La deuxième journée de l’audience de confirmation des charges dans l’affaire Charles Blé Goudé devant la Cour pénale internationale (CPI) a eu lieu le mardi 30 septembre. Voici ce qu’on peut en retenir.
Par Maxence Peniguet
Charles Blé Goudé faisait partie du cercle proche de l’ancien président Laurent Gbagbo pendant la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire. C’est la première chose que l’accusation a voulu démontrer aux juges lors de cette audience au public, considérablement réduit par rapport à la veille. Pour cela, elle a utilisé le registre des visites de la présidence, qui prouverait l’existence de nombreuses venues et réunions de l’accusé avec des autorités militaires chez Laurent Gbagbo.
Le bureau de la procureure a également cherché à montrer la coordination entre Charles Blé Goudé et les FDS (Forces de défense et de sécurité), ce qu’il a fait en listant les interventions parallèles du suspect à la RTI et celles du FDS à cette même chaine. Par exemple, le 15 décembre 2010, la RTI diffusait un message du porte-parole des FDS où celui-ci désignait comme responsable de futurs dérapages M. Choi, le représentant de l’ONU en Côte d’Ivoire. Blé Goudé est, lui, intervenu le lendemain en désignant l’ONU comme organisateur de la rébellion. Pour l’accusation, il s’agit ici d’une propagande commune.
Pour Bensouda, Blé Goudé manipulait consciemment les jeunes pro-Gbagbo
Une propagande qui aurait servi au suspect à en venir à ses fins. Et le bureau de la procureure de montrer des extraits vidéo où l’on voit l’accusé parler de sa connaissance des discours, de l’importance de leur préparation et de sa conscience que les jeunes pro-Gbagbo était prêts à « vivre » pour lui-même, le général de la rue. Bref, pour Fatou Bensouda, Charles Blé Goudé manipulait consciemment les jeunes pro-Gbagbo pour les faire agir, même s’il fallait tuer, même s’il fallait violer, contre les manifestants pro-Ouattara, et cela pour maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir.
Geert-Jan Alexander Knoops, l’avocat néerlandais de Charles Blé Goudé, a commencé l’exposé de la défense par un argument de droit, faisant appel à plusieurs éléments de jurisprudence, y compris la décision de confirmation des charges dans l’affaire Gbagbo. Sa thèse principale ? Certains crimes que la procureure reproche à son client d’avoir commis ne seraient pas de la juridiction de la Cour pénale internationale car ils ne seraient pas des crimes contre l’humanité. Son interprétation de l’article 7 du Statut de Rome, qui définit ce qu’est un crime contre l’humanité, est stricte : un crime contre l’humanité ne peut être commis que par des acteurs faisant partie d’une organisation étatique ou se rapprochant d’une organisation étatique. Fatou Bensouda, en accusant parfois dans son document de confirmation des charges des miliciens et des mercenaires, ferait donc erreur, puisque ces derniers n’entreraient pas dans la définition d’organisation étatique.
Le discours du premier ivoirien à parler dans cette salle
Après avoir abordé les aspects techniques, un autre membre de la défense est intervenu. Il s’agit de Claver N’Dry. Il a commencé par quelques secondes de silence en hommage aux victimes de la crise post-électorale de 2010-2011, et cela « en tant que premier Ivoirien à prendre la parole dans cette salle. » La suite de son exposé a cherché à convaincre les juges que Charles Blé Goudé est un homme de paix, à l’inverse de la description faite par l’accusation. Pour cela, et avec une certaine éloquence, il a rappelé plusieurs épisodes de la vie du suspect, épisodes se situant, tous sauf un, avant les faits qui lui sont reprochés. Claver N’Dry a également abordé l’accusation de xénophobie envers son client. En citant plusieurs témoins, il a voulu montrer que le fait que Blé Goudé connaisse et supporte de différentes façons des étrangers et des ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire prouve que ce n’est pas un xénophobe.
Pas un xénophobe et pas le leader de la Galaxie patriotique. C’est ce que le juriste Seth Engel a essayé de montrer pour la défense. Le fait que la procureure mélange à la fois « Jeunes patriotes », « jeunes pro-Gbagbo », « Galaxie patriotique » et d’autres termes encore, ne serait pas acceptable, et présenter Charles Blé Goudé comme le leader de ces derniers le serait encore moins. Avec l’aide de plusieurs infographies liées à des témoignages, Seth Engel a essayé de convaincre les juges que son client n’était que le leader d’une partie, la Galaxie, à savoir celle, pacifiste, qui était sous l’influence de son organisation, l’Alliance des jeunes pour le sursaut national. La Galaxie patriotique serait composée d’autres organisations, notamment la CONARECI (Coalition nationale des résistants de Côte d’Ivoire), non dépendantes de Blé Goudé, et qui, pour certaines, prônent la violence.
Seth Engel s’est permis une parenthèse dans laquelle il a questionné la crédibilité d’un témoin de l’accusation, le témoin 44. Mais c’est Nicholas Kaufman, principal représentant de Blé Goudé, qui a continué le travail de son collègue sur ce témoin. D’après plusieurs autres témoins, le témoin 44 n’aurait pas eu un rôle aussi important qu’il le prétendrait autour du général de la rue. Nicholas Kaufman a clôturé la journée en arguant que son client n’était pas impliqué dans l’incident de la marche de la RTI. Pour preuve, il a cité le témoin 49, parlant d’une réunion de préparation de guerre contre les contestations des résultats des élections. Blé Goudé n’aurait pas pris part à cette réunion, et, citant d’autres témoins, les violences contre les manifestants n’auraient pas été le fait de jeunes pro-Gbagbo mais notamment de forces de police, de miliciens et de mercenaires.
Source: ivoirejustice.net
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[Photo : Charles Blé Goudé, le 29 septembre à la CPI. Crédit : CPI]
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