L’histoire de la Côte d’Ivoire est si récente qu’il est très difficile, voire impossible de la falsifier. Elle rattrape rapidement quiconque veut la détourner à son seul profit. C’est le cas de Gbagbo Laurent. Tout ce qu’il a dit hier revient lui exploser au nez. L’escroquerie politique dans laquelle il a mené ses partenaires et adversaires revient à la surface comme pour exposer la vraie nature de l’homme qui dit, se dédit et médit. Ces articles que nous vous reproposons ont été déjà publiés dans les colonnes de « Le Nouveau Réveil », N° 820 du vendredi 13 août 2004. Plus de six ans après, la duplicité du candidat du FPI est plus que d’actualité. Le double langage qui a fait perdurer la crise, expose à nouveau le pays à une crise électorale. Gbagbo n’est pas à une contradiction près, ni à un double jeu politicien qui frise l’escroquerie vis-à-vis du peuple, mais aussi et surtout de ceux comme Ouattara qui avaient, un temps, cru en sa sincérité.
Le FPI et ses suppôts avaient voulu chercher à noyer le poisson qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Après avoir perdu la face à Accra III, le recours semble à nouveau être le trouble à jeter dans l’esprit des uns et des autres pour espérer briser le G7 en passe de « devenir le G1.(NDLR, il est question de briser aujourd’hui le RHDP) La recette, pour ce faire, est toute trouvée : » il faut montrer ou démontrer que c’est le Président Bédié et le PDCI qui sont le pire ennemi de M. Ouattara. Les archives sont fouillées pour en sortir le discours du Président Bédié du 22 décembre 1999. Mais on pourrait opposer à cela l’interview accordée par Laurent Gbagbo à l’hebdomadaire « l’Autre Afrique » du 29 octobre 1997 qui faisait l’apologie du coup d’Etat, de la prise des armes, du nettoyage de la constitution pour permettre à tous d’être candidats à la présidentielle.
La comparaison de ces deux textes montre à quel point l’intérêt égoïste et les dérives totalitaires ont façonné Laurent Gbagbo au point de lui faire faire une volte-face à 180 degrés.
Le 22 décembre 1999, soit 48 heures avant le funeste coup d’Etat, le Président Henri Konan Bédié, alors Président de la République, faisait son discours de fin d’année à la salle de la rotonde de l’Assemblée nationale. Les Ivoiriens ressentent aujourd’hui ce discours comme moins martial que ce qu’ils entendent depuis le 13 novembre 2001, à l’ouverture du fameux forum de la réconciliation nationale qui n’a servi que de la poudre aux yeux aux citoyens. Une foire aux injures et à l’expression de la haine du genre « l’article 35 est fait pour régler le cas Ouattara », comme le disait si fièrement le président Gbagbo. Le 22 décembre 1999, le Président Bédié disait entre autres: « L’exercice de la souveraineté du peuple est une grande et noble cause qui nous unit tous. La souveraineté nationale est ce que nous devons transmettre aux générations qui n’ont pas connu les combats de l’indépendance, .comme nous l’avons nous-mêmes reçue de ceux qui, encore nombreux parmi nous, peuvent en témoigner. Elle est notre bien commun… ». M. Bédié, évidemment, en parlant de la souveraineté nationale, parlait de l’intégrité territoriale. En parlant de la souveraineté du peuple, parlait de tout le peuple ivoirien, du nord au sud et de l’est à l’ouest, sans exclusion. M. Bédié, plaçait devant toute chose là Côte d’Ivoire une et indivisible; le peuple uni et fort. On était loin de penser que seulement trois ans après, la Côte d’Ivoire serait divisée en deux, les Ivoiriens seraient catégorisés .entre « patriotes » qui jouissent de tout et de l’impunité absolue et les non patriotes juste bons pour être massacrés, enlevés et torturés. On était loin de savoir que les concours et autres recrutements dans l’administration publique, dans les corps des forces de défense et de sécurité, dans les grandes écoles seraient le fait des seuls supôts du pouvoir FPI. Le Président Bédié n’a cessé d’appeler les Ivoiriens « à ne recourir qu’au seul dialogue quelle que soit la gravité du prob1ème que l’on veut poser, tout en restant unis et pacifiques « Si notre pays a mieux réussi que d’autres pays frères, cette réussite a une raison primordiale et fondamentale. Depuis les lendemains de l’indépendance, nous avons su sauvegarder l’essentiel, je veux parler de notre unité et de notre fraternité. Tandis que d’autres connaissent des troubles à répétitions, nous avons toujours su, aux moments critiques, surmonter nos divergences et préserver notre Unité « , disait-il. Est-ce le cas aujourd’hui avec le régime FPI de M. Gbagbo ?
