La refondation patriotique ivoirienne, pour quel bilan ? Par Dr Serge-Nicolas NZI

Par Dr Serge-Nicolas NZI | Contribution éditoriale | Connectionivoirienne.net…

I – Nous sommes de ceux qui réclament un bilan honnête des refondateurs du FPI qui ont porté Laurent Gbagbo, au pouvoir en octobre 2000. Quel est le résultat de leur gestion du pouvoir politique, économique et institutionnel ? Que reste-il des dix années qu’ils ont passées à la tête de la Côte d’Ivoire ? Nous avons le droit d’exiger d’eux le bilan des actions qu’ils disent avoir menées pour le bien des Ivoiriens.

Près de 100 000 ivoiriens sont morts dans les pogroms et une chasse à l’homme dans lesquelle des femmes furent violées, des hommes furent égorgés comme du bétail, d’autres furent brûler vifs sur le bûcher de la haine interethniques. On ne peut pas passer tout cela par perte et profit dans une sorte de règle comptable sans aucune explication.

Ceux qui observent le FPI depuis plusieurs années nous disent que c’est un parti, qui est exigeant dans sa propre autocritique et que nous devons attendre que le parti se restructure et fasse le bilan au grand jour devant les ivoiriens. Cela ne peut se faire dans un pays où ils auront le droit de se réunir, de tenir meeting, congrès et débattre librement de leur propre avenir dans la nouvelle Côte d’Ivoire qui est devant eux.

Cela risque de prendre du temps. Chaque ivoirien d’ici là a le droit de réfléchir sur l’expérience de ce parti une fois au pouvoir. Qu’est ce que le FPI a apporté de plus à la gouvernance nationale ? Gbagbo Laurent et ses amis ont-ils innové ? Ont-ils fait de la Côte d’Ivoire un pays responsable et écouté dans la sous région et dans le monde ? Comment expliquer aux familles de ceux qui sont morts, les incohérences qui ont conduit à la liquéfaction de la refondation et à sa liquidation le 11 avril 2011 ?

Nous ne sommes pas de ceux qui se réjouissent des malheurs de ce parti. Nous n’avons aucune envie de sarcasmes et de voyeurisme sur les difficultés et les risques qui pèsent chaque jour sur leur tête. Nous voulons chercher à comprendre le cauchemar d’un pays qui avait tout en sa possession pour réussir son destin et qui est aujourd’hui plongé dans un immense marécage dans lequel il a complètement perdu son âme.

II – Au commencement était l’opposition

Laurent Gbagbo est né en politique par la faute même du président Félix Houphouët-Boigny. Les arrestations arbitraires, l’expulsion de la Côte d’Ivoire de sa première épouse Jacqueline Chamois, avec son bébé de 6 mois. Les menaces sur ses parents et sa famille ont fini par faire de lui le porte flambeau de la lutte contre l’autocratie et le système de parti unique omnipotent au service non pas des ivoiriens, mais d’un groupe clanique de possédants, regroupés autour d’un seul homme qui s’arc-boutait sur ses privilèges.
Gouverner autrement fut alors une vision et un chemin de rénovation politique et institutionnelle pour un avenir commun qui nous implique tous. C’est cette idée qui donna naissance à la refondation et au patriotisme qui l’accompagne.

III – Le FPI et la fibre Patriotique

Patriote et patriotisme ont eu de la présence dans le débat public sous le régime de la refondation. Comment comprendre l’origine de cette fièvre dite patriotique ? Le patriotisme est l’attachement à la patrie, c’est un sentiment partagé d’appartenance à un même pays, la patrie.

Ce sentiment doit renforcer les bases au nom des valeurs communes qui poussent chaque ivoirien à ressentir de l’amour et de la fierté pour la patrie. Le patriote est dans ce sens celui qui est prêt à se dévouer ou à se battre pour défendre la patrie menacée. Dans ce sens la réaction des ivoiriens face à l’armée française, fut un grand moment de fièvre patriotique car la plupart de ceux qui étaient devant les blindés de l’ancienne puissance coloniale n’étaient pas tous des militants du FPI.

C’est grâce à la cécité politique et à l’aveuglement du gouvernement français de Jacques Chirac et Dominique Galouzeau de Villepin, que le mot patriote a trouvé une consécration dans la conscience politique des ivoiriens, pendant les massacres sanglants perpétrés par l’armée française contre les ivoiriens, sur l’esplanade de l’hôtel ivoire en novembre 2004, le patriotisme avec l’idée de la nation ivoirienne souveraine et surtout de la sacralité de l’indépendance de la Côte d’Ivoire est devenu à la fois intouchable et un idéal mobilisateur de la nation. Il est aujourd’hui en sommeille comme un volcan. Comme les volcans, il peut rentrer en éruption à tous moments.

