La Côte d’Ivoire et le Ghana qui, à eux seuls détiennent environ 60% de l’offre mondiale de fèves de cacao, ont pris un pari sur l’avenir pour peser sur le marché mondial. Pour se donner les moyens d’atteindre cet objectif, ils ont décidé, sur instruction du Président de la République de Côte d’Ivoire et à l’initiative de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire au Ghana SEM. Ackah Auguste Emmanuel, et profitant des festivités éclatées du cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, de réfléchir à travers un forum qui s’est déroulé, les 26 et 27 août, à la salle de Conférence internationale d’Accra sur un thème : «La Côte d’Ivoire et le Ghana ensemble pour une économie cacaoyère durable». Un thème qui en dit long sur l’engagement des planteurs de ces deux pays et la volonté de leurs gouvernements respectifs d’accorder à l’économie cacaoyère la place qu’elle mérite véritablement dans le développement de leurs pays. Mieux vaut tard que jamais, mais pouvait-il en être autrement ?
Au Ghana, c’est plus d’un million de paysans qui cultivent le cacao, une culture qui représente entre 17 et 20 % des revenus des petits exploitants et représente 5,5% du produit intérieur brut du pays. Depuis 2003, le cacao a connu une croissance de plus de 30% et son poids a constitué 37% des recettes en devises du budget national en 2004.
Enjeux pour la durabilité
En Côte d’Ivoire, ce sont 600 producteurs qui font vivre 6 millions de personnes avec une production annuelle de 1.200.000 tonnes équivalent à 40% des recettes du budget national et 15% du produit intérieur brut. On comprend donc que les thèmes abordés au cours de ce forum : la certification du cacao, le travail des enfants dans les plantations de cacao, la recherche agronomique cacaoyère et la contrebande du cacao et des intrants de la cacaoculture, constituent des enjeux majeurs pour la durabilité des économies cacaoyères de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Pour le premier thème portant sur la certification du cacao, les deux panélistes, Dr Yaw Adu Ampomah, directeur exécutif de Cocoa board (Ghana) et Mme Léa Claudine Yapobi, administrateur provisoire Bcc/Frc (Côte d’Ivoire), ont mis en évidence la préférence croissante des consommateurs pour les fèves de cacao certifié, reconnu la volonté des cacaoculteurs de bénéficier de primes à la qualité en produisant ces fèves, souligné la nécessité pour les deux Etats (Côte d’Ivoire et Ghana) de procéder à une analyse coûts-bénéfices pour dégager la profitabilité de la certification sur la chaîne des valeurs. Ils n’ont pas occulté la contribution des autres parties prenantes notamment, les gouvernements, les industriels et organisations non gouvernementales dans la mise en œuvre de programmes de certification au profit des cacaoculteurs ivoiriens et ghanéens.
Devant la pertinence de ces questions, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont convenu de coopérer et de s’assurer que les programmes de certification prennent en compte les bonnes pratiques culturales en vigueur dans les deux pays afin de faciliter l’adoption des systèmes de contrôle interne par les producteurs de cacao. Ils ont accepté d’instituer un cadre règlementaire conforme aux textes nationaux relatifs à la chaîne d’approvisionnement du cacao et d’attribuer aux parties prenantes des responsabilités précises et acceptables selon les règles régissant le commerce du cacao, en relation avec la Fédération du commerce de cacao (Fcc). D’œuvrer de concert avec les instances accréditées responsables de la certification et les autres parties prenantes de la chaîne de valeur du cacao afin de mettre en place un système harmonisé et adapté aux réalités nationales.
Harmoniser la liste des travaux dangereux
Puis d’instituer un système de suivi évaluation pour s’assurer que les normes de certification induisent des bénéfices additionnels à même d’assurer une croissance durable de l’industrie cacaoyère dans leurs pays respectifs. Le deuxième thème relatif au travail des enfants, présenté par Eric Appiah Okrah, Unicef/ Ghana et Malick Tohé, secrétaire exécutif Sste (Côte d’Ivoire) a permis de montrer que le phénomène du travail des enfants dans la cacaoculture constitue l’une des menaces sérieuses pour la durabilité de l’économie cacaoyère. Les deux exposés ont, par ailleurs, reconnu les défis auxquels font face la Côte d’Ivoire et le Ghana dans le cadre de la campagne de sensibilisation visant l’élimination des pires formes de travail des enfants dans la filière cacaoyère et leurs effets sur la durabilité de cette économie. Il urge donc, pour les deux pays, d’harmoniser la liste des travaux jugés dangereux selon les conventions de l’Oit, d’harmoniser les systèmes de suivi d’évaluation des programmes de remédiation de concert avec les initiateurs du Protocole de Harkin-Engel de renforcer le partenariat entre les deux pays à travers l’échange d’informations stratégiques, la coopération dans le suivi du trafic des enfants et l’élimination des pires formes de travail de ceux-ci et du travail forcé dans la production cacaoyère puis de bâtir une stratégie de communication
Relativement à la recherche agronomique cacaoyère, le troisième thème et le premier du vendredi 27 août, Dr S. M. Amoh, directeur exécutif de l’Institut de recherche agronomique cacaoyère du Ghana (Crig), et Dr Adiko Amoncho, directeur des programmes du Centre national de la recherche agronomique de Côte d’Ivoire (Cnra), ont mis en lumière les menaces des maladies et des nuisibles du cacao et les enjeux pour une production cacaoyère durable en Afrique de l’Ouest. Les discussions ont alors montré la nécessité pour les deux pays de renforcer la coopération en matière de recherche entre le Cnra et le Crig ; de coordonner la lutte contre les maladies et ravageurs du cacaoyer ; notamment la maladie du swollen shoot, la pourriture brune et les mirides ; de collaborer pour prévenir l’introduction, le développement et la propagation de nouvelles maladies ; puis de mobiliser des ressources pour mettre au point des technologies minimisant la pénibilité des travaux agricoles et développer des produits à usages alternatifs
A côté des maladies, l’autre mal pernicieux, la contrebande du cacao a fait l’objet du dernier exposé du vendredi et du forum. Anthony Fofié, secrétaire exécutif de cocoa board (Ghana) et Atta Brou (Cgfcc/ Côte d’Ivoire), ont noté que les ramifications de la contrebande concernent le cacao, les intrants de la cacaoculture et d’autres produits prohibés ont un effet néfaste sur les économies des deux pays sans oublier le risque pour la sécurité et la stabilité politique de la sous-région ouest africaine. Il faut, pour ce faire, initier et renforcer les concertations entre les structures chargées de la commercialisation afin d’étudier les possibilités d’harmonisation des mécanismes de fixation des prix au producteur. Il faut mettre en place un système d’information et de suivi permettant de réduire la contrebande du cacao, des intrants et autres produits, tels que les armes et munitions ; accroître la coopération entre les administrations nationales en charge du contrôle et de la sécurité des frontières ; puis organiser une concertation sous-régionale sur la question de la contrebande. Les deux pays ont convenu, pour la mise en œuvre des recommandations, de mettre en place un cadre institutionnel permanent coordonné par les structures en charge de la gestion du secteur cacao.
Franck A. Zagbayou
Envoyé spécial à Accra
Fraternité Matin
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