les avocats zappés dans la procédure d’instruction, ont arraché le renvoi du procès qui s’avère, en fin de compte, douloureux pour eux. Les barons de la filière café-cacao conduits par de fortes têtes comme Tapé Doh Lucien, né en 1951, 14 enfants, Amouzou Kassi Henri, 9 enfants, Kili Zilahon Angeline née en 1964, célibataire sans enfant, pour ne citer que ceux-là, ont comparu hier devant le tribunal correctionnel d’Abidjan-Plateau, après deux ans de détention préventive pour des délits économiques. Les 30 inculpés inscrits au rôle ont tous été appelés à la barre par le président de l’audience, M. Pohan Alain, et ses 4 assesseurs, les juges Essis Meless, Malan Ehonou Kan, Kouadio Olivier et N’Dri Pauline. La vérification de l’identité des prévenus dont 5 sont absents, réclamée par le ministère public composé de 3 procureurs (Mamadou Diakité, Zalo et Oulaye Fernand), n’aura pas débouché sur les débats de fond. Puisque le barreau de Côte d’Ivoire qui a parlé au nom des avocats de la défense, de la partie civile, de l’Etat et des témoins, a posé un préalable qui a fini par avoir raison du tribunal. Le préalable, c’est le renvoi pur et simple du procès. A ce sujet, le bâtonnier Koné Mamadou, très connu comme supporter de l’Asec d’Abidjan, demande un report de 3 semaines. Son plaidoyer se base sur les principes généraux de la défense. Puisqu’il a démontré dans les moindres détails qu’à aucun moment, les avocats à tous les niveaux, n’ont eu accès aux éléments du dossier de leurs clients. Et tous les avocats impliqués dans le dossier, qui ont pris d’assaut la salle d’audience de la Cour d’appel, utilisée occasionnellement par le tribunal, sont unanimes en la matière. “Une chose est de juger, mais une autre est de bien juger” est convaincu le bâtonnier. Même son de cloche chez cet autre avocat commis, interrogé lors de la suspension de l’audience décidée par Pohan Alain et ses assesseurs : “Tout le monde a demandé le renvoi. C’est pourquoi, le barreau a parlé. Car personne n’est prêt. On ne nous a pas permis d’avoir accès au dossier. Quand le juge d’instruction a clôturé l’instruction, on n’a pas eu son ordonnance. On ne sait pas ce qui est dedans en dehors de ce que nos clients ont dit quand nous les avons accompagnés chez le juge d’instruction. Les avocats n’ont pas les charges individuelles”, explique avec amertume un des avocats des témoins. L’exigence des avocats est prise en compte par le tribunal. Mais à quel prix ? “Il n’est pas question que les prévenus ne soient pas jugés. Il est nécessaire que les prévenus qui le peuvent, apportent les éléments nécessaires. La salle du tribunal est en réfection. C’est pourquoi, nous nous retrouvons dans la salle d’audience de la cour d’appel. Il y a des impératifs. Soit on juge aujourd’hui, soit à une date lointaine quand notre salle sera prête”, justifie le tribunal. Qui ne suivra pas l’engagement du barreau à faire face aux charges de réfection de la salle d’audience du tribunal pendant le délai de trois semaines souhaité. “Nous retenons la date du 16 novembre 2010. Notre objectif est que vous ayez tous les éléments de votre défense. Les dossiers des prévenus seront mis à la disposition de leurs conseils et aux parties civiles. Les citations restent valables”, a ajouté le président Pohan. La séance est levée. Au grand désarroi du grand public présent et tenu en respect par les nombreux gendarmes et policiers hors de la salle d’audience et du palais de justice. Pour les avocats de la défense, l’instruction est faussée avec leur non accès au dossier qui a occasionné “le report de la détention préventive abusive prolongée. C’est un procès à connotation politique parce qu’il s’agit du Cacao de Côte d’Ivoire”, n’a pu s’empêcher de marteler Me Blessy, avocat de Tapé Doh Lucien qui présente un bien meilleur physique par rapport aux autres détenus visiblement amaigris. Ce dernier, avec ses co-détenus croupissent en prison (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan) depuis 2 ans pour des délits économiques. Car selon le parquet, ils ont commis des faits “prévus et punis par les articles 110, 223, 226, 227, 401, 416, 418 et 420 du code pénal et de l’article 891 de l’acte uniforme de l’Ohada, relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d’intérêts économiques”. Au dire du parquet, les faits en question portent sur le détournement de fonds, abus de confiance, abus de biens sociaux, escroquerie, faux et usage de faux en écritures privées de banque ou de commerce. C’est par une correspondance, en date du 11 Octobre 2007 que le chef de l’Etat, a instruit le procureur de la République, à l’effet de diligenter une enquête, d’une part, sur le rachat des différentes sociétés acquises par les structures de la filière café-cacao depuis sa libéralisation, et d’autre part, sur la circulation des ressources et des flux financiers de chacune d’elle. En agissant ainsi, M. Laurent Gbagbo initiait la moralisation de la vie publique. Avec ce renvoi qui a surpris plus d’un, le suspense dans ce procès historique reste entier. Félix Téha Dessrait dessrait@yahoo.fr
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