Certains observateurs disent que c’est à partir de là que le patriotisme des ivoiriens a enrichi et consolidé le nationalisme ivoirien qui était en sommeille lui aussi depuis le début de l’indépendance. Félix Houphouët-Boigny, Le premier président de la Côte d’Ivoire moderne, n’avait-il pas proposé la double nationalité entre les ressortissants de son pays et ceux des pays membres du conseil de l’entente ?

Dans la réalité il s’agit de l’affrontement entre un nationalisme civique basé sur le droit du sol et la vie commune dans un pays construit par le travail de tous. C’est la position du RDR. Et un nationalisme identitaire qui privilégie l’appartenance au pays, l’attachement à son indépendance, à sa souveraineté, l’unité et la prospérité de son propre pays et de son propre peuple. En d’autre terme pour le FPI, l’intérêt national comme primauté de la vie sociale, économique et politique de la nation.

IV – Revenons sur la refondation et son sens politique au FPI

Adopter par le FPI sous l’inspiration de notre devancier le Pr. Harris Memel-Fotê. Refondation, c’est refonder ou reconstruire sur des bases nouvelles, ce terme dans son utilisation politique a été élargi à la société ivoirienne dans son ensemble. De ce point de vue le FPI voulait entreprendre une remise en cause et des réformes en profondeur dans le fonctionnement de la société ivoirienne.

Les refondateurs voulaient en premier lieu, mettre fin au pacte colonial hérité du Parti démocratique de Côte d’Ivoire le PDCI-RDA. Le FPI refuse une indépendance sous tutelle. A l’ombre de la France. Les refondateurs estiment que les relations avec l’ancienne puissance colonisatrice sont étouffantes et empêchent le plein épanouissement de la nation ivoirienne.

Fonder une nation à notre service et non pour l’enrichissement de l’ancienne métropole. C’est l’origine du patriotisme et de la surenchère nationaliste qui a accompagné la refondation jusqu’à sa chute finale. La refondation voulait aussi sortir du parti unique, de l’absence de débats contradictoires et du centralisme étatique avec ses abus de pouvoir ainsi que de l’étouffement des libertés démocratiques.

Dans ce sens les refondateurs nous proposaient une décentralisation des structures politiques et administratives du pays. Un regard nouveau sur la gestion économique du pays. Ils dénoncent le partenariat privilégié avec la France et au profit de la France. L’endettement excessif de l’Etat et cette monnaie logée au trésor français qu’est le franc CFA.

Diversifier la coopération économique et politique avec d’autres partenaires, en Afrique, en Asie et en Amérique latine et en Amérique du nord pour que la Côte d’Ivoire ne soit la chasse gardée de personne d’autre que les ivoiriens qui travaillent ensemble pour satisfaire leurs besoins, construisant une nation à leur service.

Revoir la répartition des revenus des produits comme le café et le cacao en faveur des paysans en vue de leur assurer une prise en charge sociale et médicale ainsi qu’une retraite pour leurs vieux jours. Promouvoir l’agriculture vivrière pour parvenir rapidement à l’autosuffisance alimentaire. Et la création d’une assurance maladie universelle (AMU) et l’école publique gratuite jusqu’à l’âge de 17ans. Voici sans aller dans les détails les grandes lignes de ce que les refondateurs nous proposaient dans leur conquête du pouvoir en octobre 2000.

V – L’épreuve du pouvoir

C’est par une bataille sanglante entre les forces du général Robert Gueï et celles ralliées à Laurent Gbagbo, que ce dernier est rentré au palais présidentiel, en octobre 2000, après la tentative de confiscation du pouvoir par le général et sa soldatesque. Tout cela était mauvais signe.

À peine installé dans le fauteuil présidentiel que le nouveau président à du affronter le charnier de Yopougon. Que s’est-il passé réellement ? Qui sont ces personnes tuées par balle et jeter dans la nature sans sépultures ? Pourquoi toute la lumière n’a jusqu’ici pas été faite ? Les explications des uns et des autres ne nous ont pas convaincus au point ou le charnier de Yopougon reste dix ans après un mystère pour beaucoup d’entre nous.

