Le Nouveau Courier
Même si je ne me sens pas particulièrement qualifié pour épuiser le sujet (de toutes façons, ce n’est pas le but du jeu), je me fais le plaisir de partager avec vous les prémisses des réflexions que j’ai entamées sur la question. Ces réflexions m’amènent pour le moment à retenir deux causes principales, sans prétendre être exhaustif, à l’insuffisance de la conscience nationale en Côte d’Ivoire.
La première, c’est celle que j’appelle le poids du passé, de l’époque pré-coloniale. Le retour à cette période de l’histoire de l’Afrique permet de se rendre compte qu’avant l’arrivée de la civilisation occidentale, les peuples de l’Afrique de l’Ouest avaient déjà une organisation bien structurée, qui entretenait un certain équilibre. Et cet équilibre reposait, entre autres piliers, sur des regroupements ethniques plus ou moins homogènes. À mon avis, l’on doit rechercher le degré élevé de communautarisme caractéristique des nations africaines en construction, en particulier la Côte d’Ivoire, dans cet héritage que la colonisation n’a pas su intégrer convenablement dans la conversion à la démocratie, après le tracé des frontières des colonies.
La non prise en compte des continuités culturelles dans la définition des nouveaux pays africains n’est pas une mauvaise chose en soi, sauf qu’elle aurait dû s’accompagner des mesures nécessaires pour faire évoluer les mentalités de façon adéquate. Au lieu de cela, le colon a beaucoup plus misé sur les voies et moyens d’asseoir sa suprématie, et dans cette optique, les jeux de pouvoirs inter-ethniques ont souvent été une arme de choix. Cela dit, loin de moi l’idée de faire porter le chapeau aux seules puissances colonisatrices qui, il faut le reconnaître, n’agissent que dans le strict intérêt de leurs populations.
Cela me permet de faire la transition vers la seconde principale cause que j’identifie pour expliquer l’insuffisance ou le manque de conscience nationale en Côte d’Ivoire. Il s’agit ni plus ni moins de l’insuffisance (ou du manque) d’une véritable volonté de construction de cette conscience nationale. Il y a bien eu des tentatives en la matière, ce n’est pas à dire qu’absolument rien ne fut entamé ! Mais force est de constater, cinquante années après l’indépendance du pays, que les mentalités n’ont pas beaucoup évolué. C’est dire que soit on ne s’y est pas bien pris, soit on n’en a pas assez fait.
Les tentatives de construction de la conscience nationale ont été multiples, notamment sous l’administration Houphouet-Boigny. Je me souviens particulièrement des nominations aux postes administratifs qui ont été l’occasion d’affirmer l’unité de la nation, en permettant aux fonctionnaires d’être affectés sans tenir compte de leurs origines ethniques. Je me souviens également que, dans toutes les écoles publiques (du primaire et du secondaire), le salut au drapeau était le rituel d’ouverture de la journée de travail.
Toutefois, de la révolte du Guébié en 1963 conduite par Kragbé Gnagbé, à la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002 au bénéfice des peuples du Nord qui se disent « lésés » dans la distribution des ressources nationales, il faut reconnaître que le rapport des ivoiriens à la nation n’a pas connu un véritable développement.
Pour moi, il est plus qu’urgent de s’attaquer à ce problème, si l’on veut que tous les fils et filles du pays contribuent volontairement et efficacement à son progrès. Car aucune politique de développement ne pourra prospérer sans l’adhésion de tous les concernés.
Pour ce faire, je suggère premièrement que l’éducation, qui constitue un puissant moyen de changement des mentalités, soit résolument orientée vers le développement du sentiment national ivoirien, en faisant toutefois attention de ne pas créer le lit de quelconques extrémismes.
Deuxièmement, il conviendrait d’instaurer un véritable dialogue des communautés, qui aurait pour but de démontrer que l’objectif du développement national n’est pas un jeu à somme nulle, c’est-à-dire faire comprendre aux communautés que la coopération est pour leurs bénéfices réciproques.
Enfin, il serait souhaitable de « briser l’emprise des élites communautaristes » qui, à mon sens, n’œuvrent pas assez pour l’encrage de la culture démocratique au niveau des populations, les moins instruites. En effet, plusieurs des malentendus intre communautés sont entretenus par la polithypocrisie de leurs élites à la recherche de mandats électoraux. Cette emprise pourrait être contrecarrée par des campagnes de sensibilisation et de formation à l’endroit des populations, à l’effet de leur faire comprendre l’organisation et le fonctionnement de la démocratie, ainsi que les responsabilités des différentes autorités désignées.
Sans prétendre épuiser le sujet, je pense avoir donné des pistes de réflexions, juste pour lancer le débat. Pour que l’Afrique avance !
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