La plus vieille et la plus grosse des universités ivoiriennes est paralysée par une grève lancée par la Coordination Nationale des Enseignants et Chercheurs (CNEC) Cocody, depuis bientôt 3 semaines ; au menu de ce mouvement de colère la brulante question du paiement des Heures Complémentaires (HC).
Alors qu’au lancement de cette grève, les enseignants parlaient de retard de paiement, trois semaines plus tard, le problème semble plus profond qu’on ne le croit.
Des différentes rencontres et échanges avec les concernés, il ressort, selon la CNEC que le Président de l’UFHB est dans une logique « de coupe sèche des HC » selon une logique que personne ne comprend dans son entourage.
Et cela ne date pas de maintenant. A la fin de l’année universitaire 2015-2016, au moment de payer les HC des enseignants, le Prof. Abou KARAMOKO fait savoir à la communauté des enseignants qu’il ne payera pas pour les étudiants non inscrits. Alors même que ceux-ci avaient bel et bien participé aux enseignements ; avaient été régulièrement évalués et les procès-verbaux des examens déposés. Contre vents et marée, bien que le processus d’inscription ne dépende pas des UFR (Unités de Formation et de Recherche) et des départements. A l’Université la question des inscriptions relève exclusivement de la scolarité centrale.
M. KARAMOKO Abou, bien que la Ministre d’alors, BAKAYOKO-Ly lui ait demandé de payer, refusera de s’exécuter. Selon les enseignants rencontrés, il se vantera plus tard d’avoir fait économiser quelque milliards de francs à l’Etat de Côte d’Ivoire.
Ayant tiré les leçons de cette mésaventure, les étudiants seront fortement sensibilisés à s’inscrire au titre de l’année 2016-2017. Et c’est là qu’on ne comprend plus la logique du Président KARAMOKO. Le refus de payer les HC 2016-2017 ne dépend plus de la question des inscriptions. Il a trouvé une nouvelle raison de ne pas payer ; il estime que le volume des HC a fortement augmenté. Et à M. KARAMOKO de demander aux enseignants de prouver que les enseignements ont bel et bien été faits. « Quelle insulte aux collègues ! » nous rétorquera-t-on à la CNEC. Comment peut-on poser une telle question pour une année universitaire (2016-2017) bel et bien achevée, des enseignements bien exécutés, des examens bien organisés et des procès-verbaux d’examens bien déposés ?
Il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond. Mais plus grave, selon certains collègues, qui ont commencé à recevoir leur argent (puisque sous la pression de la grève, quelques chèques ont été signés par le Président de l’UFHB) ont fait le surprenant constat que les montants versés représentaient à peine le ¼ (quart) de ce qu’on leur doit. Il y a donc là de quoi se demander ce qui se passe véritablement dans cette université.
Et pourtant il existe un document (un bréviaire) qui précise exactement le découpage des groupes de TD, les taux horaires, les modalités de calcul. Et ce document est bien connu des différentes parties (administrations, syndicats).
Si le Président peut décider de son propre chef de « payer ce qu’il veut », quel est alors le référentiel de calcul ? C’est bien de cela qu’il s’agit. Certains enseignants qui l’ont rencontré, rapportent que M. Abou KARAMOKO dit que pour certaines UFR, les volumes horaires sont trop élevés et qu’il ne paiera que ce que lui estime convenable de payer. Comment un administrateur de ce niveau peut-il tenir de tels propos ? La gestion de la chose publique ne repose –t-elle pas sur des règles ? Dans l’administration, peut-on faire ce qu’on veut avec l’argent public ?
Pour l’heure chacun campe sur ses positions. Pour la CNEC, il doit payer les HC des enseignants selon le bréviaire, comme l’ont toujours fait tous les présidents qui sont passés à ce poste. Pour Abou KARAMOKO, il y a trop d’argent à payer aux enseignants. A la dernière rencontre qu’il devait avoir avec la CNEC (le mardi 18 septembre 2018), il s’est fait remplacer par son Vice-président en charge des enseignements.
Les rencontres avec le nouveau ministre n’ont encore rien donné et les cours sont bloqués. Le Ministre MABRI T. commence son ministère avec quelques difficultés, il faut le dire. Il lui appartiendra sûrement de trouver une solution immédiate à cette question car pour être mécontents, les enseignants-chercheurs sont très mécontents.