Nous pouvons aussi reprocher au professeur président cette sorte de naïveté qui lui faisait croire que les forces centrifuges et tous ceux qui lui disaient qu’ils n’allaient pas attendre 2005 pour arriver au pouvoir n’avaient aucunes assises et qu’il pouvait dormir tranquillement sur ses deux oreilles dans le palais présidentiel. Ce fut une erreur politique monumentale.

Pourquoi le Pr. Laurent Gbagbo, n’a-t-il pas sécurisé les frontières de la Côte d’Ivoire dès le début de son mandat ? Le président du Burkina Faso, le Capitaine Blaise Compaoré, nous a dit avoir averti le président ivoirien de la présence, dans son pays de déserteurs de l’armée ivoirienne, pourquoi rien n’a été fait pour les réintégrer ? L’armée ivoirienne était dans un dénuement total, y compris les munitions au moment de l’attaque du pays dans la nuit douloureuse du 19 septembre 2002.

Le président ivoirien de l’époque, connaissait-il la réalité de cette situation ? Et si oui qu’a-t-il fait ? Car à ce niveau de responsabilité il ne peut pas nous dire qu’il ne savait pas. Car ce serait beaucoup plus grave d’ajouter la stupidité à l’irresponsabilité. Le Président de la République n’est-il pas le chef des armées et le garant de l’intégrité territoriale du pays ? Tous les ivoiriens cherchent aujourd’hui encore des réponses à ces questions de simple bon sens.

Tous nos morts nous interpellent pour que le Président de la République de l’époque et ses amis frondeurs, frontistes et refondateurs expliquent aux ivoiriens cette naïveté qui a conduit à l’irresponsabilité de laisser l’armée d’un pays dans l’incapacité de le défendre face à une rébellion qui conduira à la partition de notre pays, pour finalement faire de Soro Guillaume, le Premier ministre de la Côte d’Ivoire. C’est un pays affaibli et à plat ventre qui a finalement donné une légitimité à la rébellion, voilà une situation choquante, inacceptable et surtout impardonnable au FPI et à son professeur président notre frère, Laurent Gbagbo.

– Pourquoi, c’est après l’attaque des rebelles que les refondateurs ont commencé à courir à droite à gauche et dans tous les sens comme des gamins pour acheter des armes au prix fort, car le marchand d’armes qui sait que tu es dans l’urgence du besoin te vend toujours au double du prix du marché ?

– Cette imprévoyance de vouloir refonder un pays et une société humaine sans la moindre capacité de la défendre physiquement est non seulement une inconscience mais aussi l’une des aberrations de cette refondation frontiste et Gbagboïste qui a fait le lit de sa propre déchéance.

Nous sommes de ceux qui ont dénoncé l’ivoirité comme un venin dans le corps social de la nation ivoirienne, car ce concept politique maudit a mis le feu à la maison commune. Le silence des refondateurs, qui ne l’ont pas condamné fermement, et qui ont semblé le reprendre à leur propre compte, a considérablement terni l’image de notre pays et du régime frontiste de la refondation. Dès lors que cela ne venait pas d’eux en le rejetant publiquement, ils auraient rendu un immense service moral à la nation et nous regrettons que cela ne fût pas fait.

– L’une des grandes questions que nous nous posons aujourd’hui encore, est de savoir s’il était vraiment utile de rompre les équilibres fragiles de la nation pour promouvoir une identité nationale ivoirienne ou ivoiritaire? Quel sens donner au silence du FPI devant les tracasseries administratives dont étaient victimes des ivoiriens originaires du nord de la Côte d’Ivoire ?

– N’était-il pas plus simple de poser le problème de la nationalité et de le résoudre dans un dialogue national utile pour que les conditions d’attribution de la nationalité ne conduisent pas le pays à une guerre fratricide et inutile ?

– Les concours d’entrées à l’ENA, qui se vendent et s’achètent à la vue et au su de tous au point ou le président Gbagbo, est allé lui-même sur les lieux pour dénoncer cette forfaiture. Ne pouvait-il pas diligenter une enquête et arrêter tous ces truands pour les livrer à la justice ?

– Les concours de l’école de police ou les 75% des candidats admis appartiennent curieusement au groupe ethnique bété est sous nos yeux pour étaler les turpitudes d’une refondation atteinte par cette maladie égoïste et ethnocentriste que nous avons reprochée en son temps au PDCI-RDA.
– Pourquoi n’avoir pas renégocier en douceur les accords de coopération avec la France au lieu d’une attaque frontale avec un adversaire dont on connaît la capacité de nuisance ?

