Par Jean-Antoine Zinsou | Facebook | 14 novembre 2013
Depuis des décennies, la corruption et l’impunité sont les deux mamelles nourricières de la société ivoirienne, à commencer par ceux qui exercent le pouvoir politique. Le poisson pourrit par la tête, dit l’adage. Quoi de plus vrai quand on jette un regard aussi critique que lucide sur la gestion des affaires de l’état ivoirien.
La politique est considérée chez nous comme le plus sûr moyen d’accéder à la richesse. On vient en politique non pas pour servir un peuple et une nation, mais pour se servir. Que n’a-t-on pas dit sur la gestion des refondateurs ? Malheureusement aujourd’hui, rien ne semble avoir changé. Pouvait-il en être autrement, quand une partie des personnalités politiques de l’époque est passée à travers la tempête de la crise post-électorale et demeure encore dans la salle des commandes du navire Ivoire ? Que peut-on espérer de ces hommes politiques dont la motivation est plus pécuniaire qu’idéologique ? Le pouvoir est considéré comme un gâteau à partager et le jeu de la plupart des élites ivoiriennes consiste à tout faire pour être à la table de partage, pour bénéficier ne serait-ce que des miettes.
On parle des trois mille morts de la crise post-électorale et on intente des procès, avec l’aide d’instances internationales, pour punir les présumés coupables de cette abomination, le coupable désigné d’aujourd’hui étant bien sûr le vaincu d’hier. Il est si pratique de pointer un doigt accusateur vers l’autre pour mieux détourner le regard du peuple de sa propre part de responsabilité. Mais aussi terribles que puissent être des crimes de sang perpétués au cours d’oppositions politiques, ils pèsent si peu à côté des crimes économiques. Combien d’Ivoiriens ont-ils perdu la vie parce que l’argent qui aurait dû servir à construire et équiper des hôpitaux a été détourné ? Combien de jeunes Ivoiriens sont sur le marché du travail sans formation appropriée, à cause des défaillances du système éducatif ? Combien d’affaires ont-elles périclité parce que les infrastructures publiques qui auraient dû servir à leur expansion n’ont jamais vu le jour? Une partie de l’argent nécessaire à l’exécution de tous ces chantiers a plutôt fini dans la poche de responsables plus ingénieux pour mettre en place des systèmes de surfacturation que pour obtenir le juste prix pour les chantiers de la nation. Pas étonnant alors que les plus grosses fortunes de notre pays se trouvent plus chez les hommes politiques que chez les libres entrepreneurs.
La Côte d’Ivoire est malade de l’obsession de ses élites politiques qui consiste à détourner en toute impunité une partie de l’argent de l’Etat. Le paysage politique ivoirien est affligeant du fait de la mentalité de ceux qui l’occupent. Le président n’est pas le gestionnaire du bien commun, mais le messie qui apporte l’eau, l’électricité et les infrastructures. Les ministres ne sont pas les grands administrateurs de l’Etat, mais plutôt des grands ordonnateurs de dépenses surfacturées ou même parfois inutiles. Comment faire pour susciter un changement de mentalité chez des gens dont la seule devise semble être «moi d’abord et ôte-toi de là que je m’y mette pour faire pareil» ?
Quand un pays dit démocratique a une opposition qui est dans la critique négative systématique au lieu d’adopter une critique constructive et que sa classe dirigeante baigne dans l’autosatisfaction au lieu de faire son autocritique, il ne peut espérer une paix durable. Les réalisations d’aujourd’hui seront emportées demain dans le tourbillon des luttes fratricides pour la conquête du pouvoir.
Ne pas comprendre que la réconciliation est le chantier le plus important pour assurer durablement le mieux-être des populations, c’est souffrir d’une cécité politique absolue. Qu’on soit prêt à l’admettre ou pas, le jeu électoral a montré une Côte d’Ivoire partagée presqu’équitablement, entre deux modèles de développement. Le drame de notre pays, c’est qu’alors que l’état de la nation l’exige, nos forces politiques sont incapables de se concerter pour arriver à trouver un juste compromis. Il ne s’agit pas de mettre en place un gouvernement d’union dont le but inavoué est de se remplir les poches avec l’argent du contribuable, mais plutôt de s’accorder sur une feuille de route avec un pouvoir exécutif qui l’applique et une opposition qui veille au grain. Un tel sursaut de la classe politique ivoirienne semble peu probable. De ce fait, comment ne pas craindre les soubresauts que risque d’entrainer l’approche de l’échéance électorale de 2015 ?
Par Jean-Antoine Zinsou
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