A l’attention de la Rédaction,
Bonjour,
Je viens récemment de prendre connaissance de l’article Côte-d’Ivoire Afrique: La France est responsable du retard économique des pays de la zone Franc publié sur votre site. En fait, cet article se base, de bonne foi certainement, sur un article paru la semaine précédente sur un autre site et qui était particulièrement inexact (pour ne pas dire mensonger), à ma grande stupéfaction. Il s’agit de l’article : Pourquoi l’Afrique anglophone se porte mieux que sa sœur francophone.
Sans aucunement vouloir remettre en cause votre honnêteté intellectuelle ni l’impartialité de votre site d’information, je tiens toutefois à vous préciser, arguments à l’appui, que cet article initial publié à l’origine par une personne qui ne se présente même pas comporte de très nombreuses et grossières erreurs (dès le début par la photo), dont vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive. Avec deux liens internet pour preuve, et PDF en PJ.
Ce genre d’article nuit terriblement à l’image de chacun des pays francophones d’Afrique (Sénégal, Bénin, Côte d’ivoire, RDC…) et affecte considérablement leur attractivité aux yeux des investisseurs étrangers (et même de la diaspora). Ce qui est d’ailleurs le but recherché par certains…
Par ailleurs, et comme le confirment les centaines de réactions sur Facebook et autres forums de discussion ce derniers jours, ce genre d’article est de nature à semer la haine contre la France, les Français et les francophones du Nord, avec, in fine, des conséquences pouvant être parfois tragiques…
Vous priant d’être sensibles aux deux derniers arguments (et sans vouloir faire de politique de ma part), je vous invite donc à bien vouloir publier un article qui j’ai dernièrement rédigé. Fruit d’une véritable étude, et rédigé pour rétablir la vérité, il a été publié sur un site reconnu en matière d’économie :
L’Afrique francophone à nouveau en tête de la croissance africaine :
http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-154402-lafrique-francophone-subsaharienne-a-nouveau-en-tete-de-la-croissance-africaine-1202600.php
M’efforçant depuis longtemps à mettre en valeur les pays et peuples africains, et à les débarrasser des préjugés et poncifs qui leurs nuisent tant, mais en me basant uniquement sur des éléments vrais et vérifiables, veuillez recevoir l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Ilyes Zouari
Secrétaire général adjoint de la revue Population & Avenir (démographie et géographie humaine)
Ex-Administrateur de l’association Paris-Québec.
Auteur du « Petit dictionnaire du Monde francophone » (éditions L’Harmattan, Avril 2015)
Liste non exhaustive d’erreur répertoirées sur le site d’origine:
– AUCUN TGV ne circulera au Nigéria : ce n’est qu’un simple train ne dépassant pas les 150 km/h. Le premier TGV sera marocain en 2018, et donc… francophone (contrairement à ce qui est dit en légende)
– la COMESA n’a certainement jamais eu 7% de croissance en moyenne globale. Depuis 2012 (4 ans), elle se situe globalement autour de 3 à 4% (n’oublions pas que les « deux soudans » + Zimbabwe en font partie, et d’autres encore…)
– la COMESA n’est qu’une partie de l’Afrique anglophone (13 pays sur environ 22, selon les critères), et compte aussi la RDC qui en a la plus forte croissance…et qui est francophone. En était également membre le Mozambique (lusophone et à forte croissance).
– la COMESA compte non pas 3 pays francophones, mais 6 dont Djibouti et ses 6% de croissance annuels (voire 7 avec les Seychelles, créolophones)
– le Maghreb et Maurice sont francophones (bilinguisme administratif pour ce dernier)
– le classement du PNUD pour l’IDH s’arrête à 188 pays. Il y a donc une dizaine de pays qui sont « hors classement », et qui ne sont pas francophones (Somalie, Corée du nord…). De plus, le Soudan du Sud, classé mais ravagé et sans infrastructures, n’a plus reçu d’enquêteurs depuis 2010…
– le Tchad ne fait pas partie des trois derniers de ce classement, étant devant l’Erythrée (non francophone)
– Rapport Doing Business 2016 : de nombreux pays non francophones sont également très mal classés, ce que ne dit pas l’article. Par exemple, le Nigéria, première économie africaine, arrive à la 169ème place, et l’Angola (5ème économie) à la 181ème. Et aucun des quatre derniers pays n’est francophone (sur 189 pays).