– pourquoi n’avoir pas trouvé un terrain d’entente avec le PDCI-RDA, dans une alliance nationale qui aurait pu ouvrir les portes d’un compromis historique de gouvernance pour sauver l’honneur et la dignité des ivoiriens aujourd’hui amers et déçus de leur propre pays sous occupation ?

– Concernant les déchets toxiques. C’est quand même incroyable que ce soit en Côte d’ Ivoire qu’un bateau que personne ne voulait dans son port arrive à Abidjan pour y déverser son poison pour contaminer et tuer les ivoiriens dans un laisser faire total des autorités.

– Nous trouvons choquant le fait que jusqu’aujourd’hui, on ne sait pas encore avec exactitude qui est le propriétaire de la société Tommy, qui était le destinataire abidjanais des déchets toxiques, c’est quand même incroyable. Quel est donc ce pays bizarre où on peut aller déverser du poison et tuer gratuitement des familles entières ?

– Est-ce de la négligence, de la naïveté ou alors de l’inconscience ? Les refondateurs doivent chercher eux mêmes les réponses qui conviennent pour expliquer cette situation paradoxale qui a terni une bonne partie de leur crédibilité politique au près de nos populations.

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VI – Quelques éclaircies et des lueurs d’espoirs

L’école gratuite quoi qu’on en dise fut un succès au point ou écoles publiques et privées se sont multipliées dans le pays, avec à la clé le manque d’enseignants dans le primaire et le secondaire.

Nous saluons la formation professionnelle et surtout les lycées professionnels qui ont été une réponse timide peut-être mais concrète au chômage des jeunes. L’un des plus beaux fleurons que nous avons eu à visité en 1998 de passage en Côte d’Ivoire fut le Lycée professionnel, d’Odiénné.

Spécialisé dans la formation des spécialistes de l’agro-alimentaire et de l’agro-industrie. C’était un établissement de haut niveau avec du matériel performant, des enseignants de qualité dans un décor qui rivalise avec les campus des grandes écoles européennes. Nous étions tous fières de cet établissement.
Malheureusement tous les matériels furent sauvagement pillés par la rébellion qui n’a pas cherché à protéger les acquits précieux d’une région et d’un pays. Tout fut démonté sous le regard de nos parents d’Odiénné et expédié dans les pays voisins. À Touba, les Mahous se sont opposés au pillage des infrastructures de leur région. Pourquoi les malinkés sont-ils restés les bras croisés devant tant de destructions sous leurs yeux ?

D’autre part l’idée de lancer un appel à concours pour recruter les directeurs des grande régis financières (Douane, Trésor, impôt etc) était une bonne chose. Nous voulons tous que le lien de famille, le groupe ethnique ou tribal ne soit pas un critère de compétence. Mais il fallait le faire aussi pour les sociétés d’état et les organismes qui sont sous la tutelle des ministères, comme ( l’AGEFOP ou l’AGEROUTE).

La refondation nous a expliqué que le pays pouvait fonctionner avec un budget sécurisé puisé dans ses propres recettes. Ainsi le fonctionnement de l’Etat était assuré, le payement des salaires et les investissements de l’Etat et de ses divers engagements.

La décentralisation fut une réalité au début avec les conseils régionaux pour inspirer le développement local avec une communalisation effective du pays. Malheureusement les moyens n’ont pas suivi cet immense espoir. Le fait qu’on connaissait ce que gagne le président de la république à la fin du mois a contribué à rapprocher le peuple du pouvoir.

La simplicité du président refondateur, sa capacité à s’adresser directement au peuple dans un langage accessible à tous ont été des moments de communication tout à fait nouveau dans la vie politique ivoirienne. Mettre la veste et la cravate quand c’est absolument nécessaire et non toujours en costume et cravate en soie avec boutons de manchettes en or tout en riant aux éclats pour faire voir des molaires en or est indécent dans un pays en ruine.

Le décrochage des enseignants, la revalorisation des salaires du personnel de santé. Le Statut des magistrats, des préfets, des ambassadeurs, des corps habillés etc. furent des bonnes choses sur lesquelles aucun ivoirien ne peut cracher. Le fait aussi que dans toutes les négociations avec les investisseurs, ils ne venaient pas à la rencontre d’un président affairiste.

L’indépendance affichée par le fait que les refondateurs ne prenaient pas des ordres à Paris à Londres ou à Berlin pour se prononcer sur les grandes questions de notre temps. Ou pour diversifier la coopération de la Côte d’Ivoire avec les autre pays est tout à fait à l’honneur de la refondation.