Pour qui se rappelle ce qu’il a confié à « L’Autre Afrique » le 29 octobre 1997, on ne peut reconnaître aujourd’hui M. Gbagbo. Voilà comment il expliquait le boycott actif : « Quand les oppositions arrivent au boycott, c’est qu’elles y sont littéralement acculées… » Qu’a-t-il dit du retrait des ministres du G7 après le massacre de leurs militants les 25 et 26 mars 2004 ? La prise des armes pour le changement était pour lui une bonne voie » Les chefs d’Etat des régimes en place doivent savoir qu’aujourd’hui, lorsqu’un consensus national chargé d’amener des réformes démocratiques échoue, ce sont les armes qui parlent. Soit le coup d’Etat, soit la solution de Brazzaville… » Cinq (5) ans plus tard, ses alliés d’avant sont venus lui rappeler dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 que son forum de la réconciliation a échoué. Le président du FPI disait également » L’accès au pouvoir est bloqué par des codes électoraux et des pratiques électorales. C’est à, croire que ce régime veut la guerre « . Comment ce démocrate explique-t-il aujourd’hui sa volonté de s’accrocher à l’article 35 et ses manœuvres pour contrôler les listings et le découpage électoraux, pour mettre aux ordres de son parti l’administration décentralisée, pour acheter avec l’argent du peuple les clubs et mouvements de soutien? Il disait aussi ceci : » l’Ivoirité est une aberration, proche des thèses de l’extrême droite. Je me bats pour que cela ne soit jamais une idéologie populaire en Côte d’Ivoire. Là où l’être humain est né, là est sa première terre… » Où en est-il avec ces belles thèses ? Les alliances contre nature? Cela n’existait pas pour lui qui disait » On ne fait pas la politique avec des états d’âme! Ses alliés, on les prend là où ils se trouvent… » On comprend pourquoi il tremble devant l’éventualité de l’union des houphouëtistes.
Concernant la présence de l’armée française en Côte d’Ivoire, il n’en voulait pas du tout: » Je suis très content en entendant le gouvernement français dire que son armée allait progressivement se retirer de l’Afrique. D’ailleurs, ce sont toutes les troupes étrangères en Afrique qui doivent partir…Et si l’on arrive à une situation où ce sont les chefs d’Etat africains qui se battent pour qu’une armée étrangère reste sur leur territoire. C’est paradoxal, non ? » Pourtant, M. Gbagbo est fier de dire aujourd’hui comment l’armée française a sauvé son fauteuil face à la rébellion. Le démocrate Gbagbo était curieusement pour la libération et l’élargissement du tristement célèbre chef rebelle sierra léonais Foday Sankoh en ces termes » Il faut parvenir à un accord sur la Sierra Léone, en particulier, pour lequel la libération de Foday Sankoh est le premier pas. De plus, que voulons-nous en Sierra Léone, sinon la paix. Aucune paix n’est possible sans la libération de Foday Sankoh… dans la mesure où son mouvement est partie intégrante du nouveau pouvoir. » Comment comprendre que cet homme qui a tenu de tels propos hier veuille aujourd’hui enjamber les accords de Marcoussis et d’Accra pour rejeter Soro Guillaume et son mouvement du gouvernement. Comment comprendre que cet homme ait fait une vraie spectaculaire volte-face pour chercher à éliminer toute opposition?
EDDY PEHE
In “Le Nouveau Réveil” du 13 août 2004
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