– l’Afrique francophone subsaharienne (Zone CFA incluse) connait globalement les meilleures performances du continent. Elle a eu 5,1% de croissance annuelle entre 2012 et 2015 (4 ans), contre 3,7% pour l’Afrique subsaharienne anglophone (Ethiopie et Rwanda inclus)
– les pays francophones producteurs de pétrole et de minerais résistent mieux que les pays non francophones, et non pas le contraire (croissance attendue à 0 à 1% cette année au Nigéria, en Angola et en Afrique du Sud, contre 3 à 6% pour la plupart des pays francophones producteurs, selon les dernières prévisions de la Banque mondiale)
– contrairement à ce que dit l’article, l’Afrique anglophone est bien plus ravagée par les guerres : Sud-soudan (50 à 100 fois plus de victimes qu’en RCA voisine), Somalie (ancienne colonie britannique et italienne), Darfour, Nigéria, et auparavant le Sierra Leone et le Libéria…sans parler des tensions au Zimbabwe, pays qui a même officiellement supprimé sa monnaie et l’a remplacée par le dollar.
– enfin, n’oublions pas que les dictatures le plus anciennes d’Afrique se trouvent dans sa partie anglophone, comme en Ouganda, en Gambie, au Soudan…
Encadré:
L’Afrique francophone subsaharienne à nouveau en tête de la croissance africaine
Ilyes Zouari / Secrétaire adjoint de la revue Population & Avenir
Source: lesechos.fr
Avec une croissance moyenne de 5,1 % sur la période 2012-2015, l’Afrique francophone subsaharienne s’affirme comme l’un des principaux relais de la croissance mondiale. Les politiques de diversification y contribuent grandement, mais l’application future d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et la Cédéao menace les intérêts communs de cet ensemble et de la France.
Pour la deuxième année consécutive et pour la troisième fois en quatre ans, l’Afrique francophone subsaharienne a enregistré en 2015 les meilleures performances économiques du Continent. C’est ce qui ressort de l’édition 2016 des » Perspectives économiques mondiales », publié par la Banque mondiale en janvier dernier.
En tenant compte des poids respectifs de chacune de ses économies nationales, cet ensemble de 22 pays a ainsi connu une croissance moyenne de 4,6 % l’an dernier, et une croissance annuelle moyenne de 5,1 % sur la période 2012-2015.
Sur ces quatre dernières années, certains pays francophones ont réalisé d’importantes performances, comme la Côte d’Ivoire (9,2 % par an en moyenne), la République démocratique du Congo, désormais premier pays francophone du monde avec ses 74 millions d’habitants (8,2 %) ou encore le Tchad (6,5 %).
En excluant le cas très particulier de la Guinée équatoriale, pays producteur de pétrole, mais dont la très faible taille et population (0,8 million d’hab.) explique la forte dépendance aux cours des hydrocarbures, la croissance atteint même une moyenne annuelle de 5,6 % (et de 5,7 % pour la zone CFA, Guinée-Bissau lusophone exceptée). Pour sa part, l’Afrique anglophone subsaharienne (Éthiopie et Rwanda inclus) observait des moyennes de 3,0 % pour 2015 et de 3,7 % pour les quatre dernières années.
Important relais de la croissance mondiale
Au moment où l’économie chinoise ralentit, l’Afrique francophone subsaharienne se présente donc comme l’un des principaux relais de croissance mondiale, favorisée notamment par sa dynamique démographique la plus importante au monde avec un accroissement moyen de la population de 2,8 % par an.