Car par le passé le président ivoirien dont le directeur de cabinet était un Français rendait compte des réunions de l’OUA à l’ancienne puissance coloniale qui de fait avec un droit de regard sur la vie politique diplomatique et sur les choix économiques de notre pays. Nous ne voulons plus d’un président pris en otage par les français, c’est même une profonde aversion que les ivoiriens doivent à l’éducation de masse effectuée par les refondateurs.

Et enfin la loi qui aboli quasiment, la censure et le délit de presse est une loi qui dans son application garantie la liberté d’expression, responsabilise le journaliste et constituait sous le régime de la refondation une avancée aussi bien pour l’affirmation des libertés publiques pour que naisse une presse libre chez nous aussi.

VII – L’amertume, et l’échec

Les refondateurs nous avaient promis d’organiser une vie de dignité chez nous. À travers l’organisation de notre propre activité de production pour bâtir une nation en notre faveur. Nous y avons cru et ils ne furent même pas capables de retirer les ordures ménagères de nos rues. Le district d’Abidjan et les mairies se disputaient comme des chiffonniers sur les compétences et le financement de la collecte des ordures qui pourrissaient sous nos yeux pendants des mois et des années.

La refondation nous avait promis de faire en sorte que la richesse nationale, déjà insuffisante, produite par la majorité de la population, ne soit plus accaparée par une minorité, dont le niveau de vie insulte la pauvreté croissante du malheureux peuple ivoirien.

Elle nous avait promis la fin du rackette, du tripatouillage, de la magouille politico affairiste, les surfacturations, les attributions de contrats d’Etat sans appels d’offres. Et pourtant le contrat avec l’opérateur SAGEM, avait été attribué sans appel d’offre. Les refondateurs se sont coupés du peuple qui les a élu pour habiter le cite paradisiaque de l’île Boulay, ils ont fait étalage de résidences et de voitures luxueuses en peu de temps dans un pays où la majorité des citoyens ont de la peine à manger, n’était-ce pas une indécence qui frôle l’inconscience et trahit en même temps les idéaux de la refondation Gbagboïste qui nous promettait le paradis sur terre ?

L’Université

Nous avons voulu croire que l’université sous le régime de la refondation sera un lieu de socialisation, un lieu de liberté, de formation et de diffusion du savoir, un lieu de promotion de la recherche scientifique et technique elle fut malheureusement un stade d’affrontement, de conflits fratricides et autres combats sanglants à la machette où des bûchers d’inquisition y étaient élevés pour brûler ou tuer ceux qui avaient le malheur de penser autrement.

Les étudiants et les professeurs s’y rendaient la peur au ventre. C’est ce qui explique que l’université et son campus, furent attaqués, pillés, dépouillés, saccagés et fermés par les dozos du nouveau régime pour servir d’exemple à tous ceux qui pensaient détenir le monopole de la violence sur ces lieux.

Les refondateur sur le terrain de la gestion des ressources agricole et financière pouvaient éviter à notre pays le minable laxisme l’amateurisme indigne de la bande de copains dans la gestion de la filière Café, cacao. Cela reste et demeure pour nous tous une gabegie impardonnable.

Ne valait-il pas mieux de restructurer la CAISTAB et utiliser son savoir faire que de créer cette structure de gestion, à la fois médiocre sans tête ni queue dans laquelle une secrétaire de direction s’est retrouvée au conseil d’administration non pas pour sa compétence mais pour sa proximité avec les refondateurs ?

On se demande aujourd’hui où sont passés tous ces patriotes qui hier encore nous disaient qu’ils étaient les dépositaires patentés du nationalisme et du patriotisme sur terre ? Les femmes patriotes dont certaines se dénudaient et insultaient Dominique de Villepin, doivent se demander avec le temps si les actions de ce genre font avancer la cause d’un pays en souffrance devant un plus fort que soit ?

– pourquoi à part la Guinée, tous les voisins étaient contents des malheurs de la Côte d’Ivoire ? – Où sont-ils enfin tous ces militaires gbagboïstes, qui nous disaient hier que cette fois sera la bonne ? Il faut à l’avenir éviter de donner à des honnêtes gens des rêves inaccessibles qui peuvent les conduire au naufrage si non au suicide collectif en toute bonne foi comme dans une secte où on meurt pour le plaisir de suivre le gourou au paradis.

