Un bras de fer à l’issue politique incertaine
Après dix mois de guerre d’usure avec des péripéties devant les tribunaux, les deux camps opposés au FPI sont passés à la vitesse supérieure; c’est une folle course contre la montre pour espérer prendre le dessus dans la dernière ligne droite: la liquidation politique de l’adversaire dans la bataille de la légitimité démocratique. Alors, après bientôt quatorze ans de présidence Affi, le parti déborde d’énergie.
Les dissidents, en organisant un Comité central extraordinaire le 5 mars, ont pris les devants et annoncé les couleurs: suspension, de toute activité du FPI sur toute l’étendue du territoire national et à l’international jusqu’au prochain Congrès du parti, à compter de ce 5 mars, jour de leur Comité central extraordinaire, de Pascal Affi N’Guessan, président du FPI pour «son attitude de défiance quasi permanente vis-à-vis de cette instance de décision», et organisation, dans un délai de trois mois, d’un Congrès, l’instance suprême du parti, pour renouveler les instances et élire le nouveau président du parti.
La direction légale du FPI a, elle aussi, pris le taureau par les cornes. Elle a organisé un Comité central ordinaire le 7 mars qui demande «de prendre des mesures d’ordre administrative, judiciaire et disciplinaire appropriées» contre les contestataires et surtout les date et lieu du 4è Congrès ordinaire du FPI sont connus: 7, 8 et 9 mai 2015 au Palais des Sports d’Abidjan-Treichville. La présidence du comité d’organisation de cet événement a changé de main: c’est Mme Dédi Adèle, vice-présidente chargée des relations avec les partis politiques, les syndicats et les organisations de masse, qui l’occupe.
Elle remplace prof. Sébastien Dano Djédjé pour ses «actes de défiance». Cet ancien 8è vice-président chargé du dialogue politique, de la réconciliation et de la cohésion sociale présidait l’organisation du Congrès de décembre dernier (11, 12, 13 et 14) qui a été finalement reporté sur ordonnance de la justice ivoirienne. Il a été éjecté du Secrétariat général du parti par la décision n°001-2015/PP/FPI en date du 27 février 2015 portant «remaniement ministériel» au FPI pour ses accointances avec l’aile dissidente.
Deux Congrès pour consacrer le bicéphalisme à la tête du FPI et bientôt, sans doute, un autre procès que le camp Affi mijote. Après l’épisode de la candidature à problème à la présidence du parti de Laurent Gbagbo qui continue de diviser le parti, une nouvelle liste de candidature va s’ouvrir, de part et d’autre. Selon l’alinéa 1 de l’article 10 des Statuts, «les dossiers de candidatures à toutes les instances du parti sont déposés un mois avant la date des élections fixée par le Secrétariat général». Et ces «dossiers de candidature doivent faire l’objet de publication quinze jours avant les élections», selon l’alinéa 5 de l’article sus-visé.
Au piège du juridisme.
Pour le Congrès reporté de décembre 2014, le dossier de candidature devait comporter les pièces suivantes :
– une demande manuscrite
– photocopie de la CNI ou de l’A.I.
– 2 photos d’identité du même tirage
– la carte de militant 2014
– attestation de régularité des cotisations de 2012 à 2014
– attestation d’appartenance à une fédération délivrée par le fédéral
– reçu d’un droit de candidature d’un montant de 100.000 F
Les conditions d’éligibilité étaient ainsi définies:
– avoir au moins 5 ans de présence au parti
– avoir appartenu à un organe de direction ou de contrôle du parti
– ne pas être sous le coup d’une sanction disciplinaire.
L’article 18 du Règlement intérieur ne prévoit pourtant pas de dossier de candidature et dispose :
«Peut être candidat au poste de président, tout militant ayant au moins cinq ans de présence dans le parti, à jour de ses cotisations fixées par le Secrétariat général, ayant appartenu à un organe central de direction ou de contrôle et n’étant pas sous le coup d’une sanction disciplinaire.
Les candidatures au poste de président du parti sont reçues par le Comité de contrôle quarante-cinq jours avant la date des élections et publiées dans les Fédérations dix jours avant lesdites élections.
Les élections sont organisées sous la supervision du Comité central à une assemblée fédérale extraordinaire convoquée expressément pour la préparation du Congrès.
Pour l’élection du président du parti, le vote est organisé à la base. Le dépouillement et la proclamation des résultats se font au Congrès. Le président du parti est investi par le Congrès.»
Cette disposition réglementaire met le Comité de contrôle, l’organe de contrôle du parti, au cœur du jeu électoral: c’est lui qui, en tant que Conseil constitutionnel interne, reçoit et valide les candidatures, y compris celle d’Affi. Or, c’est ne reconnaissant pas les décisions de cet organe qui a autorisé la candidature de Laurent Gbagbo à la présidence du FPI que Affi a saisi les tribunaux ivoiriens pour avoir gain de cause. Et ce n’est pas tout dans l’imbroglio juridico-politique: c’est ce Comité de contrôle qui, en donnant son feu vert pour la tenue du Comité central extraordinaire du 5 mars, ne reconnaît plus explicitement la direction Affi (il a d’ailleurs boycotté le Comité central ordinaire du 7 mars) ni le réaménagement du Secrétariat général du 27 février qu’il a déclaré nul et non avenu.
Quelle affaire !!! Et là, voici le président statutaire du FPI pris au piège du juridisme et de la délégitimation des organes internes du parti. La guerre interne montre ainsi qu’elle est réellement complexe et multiforme et ne met aucune partie à l’abri de surprises désagréables, malgré l’intrusion des juridictions nationales.
FB
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