C’est ce dynamisme, bien que déjà en ralentissement, qui a permis à ce vaste espace s’étendant sur 10,7 millions de km2, soit 2,4 fois l’Union européenne tout entière, de rassembler aujourd’hui 285 millions d’habitants, contre seulement 52 millions en 1950.
Évolution qui a permis à cet ensemble d’atteindre une masse critique nécessaire au développement économique et à toute industrialisation. En incluant le Maghreb, l’Afrique francophone regroupe désormais 370 millions d’habitants, contre 73 millions en 1950, ce qui était à peine plus que la seule population allemande.
Stratégies payantes de diversification
Mais au-delà de la croissance démographique, des grands projets d’infrastructures en cours, de la stabilité de la majeure partie de l’espace francophone, ou encore des progrès lents, mais constants en matière de bonne gouvernance et de transparence, ce sont aussi les politiques de diversification des sources de revenus mises en place ces dernières années qui commencent à porter leurs fruits.
De nombreux gouvernements ont pris un certain nombre de mesures visant à développer des industries manufacturières légères ainsi que les différents pans de leur agriculture, longtemps délaissée, tout en affichant leur volonté de faire transformer localement une part grandissante des productions qui en découlent.
Ce changement d’attitude ouvre ainsi la voie à un début d’industrialisation via l’industrie agroalimentaire, voire dans certains pays, via l’industrie textile dont l’énorme potentiel demeure quasiment inexploité (l’Afrique de l’Ouest francophone pèse pour 10 % des exportations mondiales de coton, avec un coût de la main-d’oeuvre largement moins élevé qu’en Asie).
Cette stratégie, créatrice de richesses supplémentaires, a notamment permis à la majorité des pays pétroliers d’Afrique centrale de mieux résister à l’effondrement des cours des matières premières, avec des taux de croissance de 4,1 % pour le Gabon et le Tchad, et de 6,3 % pour le Cameroun.
En revanche, la dépendance aux matières premières demeurant encore assez forte dans la majorité des pays producteurs non francophones, la croissance devrait se situer entre 3,0 % et 3,5 % au Nigéria, en Angola et en Zambie, et n’atteindre que 1,3 % en Afrique du Sud (ces deux derniers étant fortement dépendants des productions minières).
Incertitudes liées à l’Accord de partenariat économique (APE) UE/Cédéao
Toutefois, la conclusion en décembre 2014 (en catimini) d’un APE visant à instaurer bien trop prématurément une zone de libre-échange entre l’UE et la Cédéao + Mauritanie, couvrant 75 % de l’ensemble des biens, fait peser de lourdes menaces sur la pérennisation de la croissance de cet ensemble majoritairement francophone, et sur ses industries naissantes. Dans ce cadre, la France devrait fortement appuyer au sein de l’UE la grande majorité réticente de ces pays.
En effet, en vertu principe fondamental voulant que les échanges soient naturellement bien plus importants entre pays partageant la même langue, comme l’a rappelé avec insistance le rapport Attali d’août 2014 (*), la France a tout intérêt à aider au développement de l’Afrique francophone (dont la partie subsaharienne ne représentait que 0,9 % de ses échanges extérieurs de biens en 2013) afin d’assurer à ses entreprises de nouveaux débouchés, créateurs de très nombreux emplois.
Mais également afin de renforcer l’attractivité de la langue française dans le monde, vecteur d’influence et dont la progression de l’enseignement est aujourd’hui essentiellement due à l’émergence démographique et économique de l’Afrique francophone (+43 % de nombre d’apprenants du français en Asie-Pacifique sur la seule période 2010-2014, selon l’Organisation internationale de la Francophonie).
Ilyes Zouari
(*) « La Francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable », La Documentation française, août 2014.
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-154402-lafrique-francophone-subsaharienne-a-nouveau-en-tete-de-la-croissance-africaine-1202600.php?XKPxfohFDSxQuimv.99
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