Finalement en politique comme ailleurs, il vaut mieux agir plutôt que de se livrer à la surenchère et à des déclarations fracassantes. Dans la vie politique, les équations et les enjeux changent chaque jour. Il faudra donc que tous ceux qui veulent faire de la politique sous nos cieux, s’éloignent des certitudes et de l’arrogance primaire pour retrouver un peu la modestie nécessaire pour reconstruire les pays déchirés dont nous sommes les fils.

Quel est le résultat de toutes ces promesses de la refondation ?

Bref, faire en sorte que dans son renouveau politique, économique, social et culturel, la gestion des affaires publiques de la Côte d’Ivoire soit transparente et loin de l’opacité qui favorise la combine et les détournements massifs de l’argent public. Certains diront il y a eu la guerre et les moyens ont été utilisés pour défendre le pays. Mais à la fin pour quel résultat ?

C’est le résultat final qui compte quand on fait un bilan. Si les choix de la refondation ont conduit le pays dans l’impasse et au naufrage, ayons le courage de le dire clairement à nos frères et sœurs de la refondation patriotique frontiste et Gbagboïste, qui ont gouverné la Côte d’Ivoire, pour qu’ils fassent avec nous le constat de l’immense désastre que les ivoiriens n’ont pas encore fini de payer en vie humaine et en matériel.

Nous avons voulu ici utiliser les instruments de l’histoire récente et douloureuse de la Côte d’Ivoire, pour aller vers notre frère le président Laurent Gbagbo et ses camarades de lutte, pour leur dire sans ambiguïté que le bilan des improvisations, des incohérences, des dissimulations, des reculades et des fuites en avant à ne plus en finir est aussi le bilan d’une catastrophe, d’un échec qui a laissé beaucoup d’ivoiriens amers et hagards dans un cauchemar sans nom. Le bilan global de cette grande aventure politique fait de haut et de bas ne pourra pas nier sa responsabilité et ceux des siens.

VIII – La liquidation de la refondation

Les refondateurs qui se disent que le monde entier est contre eux et que même Dieu qu’ils ont adoré et supplié jusqu’au dernier jours avec des jeûnes à ne plus en finir, les avait abandonné avant l’assaut final. Aucun d’eux n’a pensé que les turpitudes et les forfaitures qu’ils ont alignées comme des casseroles sur leur parcours de gouvernance, allaient peser lourd dans le décompte final.

L’image qu’ils ont laissée dans l’imaginaire des ivoiriens et surtout de leurs nombreux ennemis, est l’image minable de la république des copains. La république de la combine et du tripatouillage. Voilà pourquoi la proclamation du conseil constitutionnelle du Pr. Laurent Gbagbo comme président élu par le corps électoral sonnait faux, dans une bonne partie de l’opinion nationale et internationale.

C’est la raison pour laquelle le front populaire ivoirien et ses militants se sont retrouvés tout seul au milieu de leur propre chemin, abandonnés de tous, incapables de rendre leur parole audible dans le cortège de soupçons et d’accusations qui pesaient sur la refondation patriotique et sa volonté de confisquer le pouvoir à travers une institution phagocytée par le copinage.

Le tableau est sombre, il ressemble curieusement à une décapitation sur la place publique. Comme la situation du MNC, après l’arrestation le 5 décembre 1960 et la déportation au Katanga de notre frère Le président du Mouvement national congolais et premier ministre, patrice Emery Lumumba et ses compagnons d’infortune Maurice MPOLO et joseph OKITO. les militants et compagnons du MNC en fuite ou dans les maquis, dans un sauve-qui-peut général de survie.

Son épouse notre sœur Pauline Lumumba-Opango, connaîtra l’Exil, c’est auprès du président Gamal Abdel Nasser dans le quartier de Zamalek, au Caire en Egypte qu’elle trouvera paix et réconfort pour affronter la vie et l’éducation de ses enfants. L’idée même que le gouvernement de Mobutu n’a même pas eu la décence de protéger la famille de Lumumba, reste aujourd’hui encore une cécité morale qui fait de Mobutu, même dans sa tombe l’incarnation du diable. Malheur et grands malheurs aux gouvernements qui maltraitent la femme et les enfants de leurs adversaires pour faire payer aux descendants des crimes qu’ils n’ont pas commis.