Des Heures Complémentaires ou HC
Dans la plupart des mouvements de grèves, la question des HC est récurrente. Quelques informations semblent nécessaires pour la compréhension des lecteurs.
A l’Université, selon des règles établies, les enseignants doivent à l’Etat des quotas horaires annuels. Par exemple un Assistant doit 200 heures. Ce qu’il fait en plus est considéré comme heure complémentaire (HC). Exactement comme dans le secteur privé.
Dans les Universités, les cours sont organisés entre les CM (cours magistraux), les TD (travaux dirigés), les TP (travaux pratiques), les Séminaires…
Un enseignant peut donc avoir un cours en Licence1. Le cours fait 25 heures : 10h de CM et 15h de TD. Supposons qu’en Licence 1, il a 500 étudiants. Selon le bréviaire (document qui organise la répartition des groupes de TD,..) cela donne 500/30= 16.66 groupes de TD. Un groupe de TD fait environ 30 étudiants.
Quant il a fini ses enseignements, il est fait un simple calcul :
10h de CM= 10h
15h de TD*16 groupes= 240h
CM+TD= 250h. Si on déduit les heures dues, soit 250-200= 50h.
Selon une formule bien connue, un calcul est fait avec les 50h qui sont des HC.
Si le lecteur a bien compris, le nombre des HC augment s’il a d’autres cours en L2, L3, Master 1, 2… et si les effectifs des étudiants affectés dans les universités continuent à grimper. Dans certaines UFR, on trouve plus de 1500 étudiants en Licence 1. On ne pourra pas en vouloir à l’Etat de Côte d’Ivoire, qui a fait de l’éducation une de ses priorités, et qui souhaite donner à chaque bachelier la chance d’avoir accès à une formation Post-Bac.
Mais quand les enseignements ont été donnés, il faut reconnaître le mérite des enseignants. En refusant de payer les HC des enseignants, quelle image un Président d’université donne-t-il de son institution ?
Que retient le contribuable ivoirien quand un Président d’université demande à ses collègues de prouver qu’ils ont faits les cours ?
Comment peut-on insulter à ce point des enseignants d’université, qui dans l’espace du CAMES ont toujours les meilleurs résultats ?
Comment peut-on traiter ainsi des collègues, quand on sait que l’UFHB manque cruellement de salles de TD, de TP et d’amphi ?
Le président ne sait certainement pas que certains départements font leurs cours à l’ENS, à l’INSAAC, à l’ISTC, lui se frappe la poitrine d’avoir fait économiser de l’argent à l’Etat, alors même qu’il a refusé de payer ses collègues ?…
Professeur Raymond K. Kra, Maître de Conférences, enseignant-chercheur au Département des Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université de Cocody-Abidjan
AU PAYS DE WARI-FATCHÊ
Après en tout et pour tout, un ou deux fascicules faisant office de production scientifique intellectuelle, centrés autour des « Réseaux locaux de communication et participation communautaire dans les collectivités territoriales en Côte d’Ivoire », voici notre enseignant-chercheur au Département des Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université de Cocody-Abidjan, qui se met au calcul « Des Heures Complémentaires ou HC ».
Quand on vous dit que « La plus vieille et la plus grosse des universités ivoiriennes est paralysée » c’est plus profond que cela !
Les nerfs ne tiennent plus. Ce n’est pas forcément parce que « l’argent est le nerf de la guerre ». Détrompez-vous !
L’auteur du calcul n’est ni plus ni moins qu’un éminent Maître de Conférences ! Qui affirme doctement que « dans l’espace du CAMES, les nôtres dont lui, ont toujours les meilleurs résultats ? »
Les meilleurs résultats ? Voici un thème d’audit à réaliser…
Le contrat social repose sur la confiance. Pourquoi attendre du sacrifice de la part des enseignants quand ils constatent la ripaille en cours au sommet, avec voyages, évaporation de ressources d’Etat, gabegie, enrichissements à vitesse exponentielle, nominations complaisamment « rattrapagiques », galas fastueux de fondations bidons avec stars internationales sur le déclin, etc, etc, etc. On tue un éléphant (vraiment très à propos) et pendant que ça emporte de gros morceaux, certains doivent se serrer la ceinture ? Non, la confiance est rompue, et je suis même étonné que seuls les enseignants réclament.
En fait la clé de voûte c est la perception à tort ou à raison du sommet