En Côte-d’Ivoire du pain livré dans de mauvaises conditions hygiéniques ?

Des jeunes parcourent, à moto, la commune de Yopougon, pour livrer, quotidiennement, du pain dans les boutiques et autres points de vente. Une pratique grandissante qui suscite des inquiétudes, surtout lorsque la livraison n’est pas réalisée dans les conditions hygiéniques appropriées.

Chaque jour ou presque, c’est le même rituel pour Yves Aka. Livreur de pain à moto, il vient s’approvisionner dans une boulangerie de Yopougon Niangon. Il est un peu plus de 6 heures du matin, ce lundi 18 décembre 2023. À l’entrée de la boulangerie, 210 baguettes de pain commandées par Yves sont entassées dans huit sacs de farine de 52 kg, sans couverture et exposées aux mouches.

La disposition des sacs de pain sur la moto est … incroyable ! Le jeune livreur, vêtu d’un jeans déchiré et d’un t-shirt noir, accroche trois sacs de pains de part et d’autre de ses épaules, deux autres sur le guidon de la moto et le dernier sac sur le siège, contre le réservoir. Sans prendre le soin d’utiliser un quelconque moyen de protection, il s’en va livrer les sacs à différents endroits. Tout au long du trajet, le pain est ainsi exposé à la poussière et aux gaz d’échappement. Un fait qui soulève des préoccupations, quant aux conditions hygiéniques dans lesquelles sont livrées les baguettes destinées à la consommation d’un grand nombre de personnes.

Les revendeurs ne s’en plaignent pas

Acheter le pain auprès des livreurs à moto est le choix de plusieurs revendeurs que sont notamment des restaurateurs, boutiquiers et autres. C’est le cas d’Issa, qui gère une boutique dans un quartier de Yopougon. Le trentenaire dit s’offrir les services de ces livreurs pour éviter de se déplacer et laisser sa boutique sans surveillance : « Je suis seul actuellement dans ma boutique. Je n’ai personne pour m’aider. Si je ferme ma boutique pour aller chercher le pain, je vais perdre des clients. C’est pour cela que je préfère acheter le pain avec les livreurs à moto », explique-t-il. Tout en estimant que transporter le pain à moto est sans danger, surtout que ses clients ne s’en plaignent pas.

Grosses gouttes de sueur sur le pain

Le transport du pain à moto ne plaît pas toujours. Nombres de personnes préfèrent acheter leur pain directement à la boulangerie, en raison des conditions de livraison jugées malpropres. C’est le cas d’Annick Kouakou, une étudiante de 24 ans. Elle se souvient encore du jour où elle a définitivement arrêté d’acheter son pain à la boutique. « Un jour, dans un quartier d’Angré, j’ai vu un jeune homme qui venait livrer le pain à un boutiquier. Le livreur transpirait à grosses gouttes, et la sueur coulait sur le pain. Il avait également accroché le pain sur ses épaules, donc la sueur de ses aisselles coulait également sur les baguettes de pain », déplore-t-elle. Depuis lors, Annick préfère acheter son pain directement à la boulangerie, un endroit où les baguettes sont exposées dans des conditions plus hygiéniques.

À la différence d’Annick, Thérèse Gnaoré achète parfois son pain à la boutique parce qu’elle peut l’avoir en détail. « À la boutique, je peux m’acheter un tiers ou un demi-pain. Là où à la boulangerie, je suis obligée d’acheter la baguette entière qui est trop pour moi seule », confie-t-elle. Binta est consciente que le pain qu’elle achète à la boutique de son quartier est acheminé à moto et dans des conditions pas du tout désirables. Mais,elle semble ne pas s’en soucier. « Je sais que ce n’est pas très propre, mais je fais avec. Rien ne dit non plus que les fours des boulangeries sont salubres », souligne Binta.

Un business juteux

La livraison de pain à moto est un véritable business. Les livreurs et les boulangers se frottent les mains. Les seconds vendent la baguette de pain produite, à 100 francs CFA aux livreurs à moto, qui eux, les revendent à 125 francs CFA. Ce qui leur rapporte un bénéfice de 25 francs CFA par baguette. L’affaire devient véritablement juteuse quand un livreur peut vendre plus de mille baguettes de pains par jour. Pour un livreur comme Yves, qui dit écouler plus d’un millier au quotidien, c’est un bénéfice journalier d’au moins 25. 000 francs CFA qu’il se fait. Et 750 000 francs CFA au bout de 30 jours.

Les boulangers aussi s’en remplissent les poches. Offrir leurs services aux livreurs est un moyen pour eux d’accroître le chiffre d’affaires. « Vendre nos pains aux livreurs est pour nous un moyen de faire un bon bénéfice et d’écouler plus facilement nos pains. Un seul livreur peut vendre plus de 1000 pains par jour, et on peut en avoir quatre ou cinq qui viennent ainsi s’approvisionner chaque jour », révèle le gérant d’une boulangerie. En effet, si le boulanger a quatre livreurs qui arrivent chacun à écouler 1000 pains par jour, c’est un pactole de 100 000 francs CFA qu’il va se faire, rien qu’avec la livraison à moto. Et alors tant pis pour l’hygiène ?

De Lima Soro
Lebanco.net

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