Le FPI, est aujourd’hui décapité. Il aura du mal à se relever, car le Dr. Allassane Ouattara, au vue de son âge espère passer dix ans au pouvoir et passer le relais à Soro Guillaume pour quinze autres années. Les Akan ont dirigé la Côte d’ivoire pendant trente deux ans.
Les Yacouba ont dirigé le pays pendant dix mois. Les Bété, pendant dix ans, c’est le cycle des Malinké, Sénoufo, Bambara et autres Koyaga pour un quart de siècle c’est-à-dire 25 ans. Puisse que le PDCI-RDA, est sous anesthésie en salle de réanimation, il est en état de léthargie, il faut alors décapiter et en finir avec le FPI.

Gbagbo, se trouve à la HAYE, le Pr. Mamadou Koulibaly a quitté le FPI et à créé son propre parti le LIDER. Pascal Affi Nguessan, se trouve en prison à Bouna, Simone Gbagbo se trouve en prison à Odiénné, Gilbert Aké Ngbo, Abdou Dramane Sangaré, Alcide Djédjé, Michel Gbagbo, Charles Blé Goudé, Geneviève Bro Grégbé, Philippe Dacoury-Tabley, sans compter tous les exilés. Le président intérimaire, Sylvain Miaka Oureto, fait ce qu’il peut pour sauver les meubles et ce qui reste de la maison FPI en plein naufrage.

Les militants eux sont désemparés, livrés à eux même devant un pouvoir dont la soldatesque écume les domiciles des exilés, les plantations et tous les petits campements du pays Bété, pour que le pouvoir soit maître des centres urbains et de l’arrière pays. Dans une telle situation qui va oser organiser la résistance patriotique et refondatrice en débandade complète si non en sursis ?

C’est à notre frère le professeur d’histoire, Laurent Gbagbo, que nous voulons rappeler ici la capture de l’Empereur inca Atahualpa, le fils du soleil et sa suite le 16 novembre 1532, par un corps expéditionnaire de 200 hommes espagnols sous la conduite de Francesco Pizzaro.

Cette attaque audacieuse, doublée d’un effroyable massacre, allait sonner le glas de l’empire inca dont la capitale Cuzco allait tomber aux mains ennemis et amorcer sa conquête par les conquistadores espagnols et pourtant rien ne laissait présager qu’une poignées d’aventuriers pouvaient en un seul jour porter un coup aussi fatal à une civilisation aussi brillante que celle des Incas, le plus vaste empire de l’Amérique précolombienne.

Les refondateurs, frontistes, frondeurs et gbagboïstes, son exactement dans la même situation. Une fois Laurent Gbagbo, capturé le 11 avril 2011, chacun se cherche comme s’il était perdu en pleine jungle, c’est la débandade générale, un sauve-qui-peut et l’abandon parfois des convictions qu’ils brandissaient hier encore. Bien sûr que les refondateurs nous diront comme d’habitude que c’est facile pour nous de juger de l’extérieur. Nous leur rappelons ici que la seine appréciation des rapports de forces est une exigence de lucidité en politique. Ne commence jamais ce que tu n’es pas capable de terminer.

Ils sont nombreux, les hommes sans convictions qui s’engagent en politique sous nos cieux. Voilà pourquoi nous disons que les partis politiques en Afrique sont durablement frappés d’une infertilité. Nous ne prendrons pas en ce qui nous concerne une seconde de notre temps pour les écouter car ils sont incapables de porter un idéal jusqu’à sa concrétisation. Ils n’ont que leur avenir personnel comme projet et rien de plus.

Sans descendre dans le défaitisme et dans l’horizon obscure du FPI décapité, nous avons voulu faire le constat dramatique d’une situation pas du tout gaie. Mais qui mérite un regard critique exigeant et non attendrissant de la part des ivoiriens, parce que ce parti nous avait dit qu’il allait gouverner autrement, pour quel résultat et pour quel bilan ?

IX – Postulat de conclusion générale

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Quand on veut se battre contre une mafia politico affairiste il faut avoir les armes et les alliances nécessaires si non cela ne vaut pas la peine de déclencher les hostilités. Les refondateurs, préparaient une monnaie et la sortie du franc CFA. Ils préparaient la nationalisation des Banques le départ des troupes françaises en cas de victoire de Laurent Gbagbo et la seconde indépendance de la Côte d’Ivoire. Avaient-ils les alliances et les moyens de réalisation d’un tel projet novateur, révolutionnaire et refondateur ? Si non pourquoi aller se noyer en commençant ce qu’on ne peut pas réaliser ?

Ce qui reste du FPI aujourd’hui peut-il rebondir comme, parti politique sur la scène ivoirienne ? Nous voulons dire rebondir pour innover afin de gagner le cœur et la confiance des ivoiriens. Cette opération délicate pour conduire un tel aggiornamento, nécessite plus que jamais le courage, l’humilité, la modestie et surtout la lucidité.

La lucidité n’est pas un terme vague, ni une parole sans signification que prononcerait facilement un perroquet. L’image de Laurent Gbagbo, pitoyable, le visage tuméfié, le regard vide, son épouse tétanisée, son fils battu et molesté, exhibés comme des trophées devant le monde entier dans un décors de fin du monde. Qui peut dans ce contexte de désespérance imposer la lucidité à ce qui reste de cette refondation qui nous avait promis de gouverner autrement ?

Être lucide pour gouverner en faveur des ivoiriens dans les temps présents dont nous sommes tous les témoins. C’est avoir de la clairvoyance, pour bien évaluer les risques à long terme des actes d’aujourd’hui, ainsi que les défis que nous imposent les temps nouveaux.

Cela permet de bien analyser les évènements, de comprendre très vite les difficultés qui se profilent à l’horizon pour éviter de se faire mal demain en évitant aujourd’hui d’insulter l’avenir. La lucidité dans ce sens permet de retrouver les voies de la cohérence là où on risque de répéter les erreurs d’hier qui nous avaient conduit dans les impasses douloureuses de l’histoire.

La Lucidité suppose donc du bon sens dans la réflexion, le sens du discernement, l’esprit critique, la capacité de se remettre en cause pour rebondir sur ses deux pieds, mais aussi de répondre aux questionnements que le temps impose à l’urgence. Le refus d’une alliance avec le PDCI-RDA, le débauchage de quelques cadres par-ci, par-là et de tous les opportunistes qui voulaient aller à la soupe frontiste a-t-il été profitable à la refondation ?

Nous pensons sincèrement pour nos frères et sœurs du FPI, que la défaite politique et militaire de la refondation et l’arrestation de ses dirigeants doivent être l’occasion pour tous les militants, les sympathisants et autres responsables d’une remise en cause profonde s’ils veulent reconquérir le cœur, la confiance des ivoiriens et revenir aux affaires par les urnes pour exercer le pouvoir d’Etat.

Celui qui écrit ces lignes n’appartient à aucun parti du marigot politique ivoirien. C’est un esprit libre qui témoigne du drame d’une nation. Les partis politiques tiennent un listing avec les adresses de leurs militants, ils peuvent tous témoigner que nous sommes loin et très loin de la moindre sympathie avec les pratiques qui sont les leurs. C’est cela aussi l’indépendance d’esprit.

Nous sommes exigeant avec le PDCI-RDA, parce qu’il est le parti qui a conduit la Côte d’Ivoire à l’indépendance, il doit pour cela être exemplaire et irréprochable sur la construction et l’enracinement de la démocratie en Côte d’ivoire. Nous sommes sévère dans notre jugement sur les atermoiements, les reculades et les incohérences de la refondation qui ont conduit notre pays tout droit dans une marre de sang, de larmes de honte et de résignation.

En ce qui concerne le RDR, il nous avait promis des solutions pour nous conduire au bonheur. Il doit nous prouver au quotidien qu’on n’est pas dans la république des dozos et des zozos. Il faut rendre les maisons et les plantations occupées à leurs propriétaires légitimes. Il doit prouver qu’il est porteur d’un vrai projet de société, pour la construction d’une Côte d’ivoire juste et digne pour tous les ivoiriens.
Cela permettra d’installer durablement la confiance dans la vie commune, pour sortir de l’imprévisible, de l’irréel et faire route ensemble vers le prévisible. Si ce n’est pas le cas, alors il faut désespérer de la Côte d’Ivoire ici et maintenant.

Hannah Arendt, que nous considérons comme l’une des grandes prêtresses de la pensée, dans la philosophie politique du monde occidentale nous disait dans ; la condition de l’homme moderne, que :
<< contre l’imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l’avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir des promesses. >>

Tel est la réflexion que nous inspire le visage minable déchirant, ensanglanté et méconnaissable de la Côte d’Ivoire post-refondation et post-crise. Un pays qui n’est pas encore sortie de cette invasion qui restera dans l’histoire comme un contentieux électoral, transformé en une guerre qui n’a pas encore restaurer l’état de droit et la paix des coeurs au pays des éléphants.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication
Lugano ( Suisse)
E-Mail : nzinicolas@yahoo.fr

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